Yseult interview live
Culture

La Vida Lockdown 3 : confinement ou pas, Yseult gère tout solo

« C’est compliqué quand t’es habituée à être en fast life et puis d’un coup on te met en pause. Là tu te dis : “Je vais peut-être me faire un gommage !” »
Souria Cheurfi
Brussels, BE

Suivez nos lives « La Vida Lockdown » sur Instagram tous les mercredis à 17 heures.

Originaire de Paris, Yseult se sent chez elle à Bruxelles, et c’est parmi nous qu’elle confine avec sa copine Claire Laffut. Comme est est habituée à mettre des distances avec ses proches, l’artiste vit plutôt bien ce confinement. Même si niveau créa, c’est pas trop ça, elle continue de s’auto-manager et fait la promo de son EP « Noir » sorti en octobre dernier.

Publicité

On a parlé liens familiaux, militantisme et indépendance avec une Yseult plus rayonnante que jamais, en live depuis sa salle de bain.

VICE : Salut Yseult. Ça a été ton jour 21 de confinement ?
Yseult : Pour moi ça fait un peu plus. Je me suis confinée avant le début du lockdown avec Claire Laffut. On a deux semaines dans les dents de plus. Je me sens bien, je prends soin de moi, je gère mes négos, la promo de mon clip et de mon EP. Franchement je ne sens plus le confinement. C’est vraiment ma vie.

On s’habitue, bizarrement.
De ouf. En tant qu’artiste, quand t’es pas en mode création d’album et que tu peux en vivre, t’es tout le temps chez toi. Tu fais ton studio chez toi ou tu vas au studio. On a l’habitude d’être confiné·e.

« La moindre des choses c’est de penser à celleux pour qui c’est vraiment la hass. »

T’as décidé de rester à Bruxelles pour le confinement, avec la chanteuse et artiste Claire Laffut. Vous habitez ensemble ?
Non. Chacune son appartement. Mais le début du confinement on l’a vraiment fait ensemble non-stop. Elle a même fait de la peinture sur mon corps, c’était n’importe quoi ! J’avais l’impression d’être en colonie de vacances.

En fait, il est agréable le confinement ici. Là je vois mes voisin·es : y en a un qui fait un barbec. Tout le monde est chill ici. Je l’ai pas fait à Paris, mais ça a l’air compliqué. C’est moins stressant ici.

Vous avez votre propre série d’interviews en live sur Insta aussi. T’aimes faire des interviews ?
On en avait marre de voir des lives où en fait il ne se passe rien. Quitte à faire des lives, autant que j’apprenne à connaître une Lio ou une Chilla, que je creuse un peu sur ce qui se cache derrière le côté superficiel. C’est une belle expérience car on se croise mais on se parle pas beaucoup. J’ai des aprioris sur les gens, comme tout le monde. Et là c’est cool de pouvoir poser des questions intimes et qu’elles se livrent. J’espère le faire encore longtemps.

Publicité

On t’engage ?
De ouf ! Mais vraiment.

Bon t’as l’air de bien vivre la situation mais y a pas un truc qui te manque en particulier ?
Franchement. Sincèrement. Rien du tout. Je sais qu’en Afrique et ailleurs c’est autre chose. Ici on est bien sur nos balcons. La moindre des choses c’est de penser à celleux pour qui c’est vraiment la hass. Je suis en vie, je mange, je bois, je me repose, je lis, je fais même des coloriages ! Par contre les livres de coloriage sont à 6 Eu. Sérieux ? Mais sinon il me manque rien, à part des trucs superficiels, genre un mec à la limite quoi !

« Pour les festivals, à mon avis c’est mort. Je suis en train de réfléchir à un système de concerts virtuels. »

T’avais pas mal de dates prévues ces mois-ci. Comment ça se passe pour gérer ça ?
Pour les festivals, à mon avis c’est mort. Là je suis en train de réfléchir à un système de concerts virtuels. C’est relou j’avais plein de festivals prévus. Mon concert à la Madeleine en Novembre est maintenu, mais on verra.

C’est un peu une leçon de vie. J’ai pas fini de développer mon projet et ça mérite encore de l'asseoir, de le développer et c’est pas plus mal. Je comptais sortir un nouvel EP avec des clips et annoncer une tournée pour ensuite revenir avec un album. Dans tous les cas je vais faire ce que je devais faire, mais ça me laisse du temps de tout développer.

