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Une start-up de la Silicon Valley part à la chasse aux ovnis

Le projet UAP eXpeditions réunit des vétérans de l’armée, des entrepreneurs, des investisseurs et des académiciens.
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
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Depuis que l'US Navy a déclaré, cet été, que les ovnis et les « phénomènes aériens non identifiés » (UAP) étaient bel et bien réels, une équipe constituée de vétérans de l’armée, d’entrepreneurs, d’investisseurs et d’académiciens s’est donnée pour mission de suivre les ovnis au large de la Californie.

UAP eXpeditions est un organisme à but non lucratif basé dans l'Oregon qui « fera appel à un groupe de professionnels chevronnés pour tester sur le terrain les nouvelles technologies liées aux UAP ». Avec des chasseurs d'ovnis de la Silicon Valley, les membres d'UAP eXpeditions seront les pionniers de la capacité à prédire, trouver, observer et documenter ces phénomènes pour étude et analyse. Ils utiliseront pour cela « des techniques d'observation classiques, par des observateurs et des scientifiques formés, tout en utilisant les dernières technologies expérimentales au bon endroit et au bon moment », écrit Kevin Day, fondateur et PDG du groupe, dans un post Facebook.

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Kevin Day, qui est apparu dans les émissions Unidentified : Inside America's UFO Investigation de History Channel et Contact de Discovery Channel, est un ancien premier maître et opérateur radar de la marine américaine. Il a servi dans le Nimitz Carrier Strike Group et se trouvait à bord du porte-avion USS Princeton lors du célèbre « incident du Nimitz » de 2004, qui a fait l’objet d’un article dans le New York Times en décembre 2017.

Il se souvient d'avoir suivi le fameux ovni, un « Tic Tac géant », pendant plusieurs jours autour de l'île Catalina en utilisant le système radar avancé de l'USS Princeton. Selon lui, ces objets continuent de suivre la même trajectoire aujourd’hui et « migrent » de l'île Catalina vers le sud, le long de la côte californienne.

« Le but de l'expédition est de nous donner un peu de vérité de terrain. Nous essayons d'observer ces objets directement, et de les enregistrer en utilisant de multiples modalités d'imagerie » – Kevin Knuth, professeur de physique

Le livre blanc de l'entreprise est assez vague. Il pose la question suivante : « Les UAP migrent-ils de l'île Catalina vers l'île Guadalupe avec une certaine fréquence ? Et si oui, dans quelle mesure les chants de baleines sont-ils en corrélation avec leurs apparitions ? » La pertinence des chants de baleines ici n'est pas bien claire, mais passons.

Day croit que son expérience du suivi de ces objets lui a permis d'acquérir de curieuses capacités, telles que la « cognition avancée ». Son organisation espère « offrir aux développeurs un moyen de tester leur nouvelle technologie à titre gracieux ». À l'aide de caméras dernier cri et d'autres dispositifs de surveillance expérimentaux, l'idée est de tester cet équipement de pointe sur le terrain et d'essayer de suivre des objets aériens inconnus au large de la Californie.

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C’est Kevin Knuth, ancien scientifique du Ames Research Center de la NASA et professeur de physique à l’université d'État de New York à Albany, qui dirige l'équipe de scientifiques. Il est spécialisé dans le learning machine et l'étude des exoplanètes. Alors que le projet n'en est encore qu'à ses balbutiements, Knuth dit que « le but de l'expédition est de nous donner un peu de vérité de terrain. Nous essayons d'observer ces objets directement, et de les enregistrer en utilisant de multiples modalités d'imagerie ».

Le projet comporte deux phases. Tout d'abord, l'équipe « obtiendra des images satellites actuelles de la région (plus ou moins dans la région de l'île Catalina, à environ 160 km au sud) et déterminera si ces objets peuvent être observés. Elle surveillera ces images satellites à la fois manuellement et à l'aide du learning machine, et constituera une base de données des détections, des classifications et de tout modèle d'activité observé. »

Si, et c'est un grand « si », l'imagerie satellite indique une étrange concentration d'objets inconnus, l'équipe ira à la chasse aux ovnis. La deuxième étape, prévue pour novembre 2020, consiste à stationner un bateau au large de la Californie chargé de caméras et de capteurs divers pour détecter et enregistrer les anomalies de l'activité aérienne. L'équipe a déjà entamé des négociations pour affréter le MV Horizon, un petit navire de recherche.

