Pas de bol, vous alliez vous chercher un croissant au jambon quand une veine a pété dans votre cerveau. Vous êtes déjà en état végétatif quand on vous allonge sur un lit d’hôpital : vous n’irez plus jamais à la boulangerie, votre vie et celles de vos proches sont bouleversées. Si vous n’avez pas rédigé de directives anticipées, ces derniers devront prendre des décisions pour vous, ce qui, en plus d’être difficile pour eux, peut mener à une situation « Vincent Lambertesque ».
Regarder la fin de vie en face
La Haute autorité de santé (HAS) définit les « directives anticipées concernant les situations de fin de vie » comme « vos volontés, exprimées par écrit, sur les traitements ou les actes médicaux que vous souhaitez ou non, si un jour vous ne pouvez plus communiquer après un accident grave ou à l’occasion d’une maladie grave. »
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N’importe quel individu majeur peut rédiger ses directives anticipées, seul ou avec l’aide de ses proches ou d’un médecin. Elles n’ont pas de limite de validité et peuvent être modifiées à tout moment. Il est possible de les rédiger sur un « papier daté et signé » ou sur un formulaire officiel. Dans les deux cas, vous pourrez accepter ou refuser le maintien artificiel de votre vie, les actes et traitements médicaux dont vous pourriez faire l’objet et la sédation profonde et continue associée à un traitement de la douleur.
Les directives anticipées permettent également de désigner une « personne de confiance » qui sera consultée en priorité si vous n’êtes plus capable de vous exprimer. Le site de la HAS dit : « Elle pourra recevoir l’information médicale à votre place et sera votre porte-parole. » Toute personne majeure de votre entourage peut assumer cette responsabilité, il lui suffira de signer votre document. L’existence de vos directives anticipées doit être connue de vos proches et de votre médecin.
Le corps médical devra respecter vos volontés… Mais pas toujours. La loi Leonetti-Claeys sur les nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, datant de février 2016, dispose : « Les directives anticipées s’imposent au médecin pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement ». Cependant, le médecin pourra choisir de les ignorer en cas d’urgence vitale ou lorsqu’elles lui « apparaissent manifestement inappropriées ou non-conformes à la situation médicale ». Ce refus ne pourra être signifié qu’au terme d’une procédure collégiale.
Faire des restes qui sauvent, ou pas
Pas de bol, vous êtes mort. Courage, c’est arrivé à beaucoup d’autres avant vous. Et puis vous pouvez toujours agir pour le plus grand bien en faisant don de vos organes et autres tissus. Une quinzaine d’entre eux peuvent être greffés : foie, cœur, reins, mais aussi veines, cornées, os… Sans vouloir être prescripteur, on se permet d’indiquer que de tels dons sauvent environ 3 000 vies chaque année. Ils peuvent aussi apaiser la douleur de vos proches en donnant un peu de sens à votre décès.
En France, tout individu est présumé donneur d’organes depuis la loi Caillavet du 22 décembre 1976. Cela signifie que si vous n’avez rien dit, des prélèvements pourront être effectués sur votre corps à votre mort et ce quel que soit votre âge. Évidemment, cela sera fait gratuitement, anonymement et dans la dignité. Le site du ministère des Solidarités et de la Santé rappelle : « Après les prélèvements, les équipes médicales ont l’obligation de restaurer l’aspect du corps pour le rendre présentable à la famille. »
Si vous souhaitez que vos organes demeurent dans votre cadavre, vous devez le manifester de votre vivant. Toute personne de plus de 13 ans peut s’inscrire au registre national des refus par Internet ou par courrier. Facile, gratuite, modifiable et révocable à tout moment, la procédure permet de refuser trois types de prélèvements : thérapeutique, pour la recherche scientifique ou pour l’autopsie médicale, bien que nul ne puisse refuser une autopsie judiciaire.
Le refus du don d’organes peut également être signifié aux proches, par écrit ou par oral. Après votre décès, un professionnel de santé viendra obligatoirement les interroger concernant votre position sur le don d’organes. Ils pourront alors faire passer ce refus. Dans le doute, les prélèvements seront effectués. Moralité : quel que soit votre avis, soyez clairs avec vos êtres chers de votre vivant. Vous leur ôterez un doute le jour de votre mort.
