En France, un civil ne peut détenir une arme, sauf s’il est un chasseur ou un tireur sportif et licencié à la Fédération française de tir. Il existe cependant une exception. Selon l’article R315-5 du code de la sécurité intérieure, le ministère de l’Intérieur peut autoriser « toute personne exposée à des risques exceptionnels d’atteinte à sa vie » à se doter d’une arme de défense. Mais dans les faits, les autorisations sont rarement accordées. Pour preuve, l’illustrateur Charb, assassiné le 7 janvier 2015, en avait fait la demande. En vain.
Guillaume Lorans a aussi vu sa requête refusée par le ministère de l’Intérieur. Il est un des membres fondateurs de l’association pour le rétablissement d’un port d’arme citoyen (ARPAC) qui a vu le jour après les attentats de novembre 2015. Alors qu’aux Etats-Unis, suite à la fusillade du mois dernier, au lycée de Parkland, en Floride, le camp des anti-armes a le vent en poupe, en France, c’est le contraire. Boostés par les attentats, les pro-armes entendent faire entendre leur voix – et évoluer la législation.
On est donc allé à la rencontre de ceux qui, en France, croient en l’auto-défense et au droit de presser sur la détente.
Guillaume Lorans, 28 ans, pilote de ligne et membre fondateur de l’Arpac
Videos by VICE
Nous sommes plusieurs à nous être fédérés après les attentats du 13 novembre 2015. On aurait tous pu être touchés par ces attaques ! À ce moment-là, je me suis dit : « Merde alors, j’ai des armes dans mon coffre-fort. Elles auraient pu servir à éviter ce carnage ». Je suis convaincu que des citoyens armés auraient pu éviter ce qui s’est passé. Il faut bien des bergers pour protéger le troupeau.
Notre idée, à l’Arpac, c’est de former des citoyens pour qu’ils soient capables de dégainer leur armes en cas d’attaque criminelle ou terroriste. Aujourd’hui, notre société est fébrile, elle a peur. Quand les gens sauront qu’autour d’eux, il y a des détenteurs d’armes qui peuvent intervenir, cela ramènera de la sérénité. Le port d’arme est le moyen le plus dissuasif – et le plus efficace.
Attention, je tiens à préciser que nous nous inscrivons dans le cadre de la légitime défense uniquement – comme c’est déjà le cas avec les policiers. Et que nous ne parlons que de la protection des personnes et non celle des biens. D’ailleurs, cela ne cesse de m’étonner mais en France, pour protéger des billets de banque, un convoyeur de fond est armé. Alors, pourquoi n’en avons-nous pas le droit pour défendre des êtres humains ?
Je ne crois pas qu’il y aura des dérives. A Nice, en juillet 2016, un homme s’est servi d’un camion pour tuer des gens : cela ne signifie pas pour autant que tous les détenteurs de camion pètent un plomb et le lancent sur des innocents ! Ça sera la même chose avec les armes à feu. Bien sûr, tout le monde ne pourra pas prendre les armes : c’est pour cela qu’il y aura des formations dispensées par des professionnels de la sécurité. Qui serviront, justement, à identifier les personnes capable de porter, ou non, une arme à feu.
Les gens doivent être éduqués aux armes : ils ont peur de ce qu’ils ne connaissent pas. A l’Arpac, nous espérons créer un engouement populaire autour du droit au port d’armes : faire évoluer les mentalités – pour faire évoluer la législation.
Adeline, 21 ans, commerciale, Haute-Savoie
Petite, déjà, j’étais passionnée par l’armée et la sécurité des autres. J’ai rejoint l’Arpac parce que son combat pour le port d’arme est mû par la notion de cohésion sociale. Aujourd’hui, la sécurité des Français est assurée par les forces de l’ordre, mais elles ne peuvent pas être partout. C’est pour cela que je pense que le port d’arme doit être accordé à certains citoyens.
