On est si souvent oublié que, chaque fois que quelqu’un qui n’est pas canadien parle du Canada, on perd la tête. Comme quand j’ai appris que le Canada est en partie le théâtre de propagande nord-coréenne. Il fallait que je voie. Même s’il s’agissait d’un film en 62 parties.
Le film s’intitule Nation et destinée. Chacune des 62 parties (il devait à l’origine y en avoir 100) dure plus d’une heure. C’était un projet gigantesque entrepris par le régime nord-coréen à l’époque où il était guidé par Kim Jong-il, un cinéphile notoire. Dans le film, on suit plusieurs personnages, dont un officier militaire sud-coréen qui a fait défection en Corée du Nord, un compositeur en voyage en Corée du Nord et un maître de taekwondo exilé au Canada.
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Matt Kwong de CBC a écrit un très bon reportage sur la vision du Canada dans Nation et destinée. Il a parlé à des Nord-Coréens ayant fui le pays qui disent que ce film leur a appris tout ce qu’ils savaient du Canada — une connaissance extrêmement limitée. C’est une rare occasion de voir le monde à travers les yeux d’un Nord-Coréen et d’analyser la vision nord-coréenne du Canada, car, sauf si vous êtes Dennis Rodman, il y a peu de chances que vous puissiez un jour visiter le royaume ermite.
Malheureusement, le Canada n’est pas le lieu central de l’histoire, on ne s’y trouve que dans des flash-back. Notre héros, un maître de taekwondo, mais aussi un militaire, s’appelle Choi Hong Hi. Le film raconte ses épiques pérégrinations en Corée du Sud, en Corée du Nord et au Canada, où il s’exilera.
M. Choi n’est pas un personnage fictif. Il est considéré comme le père du taekwondo moderne. Même s’il est né en 1918 dans ce qui deviendrait la Corée du Nord, Choi a fait partie et a gravi les échelons de l’armée de Corée du Sud. Après sa carrière militaire, il a travaillé à populariser le taekwondo dans le monde et, après avoir présenté le sport en Corée du Nord, a été forcé de s’exiler. Il s’est installé en Corée du Nord, où il a ensuite vécu dans les années 2000 jusqu’à sa mort.
Maintenant que la leçon d’histoire est terminée, abordons la propagande. D’après les parties que l’on trouve sur YouTube — bien que je ne sache pas à quel point on peut se fier aux sous-titres —, on a l’impression que les Nord-Coréens aiment le Canada. Ils en parlent en bien, mais conviennent cependant que le pays fourmille d’espions sud-coréens.
Du point de vue du montage, le film est complètement chaotique. Il s’interrompt continuellement pour des chansons, la chanson sifflée du Pont de la rivière Kwaï fait irruption à tout bout de champ, il y a d’incroyablement étranges arrêts sur image dans les scènes de décès. Mais les combats de taekwondo sont assez bien.
Revenons au Canada. L’un des films commence par des images du Canada provenant assurément d’archives. On ne voit pas beaucoup du pays, à part l’intérieur de la maison dans laquelle vivent Choi et sa femme avant que le film l’envoie en Corée du Sud, où il raconte comment il s’est retrouvé au Canada. Dans le reste de l’épisode, il s’agit presque seulement d’un flash-back, mais on ne voit toujours pas grand-chose du Canada. Toutefois, l’épisode se termine par une chanson qui parle d’oies. Ce n’est pas vraiment à propos des oies du Canada, mais, bon, on prend ce qu’on peut.
Dans l’épisode suivant, à nouveau, on ne voit à peu près rien du Canada, alors n’en parlons pas. Mais dans le suivant, c’est le coup de grâce de la propagande nord-coréenne sur le Canada. Il s’agit d’un road trip : notre protagoniste et sa femme se rappellent un voyage « du Canada à New York ». C’est fleur bleue, romantique, et bien sûr à leur dialogue succède une chanson.
Dans l’épisode suivant, à nouveau, on ne voit à peu près rien du Canada, alors n’en parlons pas. Mais dans le suivant, c’est le coup de grâce de la propagande nord-coréenne sur le Canada. Il s’agit d’un road trip : notre protagoniste et sa femme se rappellent un voyage « du Canada à New York ». C’est fleur bleue, romantique, et bien sûr à leur dialogue succède une chanson.
Cette scène est la plus canadienne que l’on trouve parmi les 62 épisodes du film. Elle dure une glorieuse minute. On sait que les cinéastes ont voyagé pour ce film et, bien que je n’aie pas trouvé d’information confirmant qu’ils sont venus au Canada, ils ont tapé dans le mille avec leur choix de lieu de tournage. De l’auto qui roule sur une authentique autoroute canadienne, on voit des champs de blé, des poteaux de téléphone et, à un moment, des vaches.
Puis, le couple arrive à New York, ce qui conduit à une confrontation assez réussie sur une plage qui n’est pas du tout près de New York.
À partir de là, c’en est fini du Canada dans ce film. Les deux épisodes suivants concernant M. Choi montrent la création et les débuts de sa fédération de taekwondo, parsemée de confrontations avec de caricaturaux Nord-Coréens diaboliques. Il n’y a rien de remarquable, sauf un salto avant au-dessus d’une voiture.
En conclusion, d’après ce film, on sait qu’en Corée du Nord, on ne sait pas grand-chose sur le Canada. Nous ne sommes à peu près qu’un bref road trip. Jamais dans le film on ne donne une indication de la position géographique du Canada dans le monde, sinon qu’on peut conduire « du Canada à New York ». Ce n’est pas étonnant quand on pense au contrôle exercé par le régime sur les médias et l’éducation. La plupart des Nord-Coréens n’ont pas la chance d’en savoir plus sur le Canada. Et s’ils l’avaient, ils feraient sans doute comme le reste du monde : ils nous ignoreraient.
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En tout cas, merci de m’avoir suivi dans ce voyage au Canada vu par la Corée du Nord. J’espère qu’au moins vous avez appris quelque chose. Moi, assurément rien.
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