CBD weed drogue cannabis santé
Illustration par Pierre Thyss.
Santé

Le CBD est-il bon pour la santé mentale ?

Inspirez, expirez, faites-vous une tisane au cannabidiol, relaxez-vous.

Dans un article du 16 avril dernier intitulé très directement « il y a urgence à prescrire du cannabis dans les EHPAD », l’addictologue William Lowenstein prône les vertus du cannabis médical, et particulièrement du CBD. Le cannabidiol, ou CBD, est cette molécule du cannabis « dénuée de propriétés psychoactives et addictives », qui n’en conserve que le caractère relaxant. Un anxiolytique naturel en somme, un moyen d’apaiser les angoisses à coup de tisanes et de sirop.

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Mais la France est encore loin d’en être consciente : il y a deux ans, des boutiques florissantes de toutes sortes de produits au CBD sont apparues dans les grandes villes, vite fermées pour la plupart face à la difficulté de contrôle. C’est là tout le problème lié à la molécule sympa : la législation et le défi d’exécution de cette dernière. Ainsi, le site de la Mildeca [Mission interministérielle contre les drogues et les conduites addictives, N.D.L.R) indique que « certaines variétés peuvent être utilisées à des fins commerciales si la plante a une teneur inférieure à 0,2% (…) Le taux de 0.2 % de THC n’est pas un seuil de présence de THC dans le produit fini mais dans la plante elle-même. Or, des contrôles réalisés dans certains produits présentés comme contenant du CBD ont révélé la présence de THC. La présence de THC dans les produits finis, quel que soit son taux, est interdite ». Allez donc contrôler le taux de THC de centaines de petits sachets, de milliers de petites fioles de e-liquide et autres tisanes et cosmétiques ! Un vide juridique également rendu possible grâce au droit européen. Le CBD, « ni interdit, ni autorisé » fait donc encore les beaux jours de plusieurs boutiques et de dizaines de sites.

« Vouloir interdire un produit qui est déjà dans la société, c’est ridicule. Il faut réglementer, pas interdire »

Pour le professeur Amine Benyamina, psychiatre et responsable du centre d’addictologie à l’hôpital Paul Brousse de Villejuif, « il est incontestable que le CBD, qui n’a pas les effets délétères du cannabis, peut être intéressant, mais nous avons besoin d’éléments et de retours mesurés et mesurables ». Si le cannabidiol est déjà utilisé à des fins thérapeutiques, sous conditions strictes, pour le psychiatre, il faut légaliser et « ouvrir le cannabis à une consommation adulte pour mieux en tracer la provenance ». Vouloir interdire un produit qui est déjà dans la société, c’est ridicule. Il faut réglementer, pas interdire ».

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La France et son habituel retard en matière de cannabis thérapeutique ont fait de la zone grise CBD un marché parallèle attrayant et varié. Les sites rivalisent d’ingéniosité, à coups de packaging et autres produits hype pour vendre la molécule qui apaise. Infusions, fleurs séchées, spray, cosmétiques, bonbons, huiles, produit pour cigarettes électroniques… En pleine pandémie, entre revival des crises d’angoisses et trafic de cannabis amputé, le CBD connaît un nouvel essor, et certains sites voient leurs produits épuisés. Se détendre face à la crise sanitaire, sans craindre l’effet psychoactif du grand frère cannabis, c’est le pied. Sans risque de trébucher.

Antoine, 25 ans, « adore le goût du chanvre ». Le jeune homme est pointu sur le sujet. Quitte à aimer un produit, autant en éplucher les atouts et les défauts. « L’OMS elle-même, en 2017, a reconnu que le CBD est sûr et non addictogène. » Bipolaire, Antoine a arrêté de fumer dix mois plus tôt. Il utilise le CBD quotidiennement en vaporisation, et la molécule réussit à calmer « les deux phases, la phase maniaque comme la phase dépressive. Alors qu’avec le THC, il y avait toujours une pointe d’anxiété ». Il commande sur des sites dont il vérifie la domiciliation et l’origine du stock. Il fait chauffer la plante en moyenne à 180° pour en extraire les principes actifs, puis utilise un vaporisateur pour l’inhaler. « Cette technique ne libère pas de monoxyde de carbone mais seulement les cannabidoïdes. En plus, les tarifs sont plus intéressants que celui du cannabis psychoactif. » Sa psychiatre approuve la démarche, valorisant les vertus « anxiolytiques, analgésiques et anti-craving » du CBD. « Au lieu de s’exciter sur le THC, il faudrait que les recherches se concentrent davantage sur les vertus des différents cannabidoïdes », conclut l’adepte de la vaporisation.

