Ce designer belge défie la fast fashion avec des sneakers véganes

Sneakers Rombaut, les chaussures vegan

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La mode est l’une des industries les plus polluantes au monde. Si vous avez regardé le documentaire d’Andrew Morgan The True Cost, ou simplement suivi les nombreuses campagnes militantes et articles à ce sujet, il y a de fortes chances pour que votre séance shopping chez H&M ait un léger parfum de culpabilité. Du coup, vous êtes nombreux·ses à faire plus attention à votre manière de consommer la mode et bon nombre de marques et designers tentent de produire de manière plus éco-responsable. Mats Rombaut en est, et ses sneakers véganes rencontrent un réel succès non seulement en Belgique, mais aussi auprès de célébrités américaines telles que Bella Hadid ou Lil Nas X. On a profité de son bref retour au bercail pour faire le point et boire un verre avec lui dans le bar à vins naturels de sa soeur à Gand.

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VICE : Salut Mats. Tu vis à Paris depuis onze ans maintenant. Tu reviens souvent à Gand ?
Mats : Je ne suis jamais à Gand. Je viens voir ma famille tous les trois mois, notamment parce que mon entreprise est officiellement établie en Belgique. Quand je viens ici, je ne vois personne. Tou·tes mes ami·es sont à Paris. Ma vie a complètement changé depuis que je suis parti. Ici, j’étais étudiant en économie et j’étais dans un environnement complètement différent; un environnement que je voulais fuir. C’est pour ça que je suis parti vivre à Barcelone à 19 ans pour y poursuivre mes études. Ensuite, je suis allé directement à Paris car il n’y a pas de perspectives d’avenir dans l’industrie de la mode à Barcelone.

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Tu étais déjà passionné de mode quand tu vivais ici ?
Je pense que déjà à l’âge de 15 ans, j’avais des goût vestimentaires assez spéciaux. Je me souviens d’un total look en orange par exemple. C’était anodin à l’époque, mais à 17 ans, je me suis intéressé aux designers belges. En réalité, je viens de Zwijnaarde, un petit village près de Gand, et quand j’ai commencé à sortir à Anvers, je suis entré en contact avec des gens de la mode. J’étais déjà obsédé par Comme Des Garçons, Walter van Beirendonck, etc. J’ai acheté ma première pièce de mode quand j’avais 17 ans.

Les designers belges aussi. Mais pourquoi n’as-tu pas étudié la mode en Belgique ?
Je voulais vraiment quitter la Belgique. Je ne savais pas exactement ce que je voulais faire, mais je savais que je voulais partir, et de préférence au soleil. À Barcelone, j’avais l’impression que tout le monde pouvait y être soi-même, et il y a une bonne scène musicale et mode. J’étais un peu déprimé ici à Gand.

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Pourquoi la Belgique t’a rendu déprimé ?
Beaucoup de gens m’ont dit que je n’y arriverai jamais. Je rêvais de travailler chez Louis Vuitton à l’âge de 16 ans. Pourquoi ? Je ne sais pas, sûrement parce que c’était très luxueux. Mais tout le monde pensait que ce n’était qu’un rêve et je serais malheureux si je le poursuivais. Il y avait beaucoup de négativité. C’est dans ma nature de penser que tout est possible, et je ne retrouvais pas cette mentalité ici. Mes parents ne voyaient pas la mode comme un vrai métier ; le discours c’était plutôt : « fais comme tout le monde et vas étudier l’économie. »

« À Paris, pas besoin d’être sympa si on n’en a pas envie. »

Et maintenant tu vis à Paris. Que penses-tu de la mentalité là-bas ?
Je sors à peine ces derniers temps car je travaille pour ma marque, mais aussi pour d’autres, donc je voyage beaucoup. Paris est une ville agréable et je pense que je suis attiré par les grandes villes parce que chacun·e y fait son truc. À Paris, pas besoin d’être sympa si on n’en a pas envie. Pour moi ce n’est pas négatif ; c’est plus honnête. Si tu n’aimes pas quelqu’un, tu ne dois pas te forcer.

Tu disais que tu travailles aussi pour d’autres marques… Lesquelles ?
Je travaille pour Hugo Boss et la marque chinoise BOTH. Rombaut ne représente que la moitié de mon temps. Je travaille comme indépendant pour ces deux autres marques afin de pouvoir continuer à faire mon propre travail.

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Donc jusqu’à présent, ta marque ne te rapporte pas assez ?
Non, ça n’a jamais été le cas. C’est pour cela que je dois combiner plusieurs projets. Mais les choses vont mieux et c’est aussi grâce à cet équilibre que j’apprécie davantage mon travail. Au début, j’ai eu beaucoup de difficultés parce que je ne gagnais pas assez. Mais maintenant, avec ces autres jobs, je peux me concentrer davantage sur ma propre marque. Par exemple, je viens de créer des chaussures à talons que je viens de présenter à Paris. Je n’aurais jamais osé le faire auparavant, de peur qu’elles ne se vendent pas. Mais maintenant, je peux me permettre de prendre plus de plaisir avec ma marque, et j’en suis très heureux.