Si vous acceptez le don d’organes, vous pouvez vous munir de la carte consacrée ou vous manifester sur une application. Ces dispositions n’ont pas vraiment de valeur légale mais elles peuvent servir de base aux échanges entre les proches et le personnel médical.
S’offrir à la science
Autre possibilité : faire don de son corps à la science. Dans ce cas, votre dépouille mortelle sera utilisée à des fins d’enseignement (dissection répétitions d’interventions chirurgicales) et de recherche. C’est une démarche altruiste et généreuse, d’autant plus qu’elle est réservée aux plus décidés.
Ceux qui souhaitent faire don de leur corps à la science doivent l’indiquer dans une lettre adressée à la faculté de médecine de leur choix. Si l’établissement prend en charge le don, il fera parvenir plusieurs formulaires au donneur. Une fois remplis et renvoyés, ils permettront à ce dernier d’obtenir sa carte de donneur, qu’il devra conserver sur lui à tout moment.
Les corps donnés à la science peuvent être refusés et ils sont systématiquement incinérés. « Un délai de plusieurs semaines, mois ou années, peut s’écouler entre le don du corps et la crémation », signale service-public.fr, et les proches récupèrent rarement les cendres. Ceux-ci ne pourront pas s’opposer à votre décision. Par contre, ils pourront être amenés à payer pour votre transport et votre crémation. Alors, une fois de plus, soyez courageux : parlez à vos proches.
Partager vos maigres possessions
Si vous êtes hardcore, vous pouvez aussi organiser voire financer vos funérailles de votre vivant. Souhaitez-vous être enterré dans un cercueil collector sous une pierre tombale d’artiste, ou incinéré et dispersé dans la mer ? Notez toutes ces dernières volontés sur papier libre et confiez le tout à une personne de confiance. Vos proches ne pourront les rejeter tant qu’elles restent dans le cadre de la légalité.
« Ce fut sous le règne du roi Georges III que ces personnages vécurent et se querellèrent ; bons ou mauvais, beaux ou laids, riches ou pauvres, ils sont tous égaux maintenant ». À terme, c’est vrai, la mort nous loge tous à la même enseigne. Au moment d’établir votre testament, cependant, votre situation financière guidera largement vos décisions.
Il existe trois grands types de testament : olographe, authentique et mystique. Si vous êtes majeur, tous permettent de léguer vos biens aux individus de votre choix, de reconnaître ou transmettre la garde d’un enfant, de dispenser des indications concernant vos funérailles, etc.
Le testament olographe est le plus accessible. Il est gratuit et peut être dressé par un individu seul. Forcément rédigé à la main de la première majuscule au point final, il doit être daté précisément et signé. Pour éviter qu’il ne finisse perdu, oublié ou contesté à cause de formules bancales, certains recommandent de le confier à un juriste spécialisé… Ce qui occasionne des frais.
Le testament authentique est établi devant témoins avec l’aide d’un notaire. Il est plus difficile à contester qu’un testament olographe mais aussi plus coûteux : entre les frais de rédaction, les frais d’enregistrement et les frais de notaire, vous en aurez pour plusieurs centaines d’euros.
Le testament mystique est le plus lourd, le plus coûteux et le plus cinématographique. Hormis le testateur (et un éventuel rédacteur), personne ne connaît son contenu jusqu’à son ouverture, pas même le notaire auquel il est confié scellé et devant témoins. Il faut donc veiller à le rédiger correctement pour éviter toute opposition après votre décès. Si vous avez une maîtresse à laquelle vous souhaitez céder tous vos biens, c’est le testament qu’il vous faut.
Dernier détail pour les digital natives et autres millenials fauchables dans la fleur de l’âge : votre présence numérique va sans doute poser problème quand vous serez dans la tombe. Facebook et Google permettent de transférer automatiquement le contrôle de votre compte à un tiers en cas de décès. Pour Twitter, Instagram et LinkedIn, vos proches devront initier le contact.
C’est fini, vous pouvez retourner vaquer à votre vie comme si rien n’allait jamais vous arriver.
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