Food

Cher restau : cette chaise est une putain de plaie

the-chair-1

Cette chaise existe depuis des décennies mais j’ai l’impression qu’elle est vraiment devenue omniprésente dans le milieu de la restauration en 2010, après la crise. Son dossier en métal cintré qui rentre dans les hanches et son assise presque plate sont une invitation froide et déterminée à la rejoindre – comme quand Ursula fait visiter sa grotte sous-marine à la Petite Sirène.

À l’époque, le métal nu se mariait vachement bien à l’ambiance des restaus qui avaient choisi comme déco ampoules Edison et chevrons apparents. Le bois brut et la peinture sur brique de style vintage prenant le dessus sur l’ensemble, tout devait être parfaitement minimaliste. Et la chaise, généralement non peinte, complétait ce look.

Videos by VICE

Par contre, niveau expérience client, c’était tout autre chose. Si je n’avais pas à toucher les ampoules nues et que je ne risquais pas de me foutre une écharde en palpant les poutres au plafond, j’étais bien obligée de poser mon cul quelque part. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ces chaises m’ont beaucoup fait souffrir.

Personne ne peut blairer ses chaises. Tout le monde les trouve nulles, froides, dures et fondamentalement pas conçues pour s’adapter au corps humain

En tant que femme plutôt corpulente, j’ai pensé, au moment où elles commençaient à se répandre dans les restaus du pays comme la vérole sur le bas clergé, que je devais être tout simplement trop grosse pour ces chaises. Mais alors que je souffrais en silence lors d’un énième dîner, mon ami Bill – plus mince que moi – s’est mis lui aussi à dauber sur ces discrets instruments de torture.

Au fil de son discours, j’ai réalisé que personne ne pouvait blairer ses chaises. Que tout le monde les trouvait nulles, froides, dures et fondamentalement pas conçues pour s’adapter au corps humain (en tout cas, certainement pas un corps un peu plus large que la « norme »).

Pour être tout à fait honnête, choisir les sièges d’un restaurant est une décision bien plus difficile à prendre que vous ne l’imaginez. Les chaises coûtent cher et elles ont tendance à se dégrader. Les restaurants ne peuvent pas exister sans et elles doivent correspondre à l’apparence et au style du lieu.

La fameuse chaise en question correspond à certains critères : des versions bon marché du modèle français original sont en vente un peu partout, on peut les empiler, elles n’ont pas de tissu donc ne peuvent pas être tachées ou déchirées, elles ne sont pas faites en bois donc ne peuvent pas se déformer ou se tordre. Et puis elles s’adaptent à différents restaus sans problème.

J’ai découvert à ce moment-là que, pour encourager le roulement, les restaurateurs s’assurent que les clients ne sont pas à l’aise TROP longtemps.

Bien des années avant que LA chaise n’atteigne son pic de popularité, le restaurant dans lequel je travaillais organisait chaque trimestre des dégustations du nouveau menu qui duraient trois heures. À la fin du repas, je me sentais à l’étroit, tordue et endolorie. C’est parce que les banquettes étaient conçues pour des repas d’une heure, m’expliquait le patron.

J’ai découvert à ce moment-là que, pour encourager le roulement, les restaurateurs s’assurent que les clients ne sont pas à l’aise TROP longtemps. La durée et l’angle de la banquette varient donc d’un restaurant à l’autre et le mobilier indique clairement combien de temps votre repas doit durer. Je suppose que les restaus qui utilisent LA chaise n’ont pas envie que vous vous asseyiez plus d’une minute.

Son prix vaut-il vraiment le coup ? Il y a des clients – comme moi – qui peuvent décider d’éviter les restaus qui l’utilisent. D’autres qui ne resteront pas pour le dessert ou le digestif. Quant à l’excuse du décor, elle est périmée depuis que les adresses se ressemblent comme deux gouttes d’eau.

Il y a bien des restaus qui ont tenté de jouer la carte de l’originalité. LA chaise a été repeinte de toutes les couleurs possibles pour tenter de « matcher » avec le papier peint – histoire de gratter quelques likes sur Instagram. Il y a aussi eu la version tabouret de bar qui vient avec tous les mauvais côtés de la chaise originale et, en bonus, un mini-dossier sur lequel il est impossible de s’adosser.

Je me demande si les gens qui choisissent de foutre ces chaises dans leur restau se sont déjà assis une heure dessus. Je ne peux pas croire que le message qu’ils veulent envoyer soit : « On n’est pas original ET on se contrefiche de votre confort ». Croisons les doigts pour que la tendance minimaliste soit bientôt remplacée par des jours plus sympas à base de banquettes rembourrées, de tabourets en cuir ou de chaises en bois usées par moult sillons inter-fessiers.


Cet article a été préalablement publié sur MUNCHIES US

MUNCHIES est aussi sur Instagram, Facebook, Twitter et Flipboard