On a discuté avec des accros aux paris sportifs
Illustration Pierre Thyss

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On a discuté avec des accros aux paris sportifs

On a cherché a comprendre ce qui excitait le plus les mecs qui passent leur temps à miser de l'argent sur un match de foot, de tennis ou de basket.

Aujourd'hui, dans les cœurs des parieurs, les courses hippiques semblent dépassées par d'autres disciplines sportives. Selon l'Autorité de Régulation des Jeux en Ligne (Arjel), au deuxième trimestre 2016, les mises en paris sportifs ont atteint 585 millions d'euros, soit le montant le plus élevé sur un trimestre depuis l'ouverture du marché des jeux d'argent en 2010. Sur la même période, le nombre de comptes de joueurs actifs a lui aussi progressé de 31 % par rapport à l'année précédente. L'Euro 2016 n'explique pas tout et ne fait que confirmer une tendance observée depuis plusieurs mois.

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A l'inverse, la baisse des paris hippiques se poursuit en 2016 et même fortement comme le souligne l'Arjel. Les mises engagées décroissent de 12 % au deuxième trimestre 2016 et les comptes de joueurs actifs de 6 %.

Dans le fond, est-ce vraiment surprenant, tant les courses hippiques semblent complètement has been et réservées à de gros bourgeois et à des amoureux des bars miteux adorant l'odeur de tabac froid et de bière passée d'âge.

Dans votre entourage, vous avez au moins un de vos potes qui passe son temps à parier, à mater les résultats et les actualités sur leurs téléphones pour savoir s'ils vont pouvoir gagner suffisamment d'argent pour pouvoir parier encore et encore. Vous voyez de quoi on parle c'est certain. Du coup, on se demandait ce qui animait les parieurs et comment tout avait commencé. On en a rencontré quatre qui nous ont expliqué un peu leur délire.

Nicolas - 28 ans - Clerc de notaire

Qu'est-ce qui t'a poussé à faire ton premier pari ?
J'ai commencé les paris sportifs quand j'étais au collège. Pour mes copains et moi c'était un simple jeu d'enfants, on jouait maximum 1 euro et on gagnait très très rarement. On y apportait que très peu d'importance au final. Si on gagne, c'est bien et si on perd tant pis, ce n'est pas très grave. J'ai arrêté pendant un long moment, ça ne m'intéressait plus du tout, et j'ai dû reprendre quand j'avais 19 ans et quand j'ai découvert le casino de Deauville. En effet, on jouait au casino le soir et on pariait au tabac dans la journée. On commençait sérieusement à s'intéresser aux paris, aux équipes, aux joueurs présents ou absents pendant un match.

Tout a donc commencé dans un bureau de tabac ?
Au début on faisait ça au bureau de tabac, c'était plus pratique. D'autre part, on avait pas tous Internet et les abonnements n'étaient pas les mêmes qu'aujourd'hui, c'est-à-dire illimités. De toute manière on ne se posait pas la question, on ne savait même pas que ça existait en ligne. Je n'ai jamais été fan des paris en ligne, j'ai dû m'inscrire une fois comme ça pour essayer mais cela ne m'a pas plu, du coup quand je fais un pari, c'est exclusivement au tabac.

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Avez-vous un sport de prédilection sur lequel parier ?
Oui bien entendu, pour ma part c'est le foot, parfois le rugby ou la NBA, mais à 98% je parie sur le foot. C'est le sport que je connais le mieux, là où je connais le mieux les équipes les joueurs. Finalement c'est le sport que je suis le plus, les autres m'intéressant moyennement en vrai.

Comment tu t'y prends pour faire un pari ? En fonction de ta connaissance propre du sport ? Ou tu mates des statistiques ?
J'aime le jeu, je suis joueur, du coup je m'intéresse surtout aux cotes des équipes. Par exemple, quand il y a un match entre Barcelone et Getafe, et que la cote de Getafe est de 25, je suis plus excité pour jouer cette cote que celle du Barça qui est souvent entre 1,10 et 1,65 maximum. Je ne cherche pas à combiner les cotes les plus probables pour être sûr de gagner car la cote est trop petite et pour ramasser de l'argent, il faut engager beaucoup d'argent dès le départ.

J'aime jouer des paris risqués avec des cotes très élevées, comme ca j'engage peu d'argent mais le gain est très élevé. Par exemple il n'y a pas très longtemps j'ai joué trois matches nuls + 1 victoire à domicile, ce qui faisait une cote à 90,27. J'ai joué 2 euros et j'ai gagné 180,55 €. Il m'est arrivé aussi de jouer trois matches nuls en misant 10 euros, à ce moment-là j'ai gagné plus de 500 euros.

J'aime gagner gros mais en jouant peu, c'est tellement aléatoire le football que tout peut arriver. Il m'arrive régulièrement de perdre des paris à la 90eme minute d'un match ou alors de réussir cinq paris sur six, ça arrive très souvent, donc je préfère jouer petit mais avec des cotes très élevées. Ça ne m'intéresse pas de gagner 20 euros, ce n'est pas très excitant.

