À Calais, « tout le monde est pris au dépourvu »

Samedi, une partie des grillages érigés pour protéger le port de Calais des tentatives de passage des migrants s’est effondrée après avoir été battue par des rafales de vent de près de 160km/h. L’installation de cette barrière de trois mètres de haut est une initiative du gouvernement britannique, qui s’est engagé à verser 15 millions d’euros (12 millions de livres) sur trois ans pour assurer la sécurité du port après un automne très tendu dans ce point de départ pour les candidats à la migration illégale : rixes entre migrants, manifestations de l’extrême droite, tentatives désespérées et mortelles pour monter dans les camions en partance pour l’Angleterre.

Contacté par VICE News, un porte-parole du Home Office britannique, en charge de ce mur a déclaré que « Les intempéries n’ont pas affecté la sécurité des frontières », et que « des réparations avaient été commandées sur une petite partie du grillage, à l’extérieur de la zone sécurisée du port. »

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Les grilles du port filmées par France 3

Les mauvaises conditions météorologiques ont aussi eu comme conséquence la mise en place d’un hébergement d’urgence pour les migrants. Depuis samedi, la préfecture du Pas-de-Calais a mis à la disposition des migrants un bâtiment industriel dans le cadre du plan « grand froid », un dispositif mis en place en cas d’hiver rigoureux, activé par les préfectures selon l’intensité du froid. Vendredi soir, 44 personnes y ont trouvé refuge ; dimanche, ils étaient 239 à dormir dans ce hangar où des fleurs étaient autrefois stockées.

David Lacour, le directeur de Solid’R, l’association chargée de gérer l’accueil des migrants dans ce centre d’urgence a déclaré à VICE News : « On va tout faire pour pouvoir accueillir le maximum de personnes avec les moyens qu’on a, mais c’est de la débrouille. Tout le monde est pris au dépourvu par le nombre [de migrants], même à Sangatte on n’a pas connu ça ! » Lacour fait référence au centre de Sangatte, ouvert de 1999 à 2002 et qui accueillait des migrants dans des conditions très rudes.

À lire. C’était Sangatte.

D’après les chiffres communiqués ce lundi par la préfecture du Pas-de-Calais à VICE News, l’augmentation du nombre de migrants est, en effet, considérable : 880 en juillet, ils seraient près de 2 500 migrants en provenance d’Érythrée, de Somalie ou d’Éthiopie dans les environs de Calais, à attendre de pouvoir partir en Grande-Bretagne. Les hivers précédents, ils étaient entre 300 et 500 à être installés dans des logements de fortune de la région.

L’augmentation des candidats au départ dans la région a placé Calais au centre de l’attention médiatique cet été et cet automne. Plusieurs manifestations au discours haineux ont été organisées par un groupe d’extrême droite, baptisé « Sauvons Calais » ; et on a rapporté des attaques de migrants par des locaux.

À plusieurs reprises, les membres des communautés éthiopienne et érythréenne se sont affrontés à la mi-octobre, et les CRS ont dû intervenir pour les séparer. Interrogé par le journal Le Monde, un membre du mouvement No Border, qui vient en aide aux migrants, avait suggéré plusieurs pistes pour expliquer ces rixes : « Il y a les pressions policières, la faim, les mauvaises conditions de vie ».

Dans une récente enquête, le Guardian affirme qu’au moins quinze migrants sont morts en 2014 : avec l’augmentation du nombre de migrants arrivés jusqu’à Calais, ceux-ci seraient prêts à prendre encore plus de risques pour atteindre la Grande-Bretagne. L’un d’entre eux s’est fait renverser par le camion dans lequel il essayait de monter pour traverser la frontière ; un autre est mort en sautant du pont d’une autoroute sur un camion.

Le Guardian révèle aussi qu’il y a à Calais de plus en plus d’enfants et de femmes. Une situation tout à fait nouvelle. Certains migrants ont rapporté que des passeurs forçaient des femmes à se prostituer en échange de la promesse d’une place dans un camion pour l’Angleterre.

Début novembre, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve avait annoncé la création d’un centre d’accueil de jour pour faire face à cet afflux ; mais lors d’un déplacement à Calais le jour de Noël, il a annoncé un report de plusieurs mois.

La préfecture du Pas-de-Calais a expliqué ce retard à VICE News. Elle avance que ce sont les « temps d’aménagement » qui ont augmenté. Construit dans un ancien centre aéré, le lieu semble nécessiter plus de travaux qu’espéré, la préfecture nous a donné l’exemple des sanitaires pour enfants qu’il faut remplacer par des cuvettes pour adultes. La mise en place de fonctionnalités supplémentaires, comme un point d’accueil médical, repousse également les délais de construction.

D’après les prévisions météo de ce lundi après midi, dans la nuit de lundi à mardi la température ressentie devrait être entre 0 et -2 degrés. En fin de journée, la préfecture a reconduit les dispositions du plan grand froid.

Suivez Mélodie Bouchaud sur Twitter @meloboucho