Culture

Pour le groupe de métal suédois Enforcer, le métal moderne, c’est de la marde

« Le genre hard rock est coincé dans la nostalgie ou la parodie, il n’y a plus de place pour des nouveaux groupes originaux. »
Pour le groupe de métal suédois Enforcer, le métal moderne c’est de la marde
Photo fournie par Enforcer

Les Suédois du groupe Enforcer viennent de sortir leur nouvel album, Zenith. Quatre ans après From Beyond, la formation est de retour avec un opus qui explore d’autres couleurs musicales. Connu pour son heavy métal rapide aux riffs tranchants et agressifs à la limite du thrash, Enforcer propose un son résolument plus hard rock classique avec des airs de Scorpions ou des premiers Def Leppard. Les tempos sont plus lents, et on y retrouve même une ballade. On renoue cependant avec la griffe Enforcer et la couleur des années 80.

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C’est un album qu’ils ont décidé de produire eux-mêmes, faute de trouver un producteur qui se collait à leur vision de la musique. « On se faisait dire d’utiliser plus de trigger sur la batterie, une basse cinq cordes, pour faire un gros son moderne bien gras. On voulait pas de ces conneries! » lance Olof Wikstrand, leader de la formation, qui porte le flambeau du heavy métal traditionnel depuis maintenant quinze ans.

Pour Olof, cet album reste dans la continuité des autres. « C’est important d’avoir un album pertinent à sortir. Ça ne sert à rien d’enregistrer la même chose, si ce n’est pas meilleur qu’avant », affirme-t-il. Selon lui, l’approche moderne de la musique métal serait comme un fléau pour les nouvelles générations, enlevant l’âme des enregistrements : « Ça détruit la musique, déclare Olof. Tu t’es déjà demandé pourquoi tu as du mal à accrocher sur des nouveaux groupes? Et pourquoi tu te rabats sur les anciens classiques? La manière dont la musique est produite aujourd’hui fait tout sonner pareil. Il n’y a plus d’identité. Tout sonne linéaire. Le même son de caisse claire et grosse caisse, les mêmes sons de guitare, les mêmes putains de passes de shredding par-dessus, et tout sonne chiant et banal. »

Enforcer travaille ainsi dans la direction opposée, et a voulu enregistrer un album intemporel. Les membres du groupe luttent contre leur constat que de nombreux albums d’il y a dix ans à peine sonnent déjà obsolètes alors que les enregistrements des années 70 et 80 sonnent toujours comme une tonne de briques aujourd’hui. « Crois-moi, les nouveaux albums de Arch Enemy ou Sabaton, ou n’importe lequel de ces groupes de métal modernes, sonneront pourris dans dix ans », prédit-il.

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« Le hard rock et le métal ne seront plus jamais comme avant, il n’y aura plus de gros groupes »

La musique rock et métal était plus commerciale dans les années 80 et 90, alors qu’aujourd’hui, c’est un mouvement plus underground. « Le métal n’a plus assez d’intérêt et de force commerciale. » Et selon Olof, les tournées de stades comme le font les derniers dinosaures du genre, Judas Priest ou Slayer, n’ont rien à voir avec la musique : les gens y assistent seulement par nostalgie.

« Le genre hard rock est coincé soit dans une dimension nostalgique, soit parodique avec des trucs comme Steel Panther, Sabaton ou Hammerfall. Même un super groupe comme Manowar est devenu de la parodie aujourd’hui », croit-il. Ainsi les chances de prendre au sérieux de nouveaux groupes sont presque inexistantes. « C’est très dur pour ceux qui jouent dans un genre “classique” parce que les gens vont tout de suite les comparer aux anciens. » Et on peut constater la force de cette nostalgie avec la montée du marché des groupes hommages. « C’est plus facile d’attirer des vieux nostalgiques avec la musique de leur jeunesse plutôt que de la nouvelle musique originale. C’est triste. »

Très populaire dans les dernières années et suivant le sillage de groupes comme Enforcer, la mouvance NWOTHM (New Wave Of Traditional Heavy Metal) voit beaucoup de groupes essayant de ramener l’esprit old-school : Night Demon, Haunt, Ambush, Eternal Champion, et même du côté canadien avec Skull Fist ou Cauldron.

« J’avais de l’espoir et j’y croyais au début, mais plus aujourd’hui. L’industrie est tellement fucked up. Il n’y a plus d’intérêt pour les nouveaux groupes, les gens sont bloqués dans leur nostalgie. » Et même dans ces nouvelles générations, Olof pense qu’il est commun que les gens se rassemblent plus autour d’un concept que de la musique elle-même. « Beaucoup se retrouvent juste derrière une certaine identité et s’intéressent peu à la musique, mais plus à une image préétablie. » Dans n’importe quel genre aujourd’hui, on cherche souvent à créer un concept et une identité à laquelle les gens vont s’identifier et se rattacher.

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Alors au final, qu’est-ce qui définit un nouveau vrai groupe de métal? En oubliant tout ce qu’on évoque et en traçant sa propre voie : « Il faut le faire parce que tu aimes ça, pour le fun, sans arrière-pensée commerciale. Pour être true ou “vrai”, il faut avant tout l’être avec soi-même. Se détacher des règles stupides qui dictent ce que le métal doit être ou ne pas être. »

Le nouvel album de Enforcer vient de sortir chez Nuclear Blast. Sa tournée américaine de 54 concerts (sans pause!) avec Warbringer passera par chez nous en septembre : 09-27-2019 au Rock Cafe Le Stage, à Trois-Rivières
09-28-2019 au Bar Le Magog, à Sherbrooke
09-29-2019 à L'Anti, à Québec
09-30-2019 aux Foufounes électriques, à Montréal