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Des chercheurs pensent avoir trouvé l'ancêtre de toute la vie terrestre

Dites bonjour à LUCA, notre plus vieil ancêtre à tous.

Il y a 3,8 milliards d'années, la vie est née dans les eaux toxiques qui recouvraient une bonne partie de la surface de notre planète. Notre ancêtre le plus ancien n'était ni grand, ni complexe, ni même multicellulaire. D'après ce qu'en savent les chercheurs, il s'agissait très probablement d'un procaryote unicellulaire, qui ressemblait plus à une bactérie qu'à quoi que ce soit d'autre dans le règne animal.

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Mais au final, on sait très peu de choses de l'environnement dans lequel évoluait notre plus vieux parent, ni de son comportement ou de ses besoins. LUCA, de son petit nom (pour "Last Universal Common Ancestor"), n'a laissé aucune trace de son existence sous forme de fossiles. Tout ce qu'il en reste, c'est une très légère trace dans les gènes de toutes les créatures vivantes qui peuplent actuellement la Terre.

Dans une étude publiée cette semaine dans la revue Nature Microbiology, des chercheurs de l'université Heinrich Heine de Düsseldorf ont justement analysé cet ADN hérité des temps plus plus anciens pour faire de nouvelles découvertes stupéfiantes au sujet de LUCA.

Pour la toute première fois, ils ont pu établir une sorte de portrait de cet antique ancêtre, et leurs découvertes semblent indiquer que la vie est née aux environs de cheminées hydrothermales. Si elles sont établies, ces découvertes remettent en cause la théorie énoncée par Charles Darwin et prévalente jusqu'ici, selon laquelle la vie organique est apparue "dans un petit étang tiède" et non dans les profondeurs d'un océan du Précambrien.

Des vers tubicoles géants prospèrent autour des cheminées hydrothermales dans le point chaud des Galapagos. Image: Wikipedia/NOAA Okeanos Explorer Program

Les découvertes de chercheurs se basent sur l'analyse de 6,1 million de gènes codants. En analysant l'ascendance génétique de bactéries et d'archéobactéries, les deux formes de vie cellulaire les plus anciennes, ils ont pu identifier 355 gènes partagés probablement hérités de LUCA, qu'on trouve encore aujourd'hui dans les procaryotes actuels.

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Auparavant, on pensait que LUCA avait donné naissance à toutes les bactéries, toutes les archéobactéries et tous les eucaryotes qui peuplent la Terre. Cet "arbre évolutionnaire" à trois branches était globalement accepté comme vrai, jusqu'à ce que des recherches récentes poussent les scientifiques à envisager que les eucaryotes - les plantes, les animaux, les champignons et tous les autres organismes dont les cellules contiennent un noyau et des mitochondries - ont en fait évolué à partir des procaryotes, c'est-à-dire des bactéries et des archéobactéries.

Considérant que les eucaryotes étaient donc apparus bien plus tard, les auteurs de l'étude se sont donc concentrés sur les gènes ancestraux des deux branches de procaryotes. Grâce à des décennies d'informations génétiques, les chercheurs ont pu isoler la présence de LUCA dans 286.514 amas protéiques, les composantes de base de la vie. Tout cela a permis de remonter jusqu'à un unique organisme commun.

À partir de cette montagne d'informations, les 355 familles de protéines dont on a pu tracer l'origine jusqu'à LUCA ont permis d'établir le profil de la créature qui vivait il y a quelque quatre milliards d'années. D'après l'étude, LUCA vivait près de sources hydrothermales, et prospérait dans un environnement dénué d'oxygène. Il était "autotrophe", ce qui signifie qu'il produisait sa propre matière organique (c'est-à-dire sa propre nourriture), et tirait son énergie de son environnement riche en dioxyde de carbone et en hydrogène. LUCA possédait une enzyme particulière qui lui permettait de vivre dans un environnement très chaud, potentiellement même volcanique. C'est aussi cette enzyme qui permettait à notre ancêtre de synthétiser les métaux et les minéraux qu'on trouve près des cheminées hydrothermales, à la manière des "thermophiles" qui vivent aujourd'hui dans les profondeurs.

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Des milliers de crabes anomoures s'amassent autour de fumeurs le long de la plaque Scotia. Image: Wikipedia/A.D. Rodgers

Même si cette description de LUCA semble s'accorder avec l'environnement incroyable hostile que constituait la Terre à cette époque, certains chercheurs se montrent sceptiques. Dans des interviews accordées au New York Times, certains d'entre eux avancent que LUCA était en fait une version déjà bien évoluée du tout premier organisme vivant. D'autres soulignent qu'il n'était "qu'à moitié vivant", puisqu'il lui manquait plusieurs composants essentiels à la vie.

Dans un article complémentaire également publié dans Nature Microbiology, le biologiste James McInerney, de l'université de Manchester, émet l'idée que LUCA ait pu être la seule créature à survivre à un goulet d'étranglement de population plus ancien. Le fait que ses gènes soient encore présents aujourd'hui ne serait qu'une question de hasard.

Malgré tout, les résultats présentés dans l'article constituent une contribution précieuse au domaine obscur de la biologie évolutive. Il n'est pas possible de prouver sans contestation possible que LUCA vivait à proximité de cheminées hydrothermales, ni qu'il se nourrissait de dépôts de fer, tout simplement parce que nous ne sommes actuellement pas capables de récréer les origines de la vie. Mais ces découvertes donnent un nouvel éclairage bienvenu sur une époque de la préhistoire qui reste très méconnue.

"L'objectif de la biologie évolutive, c'est de comprendre l'histoire des organismes que nous connaissons", a expliqué au Washington Post Bill Martin, co-auteur de l'étude.

"Quand nous aurons terminé ce travail, alors nous pourrons nous pencher sur les organismes que nous ne pouvons qu'imaginer."