FYI.

This story is over 5 years old.

société

Votre nom pourrait être sur une 'no fly list' sans que vous le sachiez

Des enfants qui portent le même nom que des présumés terroristes sont systématiquement contrôlés à l’aéroport. Leurs parents, qui dénoncent le problème depuis longtemps, demandent au gouvernement Trudeau d’agir plus vite.
Image via Pixabay

La liste d’interdiction de vol canadienne compte les noms des personnes pouvant représenter un danger à la sécurité des personnes présentes à bord d’un avion, aucun autre renseignement. Les noms des personnes listées se retrouvent dans un système automatisé dont les paramètres peuvent cibler injustement certains individus. Ainsi, porter le même nom qu’un présumé terroriste ou toute autre personne jugée susceptible de mettre en danger la vie des passagers et de l’équipage mène automatiquement à des contrôles de sécurité à l’aéroport.

Publicité

Les personnes confondues avec d’autres peuvent aussi subir d’autres conséquences fâcheuses, comme un délai important ou même une interdiction de monter à bord d’un avion en partance pour le Canada ou à destination du Canada, ou encore pour un vol intérieur.

De plus, elles ne sont pas informées de la raison du contrôle d’identité et ne peuvent pas savoir si leur nom figure sur cette liste. Et une fois qu’il y est, il est pratiquement impossible pour une personne de le faire retirer. Une plainte peut être déposée au ministère de la Sécurité publique afin de régler le problème, mais, comme l’expliquait CBC en 2016, il y a très peu de chances que le Canada efface un nom de la liste.

Des parents exaspérés

Cette liste contient le nom de plusieurs enfants dont les parents se sont réunis sous l’égide du groupe No Fly List Kids. Cette association a été mise sur pied après que plusieurs parents ont constaté l’impossibilité de prévenir les difficultés éprouvées chaque fois que ceux-ci voulaient prendre l’avion avec leurs enfants.

Soutenus par plus d’une centaine de députés, les membres de No Fly List Kids sont allés à Ottawa cette semaine pour soumettre une pétition aux Communes, insistant sur l’urgence d’agir.

Syed Adam Ahmed, un garçon de huit ans doit, depuis son plus jeune âge, faire valider son identité et passer par des contrôles de sécurité plus rigoureux que le voyageur moyen. Il a fait les manchettes à la fin de l’année 2015 après avoir été retenu lors du contrôle de sécurité pour un vol Toronto-Montréal.

Publicité

Ses parents ont constaté que leur enfant était considéré comme un « voyageur à haut risque ». Ils ont donc soupçonné qu’il pouvait se trouver sur la liste d’interdiction de vol et que celle-ci ne comprenait que le nom, pas l’âge des individus présumés dangereux. L’enfant porte presque le même nom que Syed Harris Ahmed, un homme reconnu coupable d’avoir apporté de l’aide matérielle à une organisation terroriste en 2009.

Des noms communs

Des parents qui se sont insurgés contre le programme après avoir vu leurs enfants questionnés ont soulevé la question du profilage ethnique puisque les noms musulmans semblaient être plus souvent à l’origine d’une erreur d’identité que les autres. Mais des citoyens aux noms très communs peuvent également se retrouver sur la liste.

Stephen Evans, journaliste et directeur en technologie numérique pour plusieurs grandes compagnies, a publié un texte dans le Globe and Mail en septembre dernier après avoir éprouvé plusieurs problèmes dans les aéroports.

Il a finalement fait le rapprochement entre la liste de personnes interdites de vol et les difficultés qu’il a rencontrées lors de ses différents déplacements aériens. Le journaliste explique qu’avant de tomber sur un sympathique douanier qui lui a mis la puce à l’oreille, il n’avait jamais pensé qu’il pouvait figurer sur une telle liste.

Créé au début des années 2000, ce système n’est pas encore au stade de combiner directement les noms et d’autres renseignements personnels, comme l’âge ou le lieu de naissance.

Publicité

Comme il n’effectue pas de contre-vérification non plus, il est impossible d’acheter un billet d’avion en ligne ou de faire l’enregistrement par internet pour une personne listée.

Une initiative post-2001 qui doit être revue

Entré en vigueur en 2007, le Programme de protection des passagers (PPP), qui encadre le maintien de la liste, est basé sur une initiative américaine en réaction aux attentats du 11-Septembre.

Compte tenu de plusieurs faux positifs survenus après l’instauration de leur programme, le gouvernement américain a rapidement pris en compte les inconvénients causés par la liste et créé un système directement lié aux plaintes concernant les problèmes d’identification.

Le gouvernement canadien a suivi le pas l’an dernier en instaurant le Bureau des demandes de renseignements du Programme de protection des passagers (BDRPPP). Toutefos, celui-ci semble répondre seulement aux personnes s’étant vu refuser l’accès à un vol. Les autres inconvénients, comme les retards occasionnés par un contrôle de l’identité, sont pris en compte, mais ne semblent pas s’accompagner d’un suivi.

La mère du petit Syed Adam Ahmed, Khadija Cajee, a dit à Radio-Canada, que ce bureau était plus virtuel, qu’il « n’existe que par son nom ».

Intervention ministérielle

Transport Canada a refusé de dévoiler le nombre de personnes sur cette liste, à la suite d’une demande d’accès à l’information formulée en 2010 par une journaliste de La Presse. En 2007, l’ex-ministre des Transports Lawrence Cannon a mentionné qu’entre 500 et 2000 noms y figuraient. C’est le seul chiffre qui circule depuis.

Le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, avait promis en 2016 de modifier le programme d’identification afin d’éviter les faux positifs. Il affirmait qu’il serait possible pour les gens figurant sur la liste de recevoir un numéro d’identification personnel leur permettant de valider leur identité au moment de l’achat des billets d’avion et ainsi éviter des contrôles frontaliers non nécessaires. Il avait toutefois signalé que les changements seraient fastidieux et coûteraient 78 millions de dollars au gouvernement.

Le ministre avait également pressé les compagnies aériennes de ne plus vérifier si le nom d’un passager mineur se trouvait sur la liste lors des contrôles de sécurité.

Devant l’exaspération du groupe No Fly List Kids, le gouvernement Trudeau a réagi cette semaine en expliquant reconnaître le problème, mais estimant qu’il ne pourra être réglé avant longtemps. Dans un communiqué, le bureau du ministre Goodale a demandé aux voyageurs concernés d’être patients, car des changements législatifs sont nécessaires.

Le projet de loi C-59 du gouvernement Trudeau, visant à réformer les mesures antiterroristes de la loi C-51 instaurée sous le gouvernement Harper, prévoit en effet une mise à jour du PPP. Il est notamment prévu que les contrôles soient effectués par le gouvernement plutôt que les compagnies aériennes.