Lorsque j’évoque le sujet du port d’arme en France, je prends souvent l’exemple du pompier volontaire. Il a fait le choix de se porter volontaire pour se former, acquérir des compétences et intervenir en cas de besoin. Ça serait exactement la même chose pour les citoyens armés. Ils seront volontaires pour se former au port d’arme et intervenir en cas de besoin. Car je le répète, l’État ne peut pas être partout et si un criminel sait qu’autour de lui des citoyens sont potentiellement armés, cela freinerait ses velléités de passage à l’acte. Le port d’arme n’est pas une question politique, il répond à un besoin de se défendre.
Je suis agréablement surprise de constater que depuis quelques temps les gens sont moins méfiants à l’égard mon engagement en faveur du port d’arme. Ils sont curieux : ils veulent comprendre ma démarche, me posent des questions sur l’Arpac… Désormais, les gens sont ouverts à l’idée que le port d’arme entre dans le débat public.
William, 30 ans, technicien support informatique, Loire-Atlantique
Je suis passionné d’histoire et on voit bien, à travers l’histoire du XXe siècle, que le contrôle absolu des armes à feu par l’État a dégénéré. Je pourrais prendre l’exemple de la Chine, de la Turquie, de l’URSS, ou encore de l’Allemagne nazie et du Cambodge – et de tous les massacres qui en ont découlé. Le droit de porter une arme est un contre-pouvoir face à un Etat totalitaire. Voilà pourquoi il faudrait autoriser le port d’arme à certaines personnes.
C’est un fait : la France connaît une augmentation de la violence – malgré les statistiques tronquées qui disent le contraire. Or, les forces de l’ordre souffrent d’un cruel manque de moyens pour assurer la sécurité de tous les citoyens. Des citoyens armés pourraient ainsi prolonger leur mission.
Evidemment, il faut poser un cadre pour éviter les dérives : une formation au maniement des armes, des tests psychologiques et médicaux devraient permettre de sélectionner qui aurait le droit d’être armé. Mais il faut aussi être réaliste : il y aura toujours le risque que quelqu’un pète un plomb. Mais c’est ce qui s’est passé à Nice en 2016 et pourtant, il n’est interdit de conduire un camion ! De toutes façons, je suis convaincu que les crimes qui seront empêchés par un citoyen armé seront plus importants que les possibles dérives. Et puis, le port d’arme dissuade : au fond, je ne suis pas sûr que les gens auraient besoin, dans la majorité des cas, de faire feu.
Lorsque j’en parle autour de moi, les gens pensent tout de suite aux Etats-Unis et aux drames qui peuvent s’y produire. Mais petit à petit, les choses sont en train de changer en France. Plus les années passent et plus on nous prend au sérieux. Avant, nous étions considérés comme des farfelus. Plus maintenant.
Fabien, 31 ans, policier municipal, Gers
Travaillant au sein des forces de l’ordre, j’ai porté une arme pendant la majeure partie de ma carrière et je trouve étonnant que la question du port d’arme hors-service pose encore problème aujourd’hui en France. Récemment, un commissaire de police allant voir une pièce de théâtre n’a pas pu entrer car il était porteur de son arme de service. Ce n’est pas normal. En cas d’attaque, sa présence aurait pu permettre de sauver des gens, justement. Cette incompréhension a fait naître ma volonté de m’investir pour le port d’arme en France. Et puis, je crois aussi en la légitime défense de la personne et du domicile.
Je ne dis pas que l’armement de certains citoyens résoudrait tous les problèmes sécuritaires, bien sur. Mais ça pourrait être une première réponse. Surtout dans les petites communes où la présence des forces de l’ordre n’est pas optimale. En cas de séquestration ou de cambriolage, par exemple, les délais d’intervention sont longs. Le fait que certains citoyens soient armés permettrait de dissuader – et, en cas d’attaque, d’intervenir – plus rapidement. Je suis convaincu que cela rassurerait la population. Par exemple, si un professeur portait une arme, je serais rassuré pour mon enfant.
D’une manière générale, si le port d’arme est rétabli, les gens auront beaucoup trop à perdre en faisant des bêtises avec leurs armes à feu…