La première chose que tu feras quand on ne sera plus en confinement ?
J’irai à la piscine. J’adore l’eau, même la pluie. Quand je suis dans l’eau j’ai l’impression de faire 40 kg, du coup je me dis : « Ah, c’est ça de faire une taille 36 ! »

Publicité

Comment se passent tes journées ? T’as une routine qui s’est installée ?
Je me lève assez tôt. Je déjeune. 10h je suis devant mon bureau. 10h30 je commence à bosser ma promo - je me manage et je me produis donc je gère tout. De 12h à 17-18h, je suis en promo, je donne des interviews à des journalistes, etc. De 20h30 à 2h du matin, je suis en quartier libre, je peux enfin faire mes conneries sur Insta et parler à mes potes.

« Faut continuer à promouvoir son projet et faire du contenu. Même si c’est du contenu bête. »

C’est structuré comme horaire.
Ouais j’ai tout dans mon agenda. Je pense que c’est important de rester présente. Au début du confinement beaucoup d’artistes faisaient plein de trucs, mais maintenant plus rien. Et en fait non, faut continuer. Faut continuer à promouvoir son projet et faire du contenu. Même si c’est du contenu bête.

Après moi, comme je fais tout moi-même, c’est un délire parce que je ne peux compter que sur moi-même pour me booster et me parler en tant que manageuse et dire : « Fais du contenu, fais ci, fais ça ! »

Ça fait combien de temps que t’es en indé ?
Ça va faire un an et demi. Au début c’était compliqué parce que c’est beaucoup de démarches. Faut créer une société, puis je manage l’équipe qui gère mon disque, celle qui fait ma promo à Bruxelles, celle qui gère mon image, celle qui gère mon tour… Mais aujourd’hui je m’en sors, je suis pas fatiguée et j’ai une sorte de synergie avec tout le monde. Je suis hyper épanouie de pouvoir gérer mon projet.

Publicité

Tout ce taf c’est lié à ton EP « Noir », mais niveau nouvelle créa, le confinement ça t’aide ou c’est contre-productif ?
Je t'avoue que j’ai vraiment pas d’inspi. J’arrive pas à écrire ni à composer, ni même à penser à écrire ou composer. Je suis plus dans des délires de négociations et promo. Je sais que pour pas mal d’artistes, ça stop la créa. C’est surtout le moment de prendre soin de nous. Là ça va faire trois semaines que je mange super bien et que je bouge tous les jours - je fais mon petit TikTok et je suis contente - chose que je n’arrivais absolument pas à faire en tournée. J’ai eu des crises articulaires aiguës pendant ma tournée et je n’avais pas le temps de respirer. Mais c’est compliqué quand t’es habituée à être en fast life et puis on te met en pause. Et là tu te dis « Ben je vais peut-être me faire un gommage ! »

« J’arrive pas à écrire ni à composer, ni même à penser à écrire ou composer. Je suis plus dans des délires de négociations et promo. Je sais que pour pas mal d’artistes, ça stop la créa. »

Avec ton titre « Corps », t’as attiré l’attention des médias sur le body positivity et la grossophobie. C’était malgré toi ou c’est une cause que tu voulais représenter ?
Ce qui m’a dérangée c’est que j’aurais préféré que ce soit ma communauté - des personnes grosses qui ont un média ou une plateforme à ce sujet - qui me demandent mon avis sur la question, plutôt que des journalistes en mode clickbaits qui utilisent la tendance du moment alors qu’iels s’en battent les couilles et qu’au fond, iels me trouvent trop grosse. En fait, quand ces gens-là me décrivent comme « La porte-parole de la grossophobie », je le prends plus en mode « La grosse chanteuse noire qu’on met un peu en avant ». Mais je suis juste une femme, j‘ai 25 ans et puis c’est tout.

