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Bushwick Bill connaît l’horreur de première main

Bushwick Bill n’est pas juste le nain fou qui a gratifié les légendaires Geto Boys de son flow malfaisant entre 1986 et 1997. Bill est aussi et surtout un énorme fan de films d’horreur. En même temps, est-ce vraiment étonnant de la part d’un type qui a écrit un morceau à la gloire de Chucky (la poupée du film Jeu d’Enfant) et qui s’est réveillé à la morgue un soir de 1991 après s’être tiré dans l’oeil suite à une embrouille avec son ex-petite amie et avoir été déclaré mort par les autorités compétentes ?

On l’a donc contacté pour cette journée spéciale Halloween, histoire de parler de films d’horreur, de censure et d’horrorcore.

Noisey : Comment a commencé ta passion pour les films d’horreur ?
Bushwick Bill :
Ça a commencé quand j’ai vu Vincent Price lire ce poème d’Edgar Allen Poe à la télé, Le Corbeau. Et quand j’étais gamin, ça s’est développé via des films comme Frankenstein, Dracula, Le Loup-Garou et tous ces trucs des 70’s. Et puis je me suis renseigné et j’ai découvert par exemple que Frankenstein était un roman et que c’était une femme qui l’avait écrit, pas un homme… J’ai trouvé ça intéressant. J’avais une passion totale pour Bela Lugosi et tous ces acteurs qui jouaient des vampires dans les films. Je trouvais dingue cette idée que la lune puisse transformer un homme en loup-garou… Un autre truc que j’adorais, c’était la série Au-Delà Du Réel. Et La Quatrième Dimension, bien sûr. C’était un autre niveau d’horreur, quelque chose de plus sournois, qui était ancré dans le quotidien. C’est un peu comme avec les super-héros : un jour ce sont des personnes normales et le lendemain, ils deviennent ces personnages surnaturels, parce qu’un truc s’est passé dans leur vie, qu’ils étaient à un certain endroit à un certain moment. Je pense que les gens sont fascinés par ça, par l’idée de pouvoir se transformer en quelque chose d’autre.

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C’est une façon de s’évader, de sortir de son quotidien. On est obsédés par l’inconnu. Qu’y-a-t-il dans l’espace ? Que trouve-t-on au fin fond des océans ? Y’a-t-il des monstres marins ? Des pieuvres géantes ? Des poissons-chat mangeurs d’Homme ? C’est fascinant de se dire que quelqu’un a eu l’idée d’inventer une histoire aussi dingue que celle de Frankenstein. C’est ça qui me fascine le plus dans l’horreur : le rôle de l’esprit humain.

Quel est le premier film d’horreur que tu as vu ?
Le premier, c’est probablement Dracula, mais le premier qui m’a vraiment, vraiment fait peur, c’était L’Exorciste. Je l’ai vu dans les années 70. Après l’avoir vu, j’ai commencé à regarder sous mon lit avant d’aller me coucher, je te jure ! [Rires.] Et dans les placards ! Et je gardais une veilleuse allumée. Ça m’a vraiment marqué—cette fille avec sa tête qui tourne à 360° et qui se met à gerber de la soupe de pois ! Et puis quand elle se met à se donner des coups avec le crucifix—c’était genre « Merde, il se passe quoi là ? » On était catholiques quand on était gamins et ça nous a hyper choqués !

Tu as écrit un morceau à la gloire de Chucky, la poupée de Jeu d’Enfants, sur l’album We Can’t Be Stopped.
Chucky c’est mon préféré. J’ai vu tous les putain de films d’horreur—d’Underworld à Hellraiser en passant par Evil Dead—je les ai tous matés, mais Chucky, mec, il faisait ma taille ! Du coup j’ai commencé à déconner avec ça—genre, ce serait pas mortel si Chucky était ghetto ? Comment est-ce qu’il parlerait ? Et quelles genre de conneries il ferait ? Du coup j’ai regardé ce film des dizaines et des dizaines de fois et j’essayais de m’imaginer à sa place, d’imaginer ce que ce serait si le film se passait dans mon quartier, et j’ai écrit ce morceau, « Chuckie ». Et pour ajouter un peu de piment à tout ça, j’ai fait venir Ganksta N-I-P, c’est lui qui a ajouté tous les trucs bien salés comme les jambes coupées passées au barbecue, tous ces trucs auxquels je n’aurais jamais pensé.

Ah oui, à un moment il parle de manger le cerveau d’un chien.
Ça, ça vient d’un Halloween où Michael Myers tue un chien et le mange. Tu te souviens de ça ? Même si l’influence principale reste Chucky, je me suis également inspiré d’autres films d’horreur. Mais tu noteras que je ne parle jamais d’incantations et de trucs satanistes ou spirituels. Il n’y a pas de ça sur ce morceau.

Pourtant, c’est dans ta culture, tu as des origines jamaïcaines.
C’est clair. Si tu viens des caraïbes, tu connais forcément le sujet, de près ou de loin. Et tu connais forcément quelques personnes qui pratiquent des trucs comme la vaudou. Mais pas moi. Il n’y en avait pas dans ma famille. Quand tu es vraiment pauvre, soit tu implores Dieu, soit tu t’adresses à l’autre côté. On entendait des histoires tout le temps, ici et là. Des gens qui se faisaient enterrer et qui revenaient pendant la nuit, frapper aux portes. Ma grand-mère, Dieu ait son âme, me disait toujours de ne jamais ouvrir la porte si j’entendais frapper au milieu de la nuit. Les morts qui revenaient, on appelait ça les Duppies. Comme dans cette chanson de Bob Marley, tu vois ? Elle parle de ça. Des gens qu’on croyaient morts et qui refaisaient surface dans le quartier. Comme dans L’Emprise des Ténèbres. Ça se passe vraiment comme ça sur les îles. J’ai eu la chance que ma famille ne donne pas trop là-dedans.

Tu as eu pas mal affaire avec la censure dans les années 90. Tu penses quoi de la violence dans la musique et les films aujourd’hui ?
À l’époque où on était sur Def American [aujourd’hui American Recordings] avec Rick Rubin, Geffen avait déclaré que j’étais sexiste, raciste, indécent et misogyne. Mais à l’époque, Mozart aussi était considéré comme outrageant, et pourtant il n’y avait pas de paroles sur sa musique. La musique sera toujours attaquée et censurée dès qu’elle sort des limites que certains veulent lui imposer. Pour moi, c’est du fascisme. Le rap est violent parce que les gens qui le font ont grandi dans des quartiers violents. Et Will Smith, lui, parlait de ses problèmes avec les filles et avec ses parents parce que c’était son quotidien. Tu parles de ce que tu connais. De ce dont tu as vraiment envie de parler.

OK, revenons à Halloween et aux films d’horreur. On n’a pas parlé d’horrorcore. C’est un peu au rap ce que les films d’horreur sont au cinéma traditionnel, non ?
Oui et c’est moi qui l’ai inventé ! Avec « Chuckie », avec « Mind Of A Lunatic ». Avant ces morceaux là, ça n’avait jamais été fait. Et tout ça, je le dois à mon amour pour Hitchcock, Wes Craven et Orson Welles. Il faut se souvenir qu’Orson Welles avait lu La Guerre Des Mondes à la radio et que des gens s’étaient suicidés à cause de ça ! Du coup, quand je pense à Halloween, je pense à Orson Welles et à l’effet que peut provoquer une histoire sur les gens.

Rachel Fernandes est productrice de cinéma. Elle vit en Californie du Sud. Elle n’est pas sur Twitter mais vous pouvez la suivre sur Instagram.