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Qu'est-ce qui t'attire ? L'appât du gain ? Un simple petit défi perso ? Une dose d'adrénaline dans ta vie ? Ou simplement rendre le match un peu plus pimenté ?
Pour moi, ce qui est attirant, c'est essentiellement l'appât du gain. Tu mises 10 ou 20 euros et tu peux gagner 100 fois plus. Ça n'arrive pas souvent mais quand ça arrive, tu exultes tellement, et tu te dis aussi que tu connais le football. Mais ce n'est pas une dose d'adrénaline dans ma vie, c'est juste un kiff que je me fais. Parfois ça peut jouer des tours : un jour j'a préparé un billet et j'ai eu la flemme d'aller au tabac pour le faire valider, j'ai raté 1000 euros, j'avais la rage.

Y-a-t-il une vraie addiction ?
Non aucune addiction, cela reste un jeu.

Quel est ton plus gros gain sur un seul pari ?
Huit cents euros avec une mise initiale de 20 euros.

Qu'est-ce qui t'empêche d'arrêter ?
J'aime bien jouer, mais avec modération. Je ne vais pas hypothéquer ma maison, je reste très raisonnable.

Hippolyte - 30 ans - Juriste

Qu'est-ce qui t'a poussé à faire ton premier pari ?
Un après-midi avec les copains devant un multiplex rugby. L'idée était de rajouter un peu de piment à ce moment en misant sur les résultats des matches que nous regardions tous installés dans le canapé.

Au début tu faisais ça au bureau de tabac ou directement en ligne ?
Au début, seulement au bureau de tabac afin de conserver une certaine liberté, autant dans le fait de miser que de récupérer les gains surtout. Depuis, j'ai ouvert un compte sur un site Internet, mais je préfère encore jouer au tabac

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Tu as un sport de prédilection sur lequel parier ? Ou tu paries sur tous les sports ?
Je joue au rugby depuis longtemps, c'est un sport qui me passionne. Le niveau du Top 14 est incroyablement élevé avec des matches à enjeux quasiment tous les week-ends, c'est donc tout naturellement que je parie le plus souvent sur le rugby, le Top 14 et la Pro D2. Mais je suis également de très près l'ensemble de l'actualité sportive, ainsi, je parie souvent sur le football, le basket et le handball.

Comment tu fais un pari ? En fonction de ta connaissance propre du sport ? Ou tu regardes des statistiques ?
Je me base avant tout sur mes connaissances. Je lis L'Equipe tous les jours ce qui me permet d'être au fait des compositions, des formes du moment, des blessés et des éventuelles impasses effectuées par les clubs en particulier au rugby où les rotations d'effectif peuvent changer grandement le résultat de la rencontre.

Qu'est-ce qui t'attire ? L'appât du gain ? Un simple petit défi perso ? Une dose d'adrénaline dans ta vie ? Un peu de tout. Je ne joue pas de grosses sommes, maximum 20 euros chaque week-end, ce n'est pas l'appât du gain qui dicte mes paris même si bien sûr l'objectif est au moins de doubler la mise.

La principale raison est un petit défi personnel afin de pouvoir se dire : « Ahh j'en étais sûr » et surtout de pouvoir le dire aux autres.

Y-a-t-il une vraie addiction ?
Je ne pense pas que l'on puisse parler de réelle addiction mais désormais, lorsque je regarde le calendrier ou les différentes applications dédiées aux paris sportifs, même si je n'ai pas le temps de passer jouer, je me dis je pense qu'il va y avoir tel ou tel résultat et je simule un pari. Cela a juste modifié mon comportement de spectateur ou supporter vis-à-vis de la compétition sportive quelle qu'elle soit.

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Quel est ton plus gros gain sur un seul pari ?
Cent quatre-vingt euros en ayant misé seulement deux euros, mais c'était un gros coup de chance.

Qu'est-ce qui t'empêche d'arrêter ?
Rien.

François - 30 ans - Responsable comptable bancaire

Qu'est-ce qui t'a poussé à faire ton premier pari ?
Sérieusement, je ne me rappelle plus ce qui m'a poussé à faire mon premier pari sportif, car cela fait maintenant plus de 10 ans que je parie sur des matches.

Au début tu faisais ça au bureau de tabac ou directement en ligne ?
Pendant les premières années, je jouais uniquement au tabac, puis le jeu en ligne s'est démocratisé et je me suis mis à jouer en ligne aussi. Depuis, je joue à la fois au tabac et en ligne, en fonction des cotes ou des paris proposés de part et d'autre.

Tu as un sport de prédilection sur lequel parier ?
Non, pas seulement un sport de prédilection mais plusieurs : foot, rugby, basket, tennis…

Tu paries donc sur plusieurs sports ?
Personnellement, je parie sur beaucoup de sports : rugby, foot, hand, basket, tennis, biathlon, cyclisme, hockey. Mais aussi sur des sports beaucoup moins connus lors de grand événements tels que les JO, divers championnats du monde ou coupes du monde. Mais il faut reconnaitre que régulièrement je parie plus sur les quatre grands sports majeurs, à savoir le foot, le rugby, le basket et le tennis.