Publicité

Très souvent, c’est pas honnête et ça nous dessert. Si y a un Insta ou un média consacré à ces causes, qui prend le temps de me poser ces questions, là je suis grave opé d’être la porte-parole de plein de mouvements. La majorité de mes potes sont gay et iels me disent qu’en France je suis un icône pour la communauté. Je kiffe. Mais si une personne hétéro vient me dire ça, je vais la remballer : « Me parle pas de la communauté gay parce que de un, t’y connais rien ; et de deux ça te concerne même pas en fait. »

Pour toi, on peut pas être l’allié·e d’une cause si on n’est pas directement concerné·e ?
C’est des causes qui me parlent parce que je les vis au quotidien, donc je préfère que ça vienne de personne concernées. Et y a de plus en plus de plateformes qui se développent à ce sujet. Tu sens simplement que tu parles avec des personnes vraiment engagées dans cette cause. C’est des gens qui se battent, qui militent. Je trouve ça plus légitime parce que tu te sens moins agressée et la manière dont iels vont retranscrire tes propos sera plus juste. Tu ne seras pas présentée en victime, mais en exemple.

« Les mèmes grossophobes, c’est ultra blessant. Mais notre monde est claqué au sol donc c’est pas une surprise. C’est triste mais au pire, vous allez nous ressembler ! »

Avec le confinement c’est des questions qui sont d’autant plus complexes. Parce qu’être confiné·e avec des troubles alimentaires c’est pas simple, et puis y a une floppée de mèmes sur la prise de poids qui ont envahi internet…
C’est ultra blessant. C’est des enfoiré·es ! Mais notre monde est claqué au sol donc c’est pas une surprise. C’est triste mais au pire, vous allez nous ressembler, regardez comme je suis cute ! (elle montre ses joues)

Publicité

Dans tes morceaux tu parles aussi de ton histoire familiale - sujet qui a fait pleurer la moitié de la salle à ton concert à l’AB. C’est quoi ta relation avec elleux aujourd’hui et pendant ce confinement ?
Alors pour celleux qui n’étaient pas là, j’ai donné mon premier concert à Bruxelles à l’AB. Je chante « Corps », et au moment où je dis « Un pardon à mon père, insolente je l’ai été », mon père crie dans la salle « Je t’ai pardonnée ! » Et je me dis « WTF ! », je pleure, et je vois toute la salle qui pleure.

Depuis ce jour-là, ça va mieux. Il voit que j’entreprends, que je suis stable, que j’ai mon appart et que je vis de ma musique. Il va pas me casser la tête toute ma vie. Faut que ça fonctionne parce que bon, iels aimeraient bien avoir une petite maison !

« Le fait de déménager tout le temps quand j’étais jeune, ça fait que j’ai aucune attache avec les gens. Du jour au lendemain t’auras plus de news et puis je reviens comme une fleur trois mois après. Je suis un électron libre et les gens ont du mal avec ça. »

C’est ce concert qui a créé le déclic ?
Je pense que c’est surtout la distance. Ce qui est compliqué avec ma famille et les gens en général, c’est que j’ai besoin d’être seule. J’ai du mal à m’attacher aux gens, de par mon passé. Quand un lien s’est brisé dans ta famille étant jeune, t’as beaucoup de chances de ne pas pouvoir t’attacher par peur de revivre une cassure. Le fait de déménager tout le temps quand j’étais jeune, ça fait que j’ai aucune attache avec les gens. Genre toi et moi on peut se parler non-stop pendant une semaine, et du jour au lendemain t’auras plus de news et puis je reviens comme une fleur trois mois après. Je suis un électron libre et les gens ont du mal avec ça.

Publicité

Avec ma mif, ce qui m’a permis d’être épanouie dans ma musique, c’est la distance. C’est prendre mes affaires, bouger de chez mon daron, me trouver un taf et un appart, et me prouver à moi-même que je suis capable de faire ce que mon père ne me pensait pas capable de faire. Plus y a de distance avec ma mif et les gens, mieux je me porte et mieux on se porte tou·tes.

C’est compliqué avec tes potes aussi ?
Oui. Y en a qui n’ont pas supporté du coup iels me détestent ! Y en a qui ne comprennent pas, alors iels pensent que je prends et je jette. Mais c’est pas ça.

Faut juste respecter la manière d’être de chaque personne et si on est ami·es, faut pas porter de jugement, faut juste communiquer. Tu peux me demander pourquoi je fonctionne comme ça et on peut se comprendre. Si on est vraiment ami·s, je peux revenir dans 25 ans et rien n’aura changé.

Change rien.

Ne ratez plus jamais rien : inscrivez-vous à notre newsletter hebdomadaire et suivez VICE Belgique sur Instagram.