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Burkina Faso

Après la chute de Blaise Compaoré, le Burkina Faso menacé par une nouvelle crise politique

Depuis une semaine, ce pays d’Afrique de l’Ouest voit poindre de sérieux risques de crise politique, alors qu’il est en pleine phase de transition, après la chute d’un ancien président et avant la tenue de nouvelles élections présidentielles.
?Le Rood Woko, marché central de Ouagadougou. ?Image via Sputniktilt.

Depuis une semaine, le Burkina Faso, pays d'Afrique de l'Ouest voit poindre de sérieux risques de crise politique, alors qu'il est en pleine phase de transition, après la chute d'un ancien président, chassé par le peuple, et avant la tenue de nouvelles élections présidentielles, prévues pour le 11 octobre prochain. Une crise grave pourrait conduire à une modification du calendrier électoral, ce qui aurait un effet désastreux sur la stabilité du pays estiment plusieurs observateurs.

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Très attendu par les Burkinabè, un discours télévisé du président de transition Michel Kafando a finalement pris la forme d'un communiqué de presse diffusé tard dans la nuit de ce jeudi à ce vendredi. Le président y a annoncé la création d'un « Cadre de concertation des sages », un conseil dont le rôle sera d'abord d'apaiser les tensions politiques qui crispent le pays depuis le mois de février.

La transition est aujourd'hui menacée par la lutte politique opposant le premier ministre Isaac Zida aux membres du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) — un corps d'élite de l'armée dont le rôle a été central et sujet à controverses lors de la crise d'octobre 2014.

À lire : Qui a placé Isaac Zida à la tête du Burkina Faso ?

Depuis huit mois, le pays est en effet dirigé par un gouvernement de transition, suite au départ forcé de l'ancien président Blaise Compaoré le 31 octobre 2014. Président du Burkina Faso depuis 27 ans, Blaise Compaoré désirait faire changer la Constitution du pays pour pouvoir se représenter en 2015.

Le 30 octobre 2014, alors que l'Assemblée nationale s'apprêtait à discuter de l'amendement en question, des opposants ont pénétré dans le Parlement de Ouagadougou — la capitale du pays — pour s'opposer à ce projet. Des manifestations et émeutes avaient rapidement éclaté à travers le pays, poussant Compaoré à la fuite et à la démission. VICE News était sur place à l'époque à Ouagadougou, et avait filmé la chute du président Compaoré.

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Regardez le documentaire de VICE News - La chute de Compaoré

Un président de transition, Michel Kafando, et un Premier ministre, Yacouba Isaac Zida — un militaire de formation — assurent depuis la transition qui doit normalement prendre fin le 11 octobre prochain, à l'occasion d'une nouvelle élection présidentielle. Sous le régime de Blaise Compaoré, Zida était le numéro 2 du Régiment de la sécurité présidentielle. Ce corps d'élite fort de 1 300 hommes est souvent présenté comme la troupe la mieux formée de l'armée burkinabè. Le RSP aurait notamment servi de bras armé à Blaise Compaoré au cours de ses mandats présidentiels.

Malgré son passé dans ce régiment, Zida est fortement critiqué par les membres du RSP qui réclament sa démission depuis février. Ils souhaiteraient qu'il soit remplacé par un civil. Les cadres du RSP accusent notamment Zida de vouloir démanteler son ancien corps d'appartenance. Zida aurait en effet demandé la dissolution du RSP avant de finalement se raviser. Début février, le Premier ministre a également annoncé l'affectation d'une dizaine d'officiers du RSP à d'autres corps de l'armée, ce qui avait suffi à créer une courte mais intense crise politique.

Depuis fin juin, une crise similaire se joue à nouveau au Burkina Faso. Le 28 juin, le gouvernement a annoncé que des membres du RSP auraient tenté de renverser le Premier ministre— un complot qui aurait finalement été démantelé. Le conditionnel s'impose puisque, selon le RSP, Zida aurait plutôt monté « un faux complot contre sa personne afin de créer des troubles et de se maintenir au pouvoir ».

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Suite à cette première partie de poker menteur, des rumeurs de démissions du Premier ministre se sont ébruitées ce lundi, alors que Zida et le président Kafando s'étaient rencontrés la veille. Dès le lendemain, Zida a mis fin aux rumeurs en assurant qu'il comptait « tenir ferme » à son poste.

Dans un effort d'apaisement, le président Kafando a donc décidé la création du Cadre de concertation des sages pour rétablir le dialogue entre les parties et éviter la modification du calendrier électoral. « On ne peut qu'espérer des résultats positifs et rapides » indique Cyriaque Paré, journaliste et fondateur du site d'information Le Faso.net.

Interrogé par VICE News ce vendredi après-midi, le journaliste burkinabè, grand connaisseur du jeu politique dans le pays, explique que les membres du Cadre de concertation des sages appartiennent aux autorités coutumières et religieuses du pays. « Il y a également des avocats, un économiste, un ancien membre de l'administration » ajoute-t-il.

Cyriaque Paré explique par ailleurs que les audiences du Conseil ont commencé ce vendredi, et devraient durer « toute la journée voire tout le week-end ». Selon lui, le conseil des sages a certes été créé « spécifiquementpour résoudre la crise actuelle », mais il pourrait continuer à jouer son rôle de médiateur jusqu'aux élections d'octobre prochain.

Suite à la création du conseil, Paré estime que le délai des élections fixées au 11 octobre est « toujours tenable, sauf sid'autres dégradationsont encore lieu » prévient-il.

« Le Burkina Faso pourrait enfin connaître sa première alternance démocratique par les urnes. » explique Rinaldo Depagne, directeur du projet Afrique de l'Ouest à l'International Crisis Group. Mais l'état actuel des choses inquiète l'analyste qui prévient que « la stabilité du pays dépend en grande partie de la conduite des élections. »

Pierre Longeray a participé à la rédaction de cet article.

Suivez Pierre-Louis Caron et Pierre Longeray sur Twitter : @pierrelouis_c et @PLongeray

Le Rood Woko, marché central de Ouagadougou. Image via Sputniktilt.