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FRANCE

L'auteur du braquage parfait aurait mieux fait de revenir en 2028

François Chamorro a dérobé un million d’euros en 2003. Après dix ans de cavale, il s’est présenté à l’ambassade française de République dominicaine, faisant une erreur de débutant en matière de droit pénal.
Photo via Flickr / Victor

L'ex-braqueur en cavale François Chamorro, 52 ans, comparait ce jeudi et vendredi devant la cour d'assises du Val-de-Marne. Il risque jusqu'à vingt ans de prison pour le vol de presque un million d'euros, commis il y a plus de dix ans, en 2003.

À cette époque, François Chamorro est employé de la société de transport de fonds Temis. Il est chargé de rapatrier l'argent d'un entrepôt du grand marché de Rungis, en région parisienne, vers la Banque de France. Le Nouvel Observateur rapporte que le 7 mai 2003, il offre à ses collègues une bouteille de champagne, que ceux-ci ouvrent pendant que le braqueur va s'armer. Une fois en possession de deux pistolets de service, Chamorro tient en respect ses collègues et remplit deux sacs de sport de billets de banque, pour un montant total de 981 000 euros. Il prend la fuite dans une voiture de location.

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La chaîne de télévision TF1 a consacré une émission à ce braqueur, décrit comme un passionné de stratégie et de batailles napoléoniennes. D'après le reportage, les policiers à ses trousses retrouvent le lendemain plus de 200 000 euros abandonnés dans une chambre d'hôtel près de Paris. Le braqueur s'en est vraisemblablement débarrassé pour pouvoir se déplacer plus facilement avec son butin. Dans cette chambre d'hôtel, les policiers trouvent également une lettre à leur attention, et une autre lettre destinée à sa compagne, à qui le convoyeur devenu braqueur a laissé 14 000 euros.

Interrogé par le journal Le Parisien, l'avocat de la société de transport de fonds, maître Patrice Pauper, indique que François Chamorro aurait ensuite « fait le Rambo dans le bois de Courcouronnes pendant deux mois et demi ». Le fuyard se serait réfugié une partie de l'été dans un bois du département de l'Essonne, en région parisienne, où il aurait creusé une tranchée pour s'y cacher avec ses sacs remplis de billets.

Après cet épisode forestier estival, François Chamorro se rend à Marseille, dans le sud de la France. Dans la cité phocéenne, il se procure de faux papiers qui lui permettent de quitter la France sous une nouvelle identité. En février 2004, le braqueur s'envole pour Montréal, au Canada pour y rester quelques mois. Il décide finalement de s'établir en République dominicaine, ou il a vécu discrètement jusqu'en 2013.

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Dix ans et un jour après le braquage de Rungis, François Chamorro se rend à l'ambassade de France en République dominicaine pour y faire une demande de passeport, déposée à son vrai nom, pensant que son vol ne tombe plus sous le coup de la loi du fait de la prescription, qui est de dix ans à compter des faits pour les crimes. Il ne semble pas se douter qu'il a été jugé et condamné en son absence par la justice. C'est cette erreur qui pourrait coûter à Chamorro vingt ans de prison.

Pierre Lumbroso est avocat au barreau de Paris, spécialisé en droit pénal et coauteur de plusieurs ouvrages comme La légitimité des juges d'instruction ou La prison, une machine à tuer ? . Contacté par VICE News, il explique qu'il existe deux formes de prescription, dont les modalités sont bien différentes.

« La prescription de l'action publique, c'est la durée après les faits après laquelle le procureur de la République ne peut plus poursuivre quelqu'un. Le procureur ne peut nous poursuivre, après les faits, qu'un an après pour une contravention, trois ans après pour un délit, et dix ans après pour un crime. » Lumbroso précise par ailleurs que le vol à main armée, pour lequel a été condamné Chamorro en 2008, est considéré comme un crime en France.

L'erreur que le braqueur a commise, c'est d'oublier qu'il existe un deuxième type de prescription. L'avocat poursuit : « La prescription des peines est différente. Une fois condamné pour un crime, si l'on échappe à la justice et qu'on ne purge pas sa peine, le délai de prescription est de vingt ans à compter de la période de condamnation. » Pour ne pas être inquiété à son retour en France, Chamorro aurait en fait dû patienter vingt ans après sa condamnation, soit jusqu'en 2028.

Pierre Lumbroso rappelle que la notion de prescription, qu'il qualifie de « droit à l'oubli », existe pour plusieurs raisons. « On considère qu'après un certain temps, la peine risquerait de ne plus avoir de sens, car d'un côté les auteurs pourraient avoir complètement changé, et s'être réinsérés dans la société, et que de l'autre, les victimes ont eu le temps de faire leur deuil. »

Les seuls crimes imprescriptibles, soit ceux pour lesquels un criminel pourra être poursuivi toute sa vie, sont les crimes contre l'humanité.

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Photo via Flickr / Victor