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Chino Moreno nous parle de « The Woodstock Sessions », l’album live de son projet Team Sleep

Chino Moreno en est au point où il est connu pour une multitude de groupes et de projets différents. Deftones reste évidemment le principal. De Adrenaline à Koi No Yokan, le groupe n’a jamais déçu et s’apprête à revenir en fin d’année avec un 8ème album. Chino Moreno c’est aussi le projet solo électronique Crosses et Palms, le supergroupe formé avec d’anciens membres d’Isis (le groupe, hein) qui, en un seul album, s’est tranquillement fait une place sur la carte du post-metal.

Mais son projet le plus particulier reste Team Sleep, un groupe composé de membres de Marilyn Manson, Stollen Babies, Crosses +++, Palms, Hella, Pinback et Helium. Leur premier album, sorti en 2005 sur Maverick, a tout simplement bouleversé la conception que l’on pouvait se faire du post-rock et semble aujourd’hui condamné à traverser les années sans jamais perdre une once de sa pertinence.

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Aujourd’hui, Team Sleep revient avec The Woodstock Sessions, un album enregistré live en studio, devant un public restreint, et exclusivement composé de nouvelles versions des morceaux du premier disque. Un pari assez osé que se révèle au final particulièrement payant, chaque titre se voyant radicalement métamorphosé, au point que l’ensemble finit par s’éloigner totalement de la base initiale pour acquérir une autonomie propre.

La preuve ci-dessous avec la nouvelle version de « Your Skull Is Red », dont on parle juste après avec Chino Moreno.

Noisey : Tu vis toujours à Sacramento ?
Chino Moreno : Non, j’habite à Bend dans l’Oregon. J’ai bougé de Sacramento il y a longtemps, et entre temps j’ai vécu 8 ou 9 ans à Los Angeles. Il y a un an et demi, je me suis décidé à déménager dans l’Oregon. Et je me sens bien là, tranquille.

Cool. Ça ne te manque pas un peu Sacramento ?
Un peu. Ma famille et mes potes me manquent, mais c’est une ville de dingues. Sacramento s’est tellement étendue. La dernière fois que j’ai mis les pieds en centre ville, j’