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« Pour le suivi, nous utiliserons des caméras de sécurité, des téléobjectifs, des jumelles, ainsi que des appareils photo reflex numériques avec téléobjectifs haute puissance allant de 400 mm à plus de 600 mm, dit Knuth. Nous prévoyons d'avoir des drones de haute qualité dans l'air avec des capacités d'imagerie. Nous nous penchons également sur l'imagerie infrarouge, ainsi que sur les détecteurs de rayons X, de rayons gamma et de neutrons sur mesure (qui sont conçus pour détecter la matière noire). »

En juillet 2019, Knuth a présenté une conférence à l'Institut Max-Planck de physique des plasmas à Garching, en Allemagne, sur la détermination des caractéristiques de vol des véhicules non identifiés. Son article, qui est actuellement en attente d'un examen par les pairs, peut être consulté en ligne.

Knuth explique que l'on ignore encore beaucoup de choses sur ce que les gens rapportent exactement en ce qui concerne les ovnis. « Il s'agit toujours de questions délicates dans toute étude qui repose sur la communication d'informations par des personnes. Cela comprend les études en médecine, en psychologie et en neurosciences qui s'appuient sur les réponses des sujets, les études sociologiques qui s'appuient sur des enquêtes, et même les données fournies par les scientifiques (qui peuvent tous faire des erreurs ou mentir). La clé de l'uniformité est la reproductibilité, ce qui nécessite des études supplémentaires », explique-t-il.

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En dehors du programme SETI, il s’agit de l'une des tentatives les plus sérieuses en matière de recherche d’ovnis. C'est, il faut bien l'admettre, un peu comme une chasse à l'oie sauvage qui va coûter beaucoup d’argent. Mais l'équipe comprend d’autres sommités comme Rizwan Virk, entrepreneur en technologie de la Silicon Valley et technologue du MIT, et Deep Prasad, PDG de la société d'informatique quantique ReactiveQ basée à Toronto. Ils ont tous deux signé pour aider à trouver des fonds pour le projet.

« Personnellement, je suis très excité, quel que soit le résultat, déclare Prasad. C'est un effort qui, à mon avis, est rare et opportun compte tenu des événements actuels, comme l'augmentation apparente du nombre d’observation des UAP par les voies militaires officielles. »

Parmi les autres membres de l'équipe figurent Luis Elizondo, ancien membre du personnel du Pentagone qui a quitté son emploi pour chasser les ovnis, Sean Cahill, ancien chef d'armes qui a servi à bord de l'USS Princeton pendant l'incident du Nimitz en 2004, et Bruce Macabee, physicien optique et chercheur spécialiste des ovnis.

Obtenir l’argent nécessaire ne va pas être facile. Alors que l'équipe de Day travaille sur les demandes de subvention, elle sait que la grande majorité du financement devra être privée. Louer un navire de recherche et acquérir l'équipement de haute technologie nécessaire à la recherche d’ovnis n'est pas bon marché. Et si Day envisage de financer ce projet, il espère que l'organisme à but non lucratif pourra attirer quelques investisseurs providentiels.

Selon Knuth, il est grand temps d’entamer un vrai travail scientifique sur les ovnis. Bien que l'étude ne soit pas orthodoxe (en particulier pour cette histoire de baleines), il n'en demeure pas moins que les phénomènes aériens non identifiés sont suivis par l'armée de l'air et la marine, et semblent facilement échapper à l'appareil d'armement technologique entretenu par les militaires les plus puissants sur la planète.

« L’absence d'étude scientifique de ces phénomènes a conduit à un état d'ignorance, ce qui est inacceptable compte tenu des problèmes de sécurité aérienne signalés par l'US Navy », estime Knuth.

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