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Car, et c’est là l’appréhension de ceux qui hésitent, qui dit accointance avec le CBD ne veut pas forcément dire appétence pour le cannabis. Camille, 32 ans, ne consomme aucun autre produit que le cannabidiol. « J'utilise du CBD depuis un an et demi. J'ai commencé à en prendre car j'ai les symptômes d'une maladie neurologique héréditaire et ça me permet de soulager les douleurs. Mon père, qui a la même maladie, a également essayé le CBD. » La jeune femme le fume, dans une pipe, ou bien « en infusion avec du lait chaud et du beurre. J'ai l'impression qu'en fumant le CBD les effets arrivent plus vite pour atténuer mes douleurs. J'en prends aussi en cas de grosses angoisses, ça me procure un effet apaisant ». Isabelle, la soixantaine, a découvert les vertus du CBD au hasard du web, et en a mis dans sa « vapote »pour « lutter contre les effets du vieillissement ». « Dans mon cas, c’est très efficace sur le cerveau. Les mots que l’on ne retrouve plus, les absences… Avec le CBD, j’ai la sensation que mes neurones sont plus agiles, plus réactifs. En plus d’un effet positif sur les moments de déprime… »

« Il faut arrêter de différencier drogues légales et illégales. Il n’y a pas de drogue dure ou douce, c’est l’utilisation qu’on en fait qui est dure ou douce »

Alors, le canabidiol, injustement mis de côté ou engouement un brin exagéré ? Plutôt la première option pour Alessandro Stella, directeur de recherche au CNRS, qui s’agace du « barrage idéologique » de la France sur le cannabis. L’anthropologue, qui était dans la commission parlementaire sur la légalisation du cannabis, est pour la légalisation de toutes les drogues, plutôt que de laisser perdurer le marché noir. « Il faut arrêter de différencier drogues légales et illégales. Il n’y a pas de drogue dure ou douce, c’est l’utilisation qu’on en fait qui est dure ou douce. Le plaisir en soi est déjà une thérapie ! » En ces temps de confinement, le réconfort apporté par le CBD est sans conteste évident pour ces consommateurs éphémères ou non, et « l’hypocrisie ainsi que le flou juridique » autour du cannabidiol a de quoi énerver le chercheur, qui validerait bien tout type de cannabis, récréatif comme thérapeutique. « Bien sûr que ça a des vertus apaisantes, particulièrement dans la période de confinement. Donc les consommateurs devraient être à même de savoir ce qu’ils achètent ! »

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Une question que ne se pose pas Adèle, 19 ans, qui vit en Suisse, là où la molécule aux mille vertus est légale et encadrée. « Ces dernières années, c’est un peu un truc de hipster branché le CBD. Chez nous, tu trouves de l’ice tea aromatisé au CBD en grande surface ! » La jeune femme, aussi adepte de cannabis, retrouve en fumant du CBD « le rush de la nicotine, et le relâchement physique, sans tête qui tourne ni effet de défonce ». Un substitut « plutôt cool, même si parfois il y a un peu de frustration. Mais les premières semaines de confinement, ça m’a aidé à tenir, les clopes au CBD m’accompagnaient pendant la journée, ça me détendait ». Pour Vincent, 38 ans, gros fumeur de cannabis, « ça te détend et tu es moins stone. Quand un pote m’a conseillé ça, je me suis dit : c’est quoi cette supercherie ? Mais ça sent comme la weed, j’ai halluciné ! » Lui commande des sachets de tisane de CBD, sur lesquels est inscrit « fleurs de CBD pour infusions relaxantes – Ne pas fumer ». Il détourne cependant l’usage pour les fumer. « C’est bluffant », sourit-il.

En attendant, si vous avez un peu de temps en sirotant votre tisane au CBD, un CSAPA (centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie) marseillais, en collaboration avec une chercheuse de l’INSERM, a lancé une étude sur l’impact du Covid-19 sur les usages des consommateurs de cannabis. L’occasion de découvrir si votre colocataire de confinement se prénomme cannabis.

Cet article est publié dans le cadre d'un partenariat avec La Ferme du CBD et a été rédigé en totale indépendance.

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