Ce que les tueurs en série ont en commun
Le tueur en série Ted Bundy est escorté hors du tribunal du comté de Pitkin, dans le Colorado, en 1977. Photo : Ross Dolan/Glenwood Springs Post Independent via AP 

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Crime

Ce que les tueurs en série ont en commun

Le docteur Michael H. Stone est convaincu que les pires pervers de l'histoire partagent certains traits de caractère, et qu'ils sont souvent irrécupérables.

Michael H. Stone est devenu célèbre le jour où le New York Times a évoqué sa « pyramide du mal », constituée de 22 niveaux successifs. C'était en 2005, et le docteur n'a eu de cesse depuis de prolonger sa réflexion. En 2009, Discovery Channel a fait appel à lui dans le cadre d'un documentaire, Most Evil, qui l'a conduit à rencontrer nombre de tueurs en série, tueurs de masse, et « criminels passionnels » – c'est à cette époque qu'il s'est mis à rédiger The Anatomy of Evil. Ce livre a pour objectif de lever le voile sur les « mécanismes du mal », en insistant sur les traits de caractère communs aux pires salauds de l'histoire.

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Professeur à Columbia, le docteur Stone traite depuis longtemps des patients touchés par un trouble de la personnalité borderline, qui peut s'accompagner de troubles alimentaires, d'addictions, et de dépression. On lui a souvent demandé de témoigner lors de procès, étant l'un des plus grands spécialistes des troubles de la personnalité aux États-Unis, parmi ceux qui comprennent le mieux les pensées et actes atroces des psychopathes.

Le docteur Stone, au fait des différentes personnalités qui peuvent mener à des horreurs innommables, rappelle que le narcissisme et l'agressivité sont les deux traits qui définissent le socle commun du « mal ». Alors que la réédition de The Anatomy of Evil vient tout juste de sortir aux États-Unis, on a voulu s'entretenir avec son auteur.

VICE : Certaines personnes naissent-elles « malfaisantes » ?
Dr Michael H. Stone : Je crois que certaines personnes, peu nombreuses, naissent avec une inclination à faire le mal. On ne peut pas dire qu'ils « naissent » malfaisants, ils ne sont pas prédéterminés. Certaines personnes – surtout des hommes – naissent simplement avec une sorte de « déficit » d'empathie et de compassion. Ils sont incapables de développer des liens émotionnels avec autrui. De fait, ils sont plus disposés à commettre des actes que l'on jugera malfaisants.

Plus largement, qu'est-ce qui rassemble les individus que vous évoquez dans votre livre ?
Disons que ceux qui commettent des actes jugés ignobles ont souvent été élevés dans des conditions très difficiles. Ceux nés avec une capacité à l'empathie ont vu leurs sentiments positifs être réduits à néant par la misère environnante, qui les a touchés lors de leurs premières années.

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Les « meurtriers de la lande » Ian Brady et Myra Hindley. Photo : Press Association via AP Images

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre théorie des « gradations » du mal ?
J'ai commencé à mettre en place ma pyramide du mal il y a 30 ans, en 1987. On m'avait demandé d'intervenir en tant qu'expert dans une affaire où un homme avait tué sa femme et ses enfants – c'est la célèbre affaire ayant mené à la publication du livre Fatal Vision. J'avais pour mission d'expliquer au jury les mécanismes des crimes du capitaine Jeffrey MacDonald.

Évidemment, les gradations, dans leur extrémité, paraissent évidentes. D'un côté, on trouve par exemple le crime commis par Jean Harris, une femme trompée qui a abattu son mari après avoir sombré dans la dépression. De l'autre, on retrouve les crimes d'Ian Brady, qui s'est associé à sa copine de l'époque pour attirer des enfants jusque dans son cottage, avant de les étrangler, d'enregistrer leurs cris sur des cassettes – cassettes qui ont servi plus tard comme outil sexuel dans le cadre de jeux érotiques pervers entre les deux meurtriers. À l'époque, je me disais qu'il ne pouvait rien y avoir de pire. Malheureusement, il y a toujours pire – ma pyramide est donc évolutive, tout comme ses gradations.

David Parker Ray en compagnie de son avocat, en 1999. Photo : Adolphe Pierre-Louis, Pool/AP Photo

Vous avez passé des décennies à étudier plus de 600 criminels violents. Selon vous, quelle est la personne la plus malfaisante ?
David Parker Ray, selon moi. Il a construit une caravane pour l'utiliser en tant que chambre de torture. Il hissait des femmes en l'air pour qu'elles restent immobiles, avant de leur lire un petit recueil de 17 pages recensant toutes les choses affreuses qu'il allait leur faire subir – puis il le faisait.

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Sinon, depuis 1987, j'ai recensé 21 femmes ayant assassiné une mère enceinte sur le point d'accoucher. Celles-ci ont ouvert le ventre de la victime pour voler le fœtus – j'ai l'impression que c'est un nouveau type de « mal ». J'ai en effet été incapable de retrouver les traces d'un tel crime avant 1987.

Et où situez-vous des tueurs comme Charles Manson ou John Wayne Gacy sur votre pyramide ?
Charles Manson n'est pas à l'extrémité de la pyramide car il a avant tout poussé les autres à tuer pour lui – de son côté, il n'aurait tué qu'une personne ou deux. Après, évidemment, il n'est pas loin de l'extrémité la plus malfaisante, car une telle emprise sur les autres en dit long sur son caractère narcissique. Un tel personnage est difficile à analyser : était-il capable de s'adonner aux actes horribles commis par ses disciples ? Nous n'aurons jamais la réponse.

De son côté, Gacy enlevait des enfants avant de les ramener chez lui et de les violer, puis de les tuer. Donc, on a affaire à quelqu'un d'extrême, mais qui n'est pas « au niveau » de David Parker Ray car il n'a jamais torturé ses victimes.

Image parue dans « The Anatomy of Evil », via Prometheus Books

En quoi votre travail pourrait-il avoir une influence sur le système judiciaire ?
Disons que de mon côté, quand nous avons affaire à des criminels de la nature de David Parker Ray, il n'est pas illogique de les condamner à la perpétuité sans sortie possible ou à la peine de mort.

Et que faire des gens présentant des comportements malfaisants dès leur plus jeune âge ?
Le système judiciaire part du principe qu'un enfant ou adolescent ne devrait pas être condamné à une peine de prison trop importante – dans l'espoir d'une possible rédemption. Ça occulte volontairement le fait que certains gamins sont incapables de tisser des liens avec les autres. Lorsqu'ils passent la vingtaine, ils se transforment en psychopathes, sans aucun espoir de traitement. Les juges devraient en avoir conscience.

Et que conseillez-vous ?
D'être plus ferme en ce qui concerne les peines à l'encontre des jeunes. Il faut vraiment s'atteler à détecter des comportements « pré-psychopathiques » chez les jeunes criminels. Il faudrait plus s'intéresser aux diagnostics des experts et moins à l'âge des criminels.