Tu travailles pour des marques qui ne sont pas nécessairement écologiques, comment le vis-tu ?
J’essaie tout de même de leur apporter ma vision, mon éthique. C’était difficile au début, mais maintenant que Rombaut commence à bien marcher, j’ai plus d’impact. Par exemple, j’ai conçu une collection de chaussures à 80% véganes pour BOTH et dix modèles entièrement végans, donc sans cuir. Hugo Boss a également fabriqué des chaussures en Pinatex, une fibre d’ananas, et se tourne également vers des matériaux et des processus plus écologiques. Mais aujourd’hui, toutes les marques veulent être plus durables. Je ne veux pas en assumer le mérite, mais j’ai eu un certain impact, parce que je travaille depuis trois ans dans ce domaine. Ces marques ne sont pas toujours éthiques à 100% – car elles utilisent encore du cuir – mais bon, j’ai besoin de cet argent pour faire avancer ma propre marque.

« J’ai vraiment foi en la génération qui marche pour le climat. »

C’est vrai que beaucoup de marques se revendiquent comme écologiques. Tu penses que c’est une tendance ? Que penses-tu d’H&M et de sa collection Conscious, par exemple ?
Il y a quelque temps, j’ai lu un article disant qu’H&M avait brûlé son stock d’une valeur de quatre millions d’euros parce qu’ils ne savent plus comment l’écouler. Beaucoup de ces entreprises sont entre les mains de multinationales qui ne jurent que par le profit. Donc autant dire que personne n’en a rien à faire de la planète. Il y a sept ans, j’étais le seul sur le marché, avec quelques petites marques de hippies et Stella Mc Cartney. Ces grandes entreprises développent un petit projet durable uniquement pour leur image. Mais c’est absurde. Elles l’auraient fait il y a sept ans si elles s’en souciaient vraiment. J’ai vraiment foi en la génération qui marche pour le climat. Mais je suis conscient que mes produits sont inaccessibles pour ces jeunes. C’est pourquoi je compte sortir quelque chose de nouveau, qui soit plus utile et moins fashion. Les chaussures que je fabrique maintenant, c’est surtout pour l’image, mais je veux faire quelque chose qui puisse être porté par plus de personnes et qui soit biodégradable.

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Moins cher, du coup ?
Oui, je travaille là-dessus en ce moment. Les All Stars sont véganes, ou du moins faciles à produire de la sorte, et elles ne coûtent pas cher. Il existe des moyens de rendre ma marque plus abordable. Au final, si les chaussures Rombaut sont chères, c’est aussi parce qu’elles sont fabriquées en petite quantité.

« Les grandes entreprises développent un petit projet durable uniquement pour leur image. »

Ta soeur a un bar à vins naturels et tu crées des chaussures véganes. L’écologie c’est une histoire de famille ?
Un peu oui. Ma sœur s’est intéressée aux vins naturels simplement parce qu’elle aime ça. Ma famille n’était pas végétarienne, mais ma mère étant médecin et on mangeait sainement. On mangeait de la viande, mais par exemple d’une vache de la ferme qu’on avait fait abattre.

Quand es-tu devenu végétarien ?
Quand j’ai déménagé à Paris à l’âge de 21 ans, j’ai eu une crise existentielle. J’ai regardé des documentaires sur des questions environnementales et j’ai réalisé que tout était lié à l’agriculture. Je suis immédiatement devenu végétarien et un an plus tard, végétalien. L’idéal serait que tout le monde s’y mette, mais j’ai aussi du mal à m’y tenir à 100%. Je voyage beaucoup et ce n’est pas toujours facile, mais le plus important c’est de faire de ton mieux.

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Tu sais si tes clients achètent tes chaussures pour des raison écologiques ?
Je pense que seulement 20% de ma clientèle en est réellement consciente. Le reste connaît ma marque grâce à Instagram ou parce qu’elles sont en vente dans de belles boutiques. Avant je ne mettais jamais de logos, mais maintenant on a commencé à le faire pour vendre plus. Quand vous dépensez autant d’argent dans une pièce, vous voulez le montrer. Et ça marche.

Ta marque reçoit beaucoup d’attention à l’étranger et tes chaussures sont portées par des célébrités telles que Miley Cyrus et Lil Nas X. Qu’est-ce qui les rend si populaires aux États-Unis, par exemple ?
C’est triste à dire, mais je dois principalement ce succès aux personnes qui le portent. Depuis que Bella Hadid a porté mes chaussures il y a un an et demi, la perception de ma marque a changé ; plus de gens sont intéressés et les ventes se sont améliorées. Ton produit ou ton design peut-être nickel, mais si tu ne sais pas comment le présenter, ça ne marchera jamais. Maintenant, je fais attention à la manière dont je présente chacun de mes produits. Récemment, les artistes belges tel·les que Warhola, Oscar and the Wolf, Damso, Dvtch Norris, ou Bazart ont commencé à porter mes chaussures.

Tu es plutôt actif sur les réseaux sociaux. C’est également toi qui t’occupes de cette partie du travail ?
Oui. Je ne fais plus tout moi-même, mais je l’ai fait durant cinq ans. Ce que je ne fais plus moi-même, c’est la logistique. Je travaille avec un·e freelance pour la presse, j’ai quatre stagiaires et depuis peu un assistant aussi. Ça me laisse un peu plus de temps pour faire d’autres choses. Rombaut est devenu une sorte de studio de design où l’on travaille également pour d’autres marques. C’est la première fois que je suis content de moi-même ; je n’étais jamais satisfait auparavant. Je pense que quand on est satisfait, on devient paresseux. Mais maintenant que je suis heureux de certaines choses, j’espère que je ne vais pas le devenir et que je vais continuer à expérimenter. Tout est une question d’équilibre.

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