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bouffe

Il faudrait taxer la viande

Ce n’est pas une solution parfaite, mais en matière de politique écologique, on pourrait faire bien pire.
Image via PixaBay

En février dernier, l’association Pour le traitement éthique des animaux (PETA) mettait de l’avant une proposition qui semblait absurde, même venant d’une organisation qui qui s'amuse à faire du fat shaming et qui s'approprie l'image d’une femme battue pour avancer l'idée que le véganisme fait mieux baiser : les gouvernements devraient adopter une taxe sur la viande. Bien entendu, plusieurs se sont insurgés, et je doute que PETA ait vraiment pensé que son idée fonctionnerait. Néanmoins, il s’avère que l’idée a germé, et certains pays y pensent fortement. Ça semble grotesque à première vue, mais en réalité, c’est une solution possible à un très gros problème.

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Peu importe ce que vous pensez des personnes végés, ils ont raison à au moins un niveau : on mange beaucoup trop de viande. L’élevage de bétail et de volaille pour la consommation de viande représente environ 15 % des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle planétaire; l’élevage bovin à lui seul contribue à plus d’un tiers de ce pourcentage. La demande sans cesse grandissante de viande en Asie et en Afrique ne fait qu’encourager l’industrie à continuer de produire, souvent de manière irresponsable.

Des rapports prévoient une hausse de consommation de viande de 75 % d’ici 2050, et deux études ont trouvé que de combattre les émissions de gaz à effet de serre produits par la culture d’animaux d’élevage nécessiterait l’entièreté du budget de carbone de la planète en entier. Pour que ce soit soutenable, il faudrait que toutes les autres industries n’émettent aucun GES. Au-delà du facteur environnemental, la surconsommation de viande cause aussi un nombre important de problèmes de santé, qui coûtent aux gouvernements des sommes faramineuses.

En général, lorsqu’ un produit a des ramifications sociales et environnementales aussi importantes, on fait comme on a fait avec la cigarette : on le taxe. La différence est que de manger de la viande est un truc qu’on fait depuis des millénaires, qu’on perçoit comme une nécessité absolue. Mais le parallèle avec la cigarette n’est pas si saugrenu. L’Organisation mondiale de la santé affirme que de taxer le tabac est le moyen le plus sûr d’encourager les gens d’arrêter de fumer, tout en décourageant les jeunes de commencer. Elle a aussi classifié la viande transformée comme étant un carcinogène de type 1, la mettant dans la même catégorie que le tabac.

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Une taxe sur la viande serait donc « inévitable », d’après l’auteur d’une analyse réalisée par la firme d’investissements Farm Animal Investment Risk and Return (Fairr). Sous la forme d’une taxe sur le vice, comme celle imposée sur l’alcool et les cigarettes, le carbone et le sucre, cette mesure pourrait s’avérer être un pas dans la bonne direction. Des discussions parlementaires sur une telle loi ont eu lieu dans quelques pays, notamment l’Allemagne et le Danemark.

Cette taxe ne serait pas juste symbolique, elle compenserait ce que les économistes appellent une externalité. Une externalité, c’est un coût associé avec la production d’un produit qui doit être repassé au consommateur. Comme l’expliquait l’économiste Dean Baker à VICE un peu plus tôt cette année, « Je ne pense pas que (une taxe sur la viande) soit une mauvaise idée; il me semble raisonnable de dire qu’il y a des externalités associées à l’élevage de bétail, alors pourquoi ne pas les incorporer dans le coût du produit? »

Le but final n’est bien entendu pas que les gens cessent de consommer la viande, mais d’imposer cette taxe pourrait avoir comme effet de conscientiser les consommateurs au coût environnemental associé à la production de leurs achats. Cela pourrait aussi inciter les gens à s’informer de la provenance et de la qualité de la viande qu’ils achètent, et ils pourraient décider de préférer acheter des viandes produites localement, d’animaux élevés de manière éthique. Une analyse parue l’an dernier rapportait que de taxer le boeuf à 40 %, les produits laitiers à 20 % et le poulet à 8.5 % préviendrait 500 000 décès par année, en plus de réduire de manière signifactive les émissions nocives.

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Il est évident que beaucoup de gens seront contre l’idée, notamment les gens qui dépendent de la vente de viande. L’élevage d’animaux visés pour la transformation en viande est une industrie de plusieurs centaines de millions de dollars au Québec. De plus, comme l’explique Katherine Baicker, professeure d’économie de la santé à Harvard, « les taxes sur la nourriture peuvent être régressives, vu que les gens au revenu moindre dépensent une plus grande partie de leur salaire sur la nourriture. ». Ainsi, cette taxe serait particulièrement contraignante pour les gens les plus pauvres.

Une chose est certaine, notre surconsommation de viande devient un problème de santé publique globale, et les conséquences qui y sont associées se font de plus en plus claires. Une taxe ne semble peut-être pas, pour l’instant, être la solution qui fera plaisir à tout le monde, mais elle reste néanmoins la plus plausible et sensée pour l’instant.

Avec Mike Pearl.

Billy Eff est sur internet ici et .