Bravo, les évangélistes ! Vous ressuscitez des maladies mortelles

The Cow-Pock – the Wonderful Effects of the New Inoculation,


de James Gilray, 1802. Image via

J’ai jamais vraiment compris la peur des vaccins. Je veux dire, on n’a jamais eu aucune preuve que ça pouvait causer un traumatisme, des maladies auto-immunes, le syndrome de mort subite du nourrisson ou quoi que ce soit. Si j’aime les vaccins c’est qu’ils permettent de ne pas tomber malade. Mais, comme avec l’avortement, les chrétiens évangélistes ont déclenché une hystérie collective face à la vaccination, même après que les déclarations du docteur Andrew Wakefield – qui établissaient un lien entre les vaccins et l’autisme ou les dysfonctionnements intestinaux – ont été tournées en ridicule par la communauté scientifique.

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Pour être honnête, parmi les gens hostiles à la vaccination, je préfère ceux qui utilisent l’argument religieux plutôt que ceux qui invoquent la science. Ça donne à peu près ça : la vaccination constitue un péché car elle contrecarre la volonté de Dieu – s’Il veut m’infliger une épreuve, je dois traverser cette épreuve. Si je croyais qu’un vieux barbu en robe m’observait depuis le paradis armé de son fusil à tonnerre, j’essaierais de pas le mettre en colère. Cette conception a carrément plus de sens que l’opposition au vaccin dans sa nouvelle version, proposée par des bobos suburbains qui filent à leurs gamins une nouvelle gorgée de kombucha au lieu de les amener chez le pédiatre.

Si Fred Phelps veut croire que se vacciner équivaut à violer la parole de Dieu, qu’il le croie. Que la communauté évangéliste s’acharne à croire que Dieu leur refuse le droit de modifier quoi que ce soit dans leur corps, ça m’en touche une sans faire bouger l’autre. Le problème à mes yeux, c’est que je projette de mettre une femme enceinte avec mon pénis. Neuf mois plus tard, nous aurons le bonheur d’accueillir un petit truc remuant, et je veux m’assurer qu’il devienne grand et fort et qu’il n’attrape pas une vieille maladie par accident, surtout un truc que les docteurs ne savent plus soigner, juste parce mes voisins ont décidé de ne pas vacciner leurs enfants.

Vous vous souvenez de la rougeole ? Cette maladie archaïque que nous avons officiellement éradiquée des États-Unis il y a treize ans ? Grâce au miracle de l’inoculation, la rougeole devrait avoir totalement disparu de notre pays. Mais il y a moins d’une semaine, le Centre de contrôle des Maladies (CDC) faisait état de 159 cas recensés entre les mois de janvier et août de cette année. C’est le bilan le plus élevé depuis 1996, année où l’on avait recensé 500 cas. La nouvelle est particulièrement inquiétante, d’autant que les infirmières et les docteurs ne sont plus vraiment au fait des façons de lutter contre la rougeole depuis cette histoire « d’éradication ».


Rougeole et scarlatine. Image via

C’est peut-être le bon moment pour vous rappeler les conséquences de la rougeole sur une personne : chez l’adulte, c’est une infection respiratoire qui débouche sur une fièvre de quatre jours et des rougeurs, comme des taches, qui vous garderont à la maison devant un bon vieux streaming, un thermomètre à la main. Dans la majorité des cas, elle n’est pas mortelle, mais c’est une maladie très dure pour un enfant. Même avec les meilleurs soins, environ 3 enfants atteints sur 1 000 en mourront.

Quand on analyse les échantillons et les causes des maladies, je veux dire, quand on en fait son métier, on est contraint d’admirer la perfection des maladies mortelles, c’est d’ailleurs pour cette raison que la plupart des épidémiologistes et des spécialistes des maladies infectieuses me rappellent Ash de Alien. Les maladies se développent et se modifient suivant des logiques que les médecins ne peuvent tout simplement pas prévoir et, en regardant de plus près ces « organismes parfaits », on peut vite tomber en admiration devant leur pouvoir de destruction.

Ce qu’il y a de particulier avec les annonces de cette année, c’est que le CDC a finalement reconnu que l’aversion philosophique des communautés religieuses pour les vaccins et leur volonté de ne compter que sur les pouvoirs curatifs d’une guérison divine était très favorable à la diffusion de cette maladie que nous avions « éradiquée ». On rapporte que 91 % des cas de rougeole recensés touchaient des personnes qui n’étaient pas vaccinées ou qui ignoraient  si elles l’étaient ou non. Et, « parmi les non-vaccinés, 79 % avaient des objections d’ordre philosophique contre la vaccination ».

Ces cas sont apparus dans les communautés religieuses, mais se sont finalement diffusés au-delà et ont contaminé des enfants pas encore vaccinés. En août dernier, des épidémiologistes texans ont décidé de mener une étude sur l’Église internationale Eagle Mountain de Newark, au Texas. L‘Église, qui croit à la guérison par la foi, est devenue un terreau fertile pour la rougeole après qu’un membre de la communauté est rentré d’un voyage en Indonésie et a infecté 21 personnes dans Newark et ses alentours. Il est de notoriété publique que Terri Pearsons, une des leaders de cette communauté, avait encouragé ses fidèles à ne pas se faire vacciner. Pour se défendre, l’Église s’est contentée de nier qu’elle ait pu faire une telle déclaration.

Quand les bébés ont commencé à se couvrir de rougeurs, Pearsons a retourné sa veste. Dans une déclaration datée du 15 août, elle encourageait le troupeau de ses fidèles à s’immuniser. Sa déclaration stipulait tout de même que ses inquiétudes ne portaient que sur les « très jeunes enfants avec des cas d’autisme dans la famille », avançant l’idée que les vaccins pourraient rendre les jeunes enfants autistes. Le message délivré par Eagle Mountain est ambigu, pas franchement incitatif : Vous devriez vacciner vos enfants, mais ils risquent de finir comme Rain Man.


Terri Pearsons et George, son mari. Image via

La situation est encore pire en Europe du Nord. Depuis le mois de mai, une « grande vague de rougeole » frappe une communauté orthodoxe protestante des Pays-Bas. Le 5 septembre, le Centre de contrôle des maladies infectieuses du pays avait recensé quelque 1 226 cas dont 91 % étaient des personnes non vaccinées et des membres de communautés orthodoxes protestantes de la « Bible Belt » néerlandaise.

Techniquement, ne s’agit-il pas d’une mise en danger d’autrui par négligence ? Pourquoi des attardés considèrent encore que les vaccins sont néfastes ? Si on laisse de côté les démagogues de haut-vol, pourrait-il y avoir un lien entre cela et le fait que la base fondamentaliste de la droite religieuse américaine est souvent vue comme une secte de charmeurs de serpents hostiles à la médecine moderne ? Moi, je les vois comme ça, et j’aime à croire que la droite religieuse fondamentaliste est une communauté indépendante et isolée. Ce qui m’inquiète, c’est que leurs maladies sont très intelligentes et ont une capacité de diffusion bien supérieure.

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