Culture

Charlie Heaton, l’anti-héros de notre génération

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Charlie Heaton s’est encore pincé ce matin en se réveillant. Il y a deux ans, c’était un adolescent normal, faisant des trucs d’adolescent normal : des concerts, des soirées chez des potes. Aujourd’hui, il reçoit des scénarios du monde entier. D’ailleurs, au moment de notre entrevue, il est en tournage en Espagne pour le film Marrowbone, un thriller psychologique avec Mia Goth et Anya Taylor-Joy. Pour le kid de 22 ans, les choses n’ont jamais été aussi…inattendues.

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“J’ai toujours du mal à y croire,” assure-t-il modestement à l’autre bout du téléphone. Après le succès quasi-immédiat de la série Netflix, Stranger Things, la grande majorité de sa génération peut désormais célébrer son talent à l’écran. “Enfin je veux dire, je comprends complètement le succès de la série, ajoute-t-il comme pour se justifier, c’est génial mais non, je m’attendais à tout sauf ça.”

Avec plus de 35 millions de spectateurs le premier mois de sa lancée en ligne, Stranger Things est une des séries les plus acclamées de l’histoire de Netflix. Normal quand on sait qu’elle multiplie au long des épisodes, les clins d’œil à nos films de sci-fi – The Goonies, Firestarter, Twin Peaks, E.T., Alien, The Thing – elle flirte avec la nostalgie sans tomber dans le passéisme. “Je n’ai jamais rien vu de tel, admet Charlie. Les producteurs m’ont d’abord envoyé le scénario avec un mash-up de tous ces super films des années 1980 : ils ont envoyé le même à Netflix. Et je me souviens m’être dit, que ça ne ressemblait pourtant à rien de ce que je connaissais”. Dans une petite ville moyenne de l’Amérique des années 1980, Charlie interprète Jonathan Byers, un ado outsider et marginal qui se mure dans le silence. Abandonné par son père, Jonathan est l’homme de la maison et passe le plus clair de son temps à s’occuper de sa maman, psychotique et dépressive jouée par l’iconique Winona Ryder, et de son jeune frère, Will. Quand ce dernier disparaît subitement, emporté dans une autre dimension, Jonathan se retrouve livré à lui-même, seul contre tous. Le reste met en scène la fille en passe de devenir la plus cool du lycée et dont Jonathan est secrètement amoureux, Nancy, la bande de copains de Will et une jeune fille au crâne rasé aux super-pouvoirs flippants.

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Si l’on oublie le fait que son frère se soit fait enlever par un alien, son rôle dans la découverte d’un complot gouvernemental et l’accent américain, la jeunesse de Charlie n’est pas si différente que celle de son alter ego de Stranger Things. Il naît à Bridlington, une petite ville de bord de mer dans le Yorkshire. Ses parents se séparent quand il est encore très jeune. Si Charlie n’a pas encore sauvé le monde, sa jeunesse parfois compliquée lui a parfois posé des problèmes d’adulte. « Jonathan vient d’une famille monoparentale, d’un milieu très modeste. Je me retrouve là-dedans. J’ai été élevé par ma mère, dans un HLM. Elle travaillait très dur. Ma jeunesse s’est très bien passée, mais on savait qu’il fallait surmonter les difficultés de la vie et se plaindre de rien. J’ai dû grandir assez vite et gérer beaucoup de choses seul. Jonathan à cette responsabilité vis-à-vis de son petit frère. Il a deux jobs, et lui aussi doit surmonter les difficultés. Je pense qu’on en apprend beaucoup de la vie en grandissant dans des circonstances difficiles, où tu n’as pas grand chose et que tu dois te débrouiller seul pour faire ton chemin. »

Comme la plupart des acteurs, Charlie trouve une vertu cathartique au métier d’acteur. « C’est un exutoire. L’occasion de sortir de toi des choses que tu ne partages jamais au quotidien. Se fondre dans ces rôles te permet de communiquer des émotions que tu ne veux pas forcément montrer en temps normal. » Lorsqu’il parle de son métier avec tant de passion, il est difficile d’imaginer que Charlie n’a pas toujours rêvé de devenir acteur. Et pourtant. Ça lui est tombé dessus il y a seulement deux ans. Jusque-là, la vie de Charlie s’articulait autour de la musique. À 16 ans, il déménage à Londres pour vivre avec son père. Là-bas, il rejoint un groupe de punk, Comanechi, et fait une tournée mondiale d’un an avec eux en tant que batteur. Puis le besoin d’argent se fait sentir, et il rejoint une agence. « Je ne recherchais rien en particulier, mais les opportunités se sont présentées, j’ai fait une pub qui ressemblait plus à un court de 8 minutes, un agent m’a signé, j’ai eu une représentation américaine puis je me suis rapidement rendu compte que c’était quelque chose que j’aimais faire. »

Son premier rôle majeur est celui de Steven Portman, le fils paralysé de Naomi Watts dans le thriller psychologique Shut In bientôt en salles. « Je ne veux pas avoir l’air prétentieux, mais je pense que Shut In a vraiment été une révélation pour moi. J’étais peu sûr de moi avant. Je n’étais personne. Mais après avoir décroché ce rôle, un rôle important qui m’a demandé beaucoup, ma confiance s’est affirmée. Je voulais juste donner le meilleur de moi-même pour incarner ce personnage. À partir de là, tu aspires à de plus en plus de rôles et deviens de plus en plus sélectif. »

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Après Shut In, Charlie obtient deux autres rôles, tout aussi sombres et psychologiquement déroutants ; un junkie dans le drame britannique de 2015 Urban & The Shed Crew, avec AnnaFriel et Richard Armitage, et un ado délinquant dans As You Are, qui sortira bientôt, avec Amandla Stenberg. « Je suis attiré par les personnages sombres, » admet-il. « Pour bien bosser sur un rôle, je dois toujours y trouver quelque chose d’authentique en moi à injecter dans le personnage. Je ne dis pas que je suis un mec super sombre non plus, mais il est important de trouver et toucher cette vulnérabilité. On en a tous, qu’on ne veut peut-être pas toujours partager. On est généralement attiré vers des personnages qui nous ressemblent, qui ont traversé la même chose que nous ; à qui l’on peut s’identifier dans une certaine mesure. »

En seulement deux petites années, Charlie est passé d’inconnu à chouchou d’Hollywood. Les critiques le voient déjà comme le nouveau Dane DeHaan ou River Phoenix. Des comparaisons avec lesquelles il n’est pas encore totalement à l’aise. « Si les gens disent ça à cause du travail que je fournis, c’est super. Mais c’est peut-être simplement parce que je leur ressemble, » dit-il, humble. « Ce sont des acteurs incroyables, je suis vraiment flatté, mais je pense que c’est important de se forger sa propre identité. Je n’ai pas encore été vraiment mis à l’épreuve. »

Avec Shut It qui s’apprête à sortir en salles, puis Marrowbone l’année prochaine et l’annonce toute fraîche d’une deuxième saison de Stranger Things, est-ce que Charlie est prêt pour la célébrité, la reconnaissance mondiale ? « C’est quelque chose qui me fait peur, clairement, » avoue-t-il d’un rire nerveux. « C’est très excitant, mais je ne sais pas trop. Le côté « fan » de tout ça est assez flippant. Je veux juste continuer à bosser, me concentrer sur mon jeu. Est-ce que je me sens prêt ? Je n’en sais rien. On verra ! »

Credits

Texte Tish Weinstock
Photographie Matt Jones
Stylisme Annina Mislin Coiffure Ramsell Martinez, Streeters.

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