Des interviews de gens qui prennent de la drogue avec leurs parents

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Drogue

Des interviews de gens qui prennent de la drogue avec leurs parents

Il convient de ne pas faire certaines choses devant ses géniteurs – comme baiser, regarder de la porno ou prendre de la drogue. Pourtant, tout le monde ne le voit pas ainsi.
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR

Cet article a été initialement publié sur VICE Pays-Bas

Parce que vous avez vécu avec eux pendant près de deux décennies et qu'ils vous ont vu nu pendant une bonne partie de ce temps, il y a peu de chances que vous parveniez un jour à profondément embarrasser vos parents. Certes, il y a tout de même une chose ou deux qu'il convient de ne pas faire devant eux – comme baiser, regarder du porno ou prendre de la drogue. Et pourtant, certaines personnes ne voient aucun mal à sniffer quelques traces ou avaler un cacheton avec ceux qui les ont mis au monde.

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Qu'est-ce qui peut bien se tramer dans le cerveau malade de ces gens ? Pour en savoir plus, j'ai parlé à trois personnes qui se défoncent de manière semi-régulière avec leurs parents.

Robin, 21 ans, prend occasionnellement de la cocaïne avec son père

VICE : Salut Robin. Que t'ont dit tes parents sur la drogue quand tu étais plus jeune ?
Robin : Ma famille est plutôt décontractée. Mon père a lui-même été dealer, ma mère aussi. Ils allaient souvent au RoXY [un club mythique d'Amsterdam] et sont très ouverts sur leur passé. Mon père voulait que je sois complètement honnête avec lui, en particulier pour ce qui a trait à la drogue. Cela ne m'a pas empêché de lui cacher mes premières prises – je trouvais un peu étrange et effrayant le fait de lui en parler. J'avais 16 ans quand j'ai pris une pilule pour la première fois, et bien sûr, il l'a immédiatement su quand je suis rentré à la maison – il sait reconnaître les effets.

Comment a-t-il réagi ?
Il était contrarié que je ne l'ai pas prévenu avant. Il voulait s'assurer que je comprenne tous les risques et que je ne fasse rien de stupide – comme prendre un mauvais cacheton, par exemple.

Et la première fois que tu en as pris avec ton père, c'était planifié ou spontané ?
Non, ce n'était pas du tout prévu. C'est arrivé, tout simplement. Quand j'avais 18 ans, mon père m'a filé un sachet de coke alors que j'allais en soirée avec un ami. Ça a en quelque sorte donné le ton pour le reste de notre relation. Mais c'est quand ce même ami est venu dîner à la maison pour Noël que c'est arrivé. Mes parents, mon ami et moi avons fini par passer un « Noël blanc ».

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Charmant. C'était comment ?
C'était très cool. Nous avons eu de super conversations et avons pu aborder des sujets dont il est normalement difficile de parler – à ce moment-là, nous étions très intimes et ouverts les uns avec les autres.

Qu'en penses-tu, avec le recul ?
Mon père voit ça comme un moyen de se rapprocher de moi, de renforcer notre relation père-fils. Donc, je ne sais pas à quel point c'était spontané pour lui. Peut-être qu'il voit ça comme une sorte de remplacement du lien émotionnel qui fait défaut entre nous. J'ai été vraiment heureux de prendre de la drogue avec lui pendant un an ou deux, mais avec le temps, je vois ça d'un œil différent. La drogue ne devrait pas constituer la base de notre relation.

Qu'est-ce que tes amis pensent du fait que tu prennes de la drogue avec tes parents ?
Mes amis ont parfois pris de la coke avec mon père, et ils trouvent ça très cool que je puisse le faire avec mes parents. Certains pensent que c'est un peu bizarre – et je comprends leur point de vue.

