paquet de frites trois sauces

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Food

Les Belges n'ont pas besoin de Tinder, parce qu'ils ont les frites

La Belgique est petite et divisée. Mais même si le pays est fragmenté, il y a une chose qui relie les gens : ils ne pourraient pas vivre sans frites.

Deux mois après être partie aux Pays-Bas, je me posais toujours la même question : qu'est-ce qui me manquait le plus ?

Ce n'est certainement pas les collectionneurs compulsifs de verres à bière, ni le chocolat traditionnel ou encore les quatre jours à Tomorrowland. C'est la frite, ce morceau croustillant de bonheur doré, servi en cornet ou sur un plateau en plastique, avec une bonne dose de sauce par dessus.

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Le fait que les frites me manquent plus que ma famille quand je suis à l'étranger ne fait pas de moi un monstre, mais bien une vraie Belge. Et je suis sûre que c'est le cas pour presque tous les Belges. Celui qui ose prétendre que les frites sont françaises se verra d'ailleurs réduire le visage en purée. Certes, la France a apporté ses propres contributions à la société, comme le French-kiss, mais sérieusement, les frites sont à nous.

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Frites sauce carbonnade et frites sauce samouraï

Il y a quelques années, il existait même en Flandre un lobby des fanatiques des frites : des professionnels qui voulaient que l'Unesco admette les frites belges au patrimoine culturel immatériel. Car il s'agit de notre fierté nationale et, bien que la moitié des Belges soient en surpoids, ça reste notre seul péché pardonnable.

La Belgique est petite mais divisée. Les régions se parlent à peine. En Flandre, il y a une guerre silencieuse entre les « fanfarons » de l'Est et les « agriculteurs » de l'Ouest, et les Belges germanophones sont complètement ignorés. Mais peu importe à quel point notre pays est fragmenté, il existe une chose qui nous relie : nous ne pouvons pas vivre sans frites.

Nous l'avons montré au monde il y a huit ans, lorsque le n'importe quoi de notre pays a atteint son paroxysme. Nous n’avons pas eu de gouvernement pendant 533 jours et nous avons donc battu le record du monde. Pour protester contre l'impasse politique, nous avons pensé qu'il était logique d'instaurer une Révolution de La Frite. Près de 8000 étudiants sont descendus dans les rues pour manifester et, vêtus des couleurs du drapeau belge, ont montré leur colère et leur indignation en mangeant des paquets de frites.

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En plus de notre symbole national, plus de deux cents étudiants mangeurs de frites ont également décidé de se désaper, car, d'après leurs dires, « les politiciens les déshabillaient depuis des années », une expression flamande qui signifie qu'ils se foutaient d'eux. Rien n'est plus évocateur d'unité qu'un groupe de Belges à poil en train de manger des frites, non ?

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Une célèbre friterie à Gand. Photo par Felicia Alberding

Baladez-vous en Belgique et vous verrez que le pays est rempli de baraques à frites, ces petites cabanes sur roues, ces mini-chalets, ces restaurants de quatre mètres carrés, de préférence garés au coin d'une rue. Pour un fritkot traditionnel, la simplicité est le maître-mot. L'espace est généralement trop petit pour vous asseoir confortablement et vous êtes empilés les uns sur les autres. En période de forte affluence, vous criez simplement votre commande au tenancier, ce pro de la friterie au statut de héros national qui se souviendra de tout ce que vous avez demandé.

Le gantois Julien de De Gouden Saté était l'un de ces héros légendaires qui pouvait se souvenir des commandes les plus farfelues en provenance d'une rangée de types bourrés. Depuis sa mort - qui a consterné toute la ville - le plus célèbre paquet de frites du fritkot porte maintenant son nom. LeJulientje, c'est la cocaïne culinaire des étudiants : une barquette en plastique de trente centimètres sur quinze, remplie de frites, d'épices satay, de sauce carbonnade, de mayonnaise, d'oignons frits et d'une viandelle coupée en morceaux puis frite elle aussi. Ici, on se souvient de Julien dans les têtes mais surtout dans l'estomac.

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Une Julientje de De Gouden Saté - photo Mayli Sterkendries

Si vous pensez connaître les frites mais que vous n'êtes jamais allé en Belgique, il vous reste beaucoup à découvrir. Arrêtez-vous à cette baraque à frites que vous voyez sur le bord de la route et essayez une nouvelle sauce : bicky, tartare, andalouse ou samouraï. Commandez-vous un morceau de viande que vous n'avez jamais vu auparavant : un Poulycroc, une brochette ardennaise, ou un cheeseburger croustillant (un morceau de frikandel frit avec des oignons frits, des cornichons, du fromage et trois sauces différentes ). Et n'oubliez pas de commander un paquet de frites avec une sauce carbonnade, parce que ça, c'est vraiment le meilleur truc du monde.

Cela dit, les connaissances culinaires de la Belgique ne se limitent pas aux pommes de terre frites et c'est totalement faux de penser qu'on y mange des frites tous les jours. Pourtant, « se faire une frite » est l’un de nos loisirs préférés. Ce n'est pas uniquement pour satisfaire notre appétit. L'odeur et le son apaisant du secouage des frites au-dessus de la friteuse rappellent des souvenirs : le vendredi soir en famille à la friterie, la « petite frite sauce mayo » pour Mamy, fumer des bédos au parc avec les potes devant un paquet de frites XL - les frites, c'est une tradition qui rappelle le bonheur enfantin, la sécurité et la convivialité.

Et bien sûr, les cuites.

Ceux qui font la fête apprécient également cet or belge. Une friterie est dès lors l’endroit idéal pour avoir des conversations légendaires et absurdes avec d'illustres inconnus. Vous pouvez tout aussi bien vous retrouver à discuter avec une femme d'âge mûr en minijupe que recevoir des coups d'un type mort saoul en costume cravate.

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Je pense fermement que c'est grâce aux frites que les Belges ont moins besoin de Tinder. Tard dans la soirée (ou tôt le matin), la friterie est une zone sans inhibition, où vous pouvez rencontrer votre future conquête. Être serré dans les émanations de frites et de viande fraîchement cuites ça crée un lien, c'est certain. Après avoir tapé causette avec cet inconnu pendant les quinze minutes d'attente, il vous semblera logique de vous asseoir sur le trottoir avec lui pour profiter du repas. La malbouffe ensemble, c'est toujours chouette, et si ce gentil garçon vous demande s’il peut tremper ses frites dans votre sauce, il n’y aura personne de surpris.

Si vous ignoriez que la Belgique avait une culture, maintenant vous savez : nous avons la culture baraque à frites. Entre temps, j'ai découvert une friterie à Amsterdam qui fait de bonnes frites (celle du Heiligeweg, bien sûr). Ils s’appellent eux-même The Flemish fry-place, et j’admets que les frites sentent aussi bon qu’elles ne goûtent. Mais bien sûr, ils ne vendent pas de viande, le prix est triple, le personnel évite tout contact visuel et l'atmosphère est incroyablement merdique.

Mais peut-être que je suis juste une snob de la frite.

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Cet article a été initialement publié sur Munchies NL.