FYI.

This story is over 5 years old.

Tech

Des chercheurs ont menacé un robot avec un couteau pour évaluer notre empathie

Pour la première fois, des données neurophysiologiques confortent l’hypothèse selon laquelle les robots nous inspirent des émotions.

Dans le futur, des robots spécialisés en interactions sociales pourraient bien assister nos infirmiers, nos enseignants, et devenir des compagnons au quotidien. Mais serons-nous capables d'avoir pour eux la même empathie que pour nos homologues humains ?

Dans une étude publiée dans le journal Scientific Reports, des chercheurs ont présenté des données neurophysiologiques qui laissent à penser que les humains éprouvent de l'empathie lorsqu'un robot anthropomorphe est blessé à la main.

Publicité

Lors de cette expérience, menée par des chercheurs de l'Université de Technologie Toyohashi, au Japon, les scientifiques ont montré à 15 volontaires une série de 56 photographies en couleur. Ces dernières représentaient des mains d'humains et des mains de robots en vue subjective. Sur certaines photos on voit un doigt humain ou robotique sur le point d'être tranché par un couteau, tandis que sur les autres, le couteau était tenu à distance respectable de la main.

Tandis que les volontaires les passaient en revue, leur réponse neurophysiologique était mesurée en temps réel grâce à un dispositif électroencéphalographique.

Quelle image suscite chez vous le plus d'empathie ? Image: Toyohashi University of Technology

Les chercheurs ont montré que les volontaires exposaient des réponses neuronales similaires quelle que soit la photo observée. Dans leur article, ils attribuent ces niveaux d'empathie au design de la main robotique.

« Les sujets assignent des attributs humains aux robots car les mains de ces derniers ressemblent suffisamment à des mains humaines. L'empathie procède de ce phénomène de projection », affirment-ils.

Dans une dépêche d'Al Jazeeza, Matthew Howard, maître de conférence en robotique au King's College de Londres, explique que l'on ne peut pas conclure grand-chose de cette étude car elle s'est contentée de mesurer une réaction empathique face à des robots inanimés. Il suggère que pour obtenir des résultats plus probants, il faudrait la réponse émotionnelle de sujets assistant, par exemple, à une décapitation d'ours en peluche. Seul l'examen comparé de divers objets anthropomorphes pourra nous permettre d'affirmer que les robots suscitent des réactions empathiques spécifiques.

Néanmoins, Hiroshi Ishiguro, le constructeur de robots hyperréalistes, est certain que les humains ne peuvent ressentir de l'empathie qu'à l'égard des robots qui leur ressemblent beaucoup. Selon lui, l'empathie pour les objets inanimés participe d'un phénomène différent qu'il faut étudier indépendamment.

Ishiguro ajoute que ce genre de recherche deviendra d'autant plus utile que les robots sont amenés à tenir un rôle social important dans notre société. Mais il nuance son propos : la nécessité de ressentir de l'empathie pour les machines dépendra avant tout de leur rôle. Par exemple, un robot actif dans un contexte social (hôpitaux, écoles) devra susciter une réponse émotionnelle, sans quoi nous aurions du mal à le supporter. À l'inverse, si nous restons indifférents aux robots industriels, cela ne posera aucun problème.

Ces dernières années, tandis que l'intégration des robots dans notre environnement familier se poursuit lentement, la recherche sur les relations humains-robots se développe en parallèle, donnant lieu à des études fascinantes. En octobre 2014 par exemple, des chercheurs ont publié un article montrant que les humains ressentaient de la sympathie pour les robots possédant des défauts analogues aux défauts humains. En 2010, une équipe italienne a étudié la réaction des humains face à des robots qui se martyrisaient les uns les autres.

Pour les chercheurs japonais, la prochaine étape est d'évaluer si le niveau d'empathie des humains varie en fonction de la forme de la main robotique qui leur est présentée. Que se passera-t-il si, par exemple, elle ne comporte pas des doigts distincts les uns les autres, mais un appendice « d'un seul bloc » comme la main du robot Kirobo ? Serons-nous aussi tristes si cette main se fait charcuter par un chercheur impitoyable ?