Est-il déjà arrivé quelque chose d'embarrassant ?
Une fois, je suis passé chez mes parents avec des amis après la Gay Pride d'Amsterdam, et nous avons pris une trace ensemble. Mon père m'a vraiment embarrassé cette fois-ci – il n'arrêtait pas de dire à mes amis combien ils étaient cool et de crier : « Oh Robin, tes amis sont tellement géniaux ! »

Timo, 28 ans, a pris de la MDMA avec sa mère lors d'un festival

VICE : Salut Timo. Que t'ont dit tes parents sur la drogue pendant ton enfance ?
Timo : C'était un sujet tabou. Les drogues sont mauvaises et addictives – c'est en tout cas ce qu'ils m'ont fait croire. Le terme « drogue » me renvoyait aussitôt l'image d'un mec reposant dans le caniveau, une seringue piquée dans le bras – rien de très positif, en somme.

Mais tu as tout de même fini par prendre de la drogue ?
En effet. J'avais 23 ans et je traversais une mauvaise passe dans mon couple. Un ami m'a emmené dans un festival en Belgique, où j'ai essayé l'ecstasy pour la première fois. Ça m'a ouvert les yeux – j'ai été complètement submergé par l'expérience. Je n'avais jamais ressenti ça auparavant, et j'étais loin d'imaginer qu'il était possible de ressentir ça. Ça a marqué le début de quelque chose de nouveau pour moi – tout ce qu'on m'avait raconté sur la drogue se révélait être complètement faux. Je ne me suis pas aussitôt transformé en un toxicomane ou une mauvaise personne – ça m'a au contraire rendu ouvert, emphatique et aimant. J'ai commencé à me demander ce qu'il en était des autres drogues, et je les ai plus ou moins toutes passées en revue.

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Comment as-tu convaincu tes parents ?
Environ trois mois plus tard, j'en ai parlé à ma mère. J'étais terriblement nerveux, je n'avais pas la moindre idée de comment elle allait réagir. Je lui ai tout avoué alors que nous étions à la salle de sport, et elle s'est montrée très curieuse et ouverte sur le sujet. Je lui ai expliqué que c'était la meilleure expérience que j'avais jamais vécue. J'imagine que je lui en ai dépeint une image plutôt reluisante, car il ne lui a pas fallu longtemps pour me dire qu'elle aimerait bien essayer aussi.

Comment ça s'est passé après ça ?
Je voulais vraiment qu'elle voit ce que c'est. J'ai commencé à envisager dans quelle situation je pourrais en prendre avec elle, et je me suis dit qu'il fallait que ce soit dans un endroit en plein air, par une belle journée d'été, quelque part où elle ne sentirait pas dans le rôle de « la maman ». J'ai fini par choisir le festival Dance Valley, aux Pays-Bas, où personne ne se soucierait du fait que je vienne avec ma mère. J'y étais déjà allé deux fois – la musique est accessible, c'est de la house enjouée, et le festival n'attire pas que des vingtenaires.

Et ensuite ?
J'ai donné à ma mère – qui avait 51 ans à l'époque – une capsule contenant un quart de dose de MDMA. Je l'ai faite analyser au préalable et me suis assuré que la dose correspondait à son poids, ce qui était pour elle très important. Je voulais qu'elle se sente en sécurité, mais ça ne s'est pas vraiment déroulé en douceur ; elle se sentait lourde et luttait pour définir la sensation qu'elle ressentait. J'ai fini par lui donner un autre quart de dose, et après ça, tout s'est très bien passé – elle a commencé à danser et à se laisser aller. C'était là tout l'enjeu : ma mère est une control freak et je voulais vraiment qu'elle se détende un peu.

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Comment les gens présents autour de vous ont-ils réagi ?
Mes amis, qui étaient au festival avec nous, ont trouvé ça vraiment spécial et sympa d'avoir ma mère parmi nous. Mais beaucoup de gens ne s'imaginent pas pouvoir faire quelque chose comme ça avec leur mère.

Cette expérience a-t-elle eu un impact sur votre relation ?
C'était un peu risqué, bien sûr, parce que nos rôles étaient soudainement inversés. J'étais la personne responsable. Mais j'y repense avec beaucoup d'affection, car elle m'a vraiment fait confiance. Ça n'a fait que renforcer notre relation.

