Alexandre (28 ans), chargé de communication
L’agression très présente dans le milieu gay masculin et sans faire de généralités, c’est difficile de ne pas se dire que c’est simplement parce qu’on est entre hommes. Mes amis hétéros ne se sont jamais plaint de recevoir des photos vulgaires ou des messages insistants de la part d’une femme… On est nombreux à avoir intériorisé tout ça, je pense, il y a une attitude « Boys will be boys » derrière ces comportements. Comme si c’était normal de se comporter comme des prédateurs parce qu’on est des hommes… D’ailleurs, je serais le pire des menteurs si j’affirmais que je n’avais pas eu des approches déplacées par le passé. J’ai été à la fois victime et bourreau des comportements que je dénonce.Il y a peu, je faisais encore partie de ceux qui se disaient : « C’est pas grave, ce mec est juste un peu lourd ». Evidemment que j’ai déjà envoyé des dick pics à des mecs et que j’ai déjà été insistant avec certains… Je ne suis pas en train de dire que je suis victime d’un système plus fort que moi, parce que ce serait me déresponsabiliser de mes comportements déplacés, mais si j’essaie d’expliquer pourquoi j’ai agi comme ça, j’en viens vite à : « parce que c’est comme ça que ça se passe chez nous. » Et honnêtement, j’ai envie de me gifler en disant ça car clairement, ça montre qu’on normalise constamment des attitudes et des comportements néfastes. »« Il y a une attitude "Boys will be boys" derrière ces comportements. Comme si c’était normal de se comporter comme des prédateurs parce qu’on est des hommes… »
Julien (26 ans), en recherche d’emploi
Je n'ai pensé que du bien du mouvement #MeToo, c'est important que la parole se libère pour les femmes. J'ai été violé quand j'avais 16 ans et je sais ce que ça fait, l'horreur que ça représente. Les conséquences désastreuses que ça a sur la vie affective et sexuelle d'une personne. Je pense que si le mouvement ne s'est pas répandu dans le milieu homo, c’est parce que ce sont uniquement des mecs donc on ne les pense pas comme des victimes, et de plus, ils sont homos donc tout le monde s'en fout… Moi-même, j’ai déjà eu des comportements agressifs, ne serait-ce que l’envoi de photos non sollicitées. À force de baigner dans ce climat, on finit par se dire que ce n'est pas grave. Un petit verre dans le nez et on se lâche : “De toute façon, tout le monde le fait”. »« À force de baigner dans ce climat, on finit par se dire que ce n'est pas grave. Un petit verre dans le nez et on se lâche : “De toute façon, tout le monde le fait”. »
Kamel (28 ans), travaille dans le milieu médical
Pour moi ce comportement est surtout dû à la vision de la masculinité en général. Il est plus visible dans le milieu gay masculin parce qu’on reste entre mecs. En fait, les apps fonctionnent comme des supermarchés du sexe. On n’est plus des personnes mais des produits de consommation, tu crées ton profil et tu as accès à des dizaines de profils à consommer autour de toi.Alors chacun se vend, et ça passe par l’exigence d’envoyer des photos de nu et de décrire tout ce qu’on est prêts à faire ou pas. C’est d’autant plus dommage que les apps sont un premier contact avec le monde gay pour beaucoup de jeunes ados qui se cherchent. L’entrée en la matière est un peu violente… »« Les apps sont un premier contact avec le monde gay pour beaucoup de jeunes ados qui se cherchent. L’entrée en la matière est un peu violente… »
Nicolas (24 ans), doctorant en littérature
Une bonne pratique sadomasochiste est une pratique qui se prépare et se discute, ce qui préjuge un consentement mutuel : en se donnant l’apparence de la violence, elle n’est pas moins consentie. Une proposition de sexe hardcore sur internet, tant qu’elle soit poliment formulée, ne m’ennuie pas : sur certaines applications, comme Grindr, où la demande des utilisateurs est bien souvent sexuelle, je dirais même qu’elle fait partie du jeu. Mais il faut être attentif aux mots qu’on emploie : un interlocuteur m’a avoué son fantasme de me “violer”, et l’emploi de ce verbe m’a mis terriblement mal à l’aise. Ceci dit, il est difficile d’associer le #MeToo que nous connaissons à la problématique du consentement dans le milieu gay. Le hashtag ne dénonce pas seulement les agressions sexuelles dont certaines femmes ont souffert, mais aussi les violences symboliques et systématiques (économiques, culturelles ou sociales) dont elles pâtissent toutes quotidiennement. Ce n’est pas le cas des hommes homosexuels et si leur oppression n’est pour autant pas moindre, elle ne s’exerce pas selon les mêmes modalités. »« Un garçon que je connaissais à peine m’a éjaculé dans la bouche sans mon accord ni même m’avoir prévenu. Je venais de le rencontrer sur Grindr. »
Tom (27 ans), coordinateur d’une ASBL de défense des personnes LGBTQI+
Je ne pense pas qu’on puisse faire des généralités et dire que l‘agression est sous-jacente au milieu homosexuel masculin. Ce qui est clair, c’est que la notion de consentement, et donc d’agression, est vécue différemment par la plupart des hommes gays que je connais : il y a cette idée qu’en tant que mecs gays, on est très libres sexuellement, qu’il ne faut pas être choqué. Comme c’est une pensée répandue, c’est dur de ne pas l’assimiler dès qu’on arrive dans le milieu, parfois très jeune.À terme, on reproduit et on transmet ce genre de messages qui peuvent être extrêmement destructeurs. Il faut qu’on puisse en discuter, remettre en question des présupposés qui se perpétuent depuis des décennies, faire le ménage dans nos communautés pour réaliser que certaines choses sont acceptables et d’autres pas du tout. Mais le chemin est encore long. »Ces témoignages ont été recueillis avec la collaboration d’ Arc-en-Ciel Wallonie .Par le passé, Grindr a été épinglé à plusieurs reprises pour son laxisme concernant les cas de harcèlement qui ont lieu sur la plateforme , mais vous pouvez toujours leur signaler toutes les personnes qui enfreignent les lignes directrices ou porter plainte .Suivez VICE Belgique sur Instagram.« Je ne pense pas qu’on puisse faire des généralités et dire que l‘agression est sous-jacente au milieu homosexuel masculin. Ce qui est clair, c’est que la notion de consentement, et donc d’agression, est vécue différemment par la plupart des hommes gays que je connais. »