Comment fais-tu un pari ? En fonction de ta connaissance propre du sport ? Ou tu regardes des statistiques ?
Il faut savoir une chose : je suis un dingue de sport. Donc je me tiens continuellement informé et je suis toutes les actualités sportives, ce qui me permet d'avoir une grande connaissance des différentes disciplines, des équipes, des compétitions ainsi que des statistiques. En fonction de ça, je regarde les cotes proposées et je vois ce que je peux en faire. C'est ce qui est peut-être le plus intéressant niveaux paris. Personnellement, je joue deux styles de paris : les "funs" qui sont des grosses cotes cumulées dues au fait de ne pas jouer les favoris afin de gagner beaucoup avec une petite mise. Les « simples » qui sont des paris de 1 à 4 matchs maximum avec des cotes beaucoup plus petites mais qui ont des probabilités plus importantes de passer (généralement au moins 80% de chances de passer).

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Qu'est-ce qui t'attire ? L'appât du gain ? Un simple petit défi perso ? Une dose d'adrénaline dans ta vie ?
Plusieurs choses sont attirantes : l'appât du gain bien sûr car c'est toujours plaisant de gagner un peu d'argent supplémentaire. Mais personnellement, c'est plus l'adrénaline et le petit plus que cela donne à chaque match.

Je prend pour exemple un match de foot ou l'on parie sur le fait qu'un joueur en particulier marquera lors d'un match. Lorsqu'on regarde ce match en live, on vibre à chaque fois que ce joueur est en position de marquer, et lorsque celui-ci y parvient on a une certaine satisfaction et on a toujours cette petite phrase : "Je le savais qu'il allait marquer". Malheureusement cela ne se passe pas à tous les coups.

Y-a-t-il une vraie addiction ?
Ma vraie addiction est le sport et non les paris sportifs, mais il est vrai que les paris sportifs mettent un peu plus de piment dans le sport.

Quel est ton plus gros gain sur un seul pari ?
Mille huit cents euros de gains après avoir misé 500 euros au départ.

Qu'est-ce qui t'empêche d'arrêter ?
Rien ne m'empêche d'arrêter, c'est juste que j'en n'ai pas envie et tant que je pourrais me permettre de le faire, je le ferai. Maintenant, je ne suis pas obnubilé par ça, j'ai déjà passé des semaines et des mois sans parier. Je ne suis pas comme certains, à savoir des joueur compulsifs en manque s'ils ne jouent pas. J'ai connu un de mes amis qui a eu de gros problèmes financiers liés au jeu et franchement c'est pas beau à voir. Personnellement, je parie pour l'amusement et l'adrénaline que cela me procure et puis quand je regarde sur l'année cela me fait un petit bonus pécuniaire.

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Igor - 23 ans - Etudiant

Qu'est-ce qui t'a poussé à faire ton premier pari ?
Bah mon ancien coloc regardait tout le temps des matches. C'était assez chiant à la longue. Du coup, j'ai commencé à parier un petit peu pour mettre un enjeu supplémentaire. Ça a bien pris dans la bande de potes et on a de plus en plus parié.

Au début tu faisais ça au bureau de tabac ou directement en ligne ?
Non non, je fais ça tranquillement sur mon téléphone.

Tu as un sport de prédilection sur lequel parier ?
Je me concentre sur les sports que je connais le mieux à savoir le football et le basket. Ça m'arrive de tenter des coups sur d'autres disciplines mais c'est rare.

Comment fais-tu un pari ? En fonction de ta connaissance propre du sport ? Ou tu regardes des statistiques ?
Je suis l'actualité du football et du basket donc je suis assez bien rencardé sur les formes du moment. Après j'ai remarqué que ça valait moins le coup de se tenir au courant, tu vois que tout peut arriver dans le sport et j'ai l'impression que c'est de plus en plus le cas. Il y a de plus en plus de surprises et ça incite à tenter des coups.

Qu'est-ce qui t'attire ? L'appât du gain ? Un simple petit défi perso ? Une dose d'adrénaline dans ta vie ?
Bah regarder des matches avec ses potes qui ont tous parié, je trouve ça génial. On est assis dans le canapé et on s'enflamme tous à la moindre action c'est vraiment génial. Ça rend clairement certains matches plus intéressants.

Y-a-t-il une vraie addiction ?
Peut-être un peu ouais, surtout quand tu commences à gagner régulièrement. Mais dans mon cas, c'est clairement le moment entre copains qui est une addiction. Faudrait qu'on essaie de supprimer les paris pour voir si on se désintéresse du match.

Quel est ton plus gros gain sur un seul pari ?
Franchement ça n'a jamais dépassé 150 euros, mais je prends peu de risques. Il faudrait que je tente un coup de folie façon Leicester ou Corée du Sud. Les mecs ont dû tellement ramasser.

Qu'est-ce qui t'empêche d'arrêter ?
Rien, mais je kiffe donc je continue et je parie des petites sommes, donc le risque est limité, ça rend les matches moins chiants à regarder, notamment la Ligue 1.

Les prénoms ont été modifiés à la demande des personnes interviewées.