Avez-vous recommencé depuis ?
Absolument. Après la première fois, elle s'est montrée d'autant plus curieuse, surtout que tout ne s'était pas si bien passé au départ. Nous sommes donc retournés au Dance Valley l'année suivante, et je lui a donné une dose plus forte – tout s'est passé pour le mieux. Elle était très heureuse et nous avons eu de très bonnes conversations. Elle m'a dit à quel point j'étais un fils génial, ce qui était plutôt cool. J'avais déjà eu ce genre de conversations de défoncés avec des amis, mais jamais avec ma mère.

Il ne s'est rien produit d'embarrassant ?
Non, elle éprouvait le besoin de s'asseoir de temps à autre, mais c'est tout. C'était adorable. Bien sûr, on ne se faisait pas des câlins à tout va ou autre, mais on s'asseyait dans l'herbe et on discutait.

Tu recommanderais cette expérience aux autres ?
Eh bien, si vous avez l'occasion de vivre avec vos parents une expérience intense dont vous vous rappellerez toute votre vie, foncez. C'est un cadeau pour vos parents et pour vous-même. J'ai vraiment noté un changement chez ma mère après ça – elle est devenue très différente et plus chaleureuse.

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Grâce à la drogue ?
Oui, absolument. Ma mère avait surtout vécu des soirées où les gens boivent, deviennent ennuyants et agressifs. Là, l'atmosphère était amicale et affectueuse – elle ne s'attendait pas à ça. Et elle s'est vraiment mise à aimer la musique. Nous sommes même allés à l'Amsterdam Dance Event ensemble l'année dernière. Nous avons aussi pris de la 4-FA et du 2C-B, et c'était génial.

Fleur*, 21 ans, a pris du 2C-B avec son père après avoir loupé son train de retour

VICE : Salut Fleur. Que t'ont dit tes parents sur la drogue quand tu étais plus jeune ?
Fleur : Mes parents ont toujours été très ouverts sur tous les sujets, même s'ils n'encouragent pas la consommation de drogue. J'ai eu le droit à des dépliants d'information, parce qu'ils se sont dit que les chances pour que je n'essaie jamais la drogue étaient plutôt minces. Ils me disaient parfois : « Nous avons été jeunes aussi, tu sais » – donc j'avais conscience qu'ils n'étaient pas complètement naïfs.

La première fois que tu as pris de la drogue avec tes parents, c'était planifié ?
Non, c'était très spontané. Nous n'en avons pas vraiment discuté avant. Ça nous est tombé dessus un peu par hasard.

Comment c'est arrivé ?
Il y a environ trois ans, quand j'avais 18 ans, mon père et moi sommes allés boire un verre à Amsterdam. Nous avons tellement bu que nous avons loupé notre train de retour, si bien que nous sommes restés chez un ami de mon père. Ce dernier nous a parlé du 2C-B, qui était une drogue relativement nouvelle à l'époque. Nous avons plaisanté en disant que nous aimerions bien essayer. Puis il a demandé si nous en voulions vraiment – il en avait un peu qui traînait – et nous avons accepté.

Donc vous avez pris du 2C-B ensemble. Que s'est-il passé ensuite ?
C'était vraiment marrant. Nous avons eu des conversations agréables et philosophé sur toutes sortes de choses. À un moment donné, nous ne savions plus si les carreaux aux murs étaient de cette taille à notre arrivée. Nous avons tous les deux commencé à halluciner, donc nous avons essayé de déterminer ensemble ce qui était réel et ce qui ne l'était pas. On s'est vraiment bien amusés.

Qu'en a pensé ta mère ?
Elle a trouvé ça plutôt drôle. J'avais déjà fumé de la weed avec mes parents, donc ça n'a pas vraiment posé de problème.

Qu'en penses-tu avec le recul – c'était gênant ou ça t'a plu ?
En y repensant, je vois ça comme une bonne chose – j'ai partagé une magnifique expérience avec mon père et je ne suis pas près de l'oublier.

*Le prénom de Fleur a été modifié afin de préserver son identité et celle de son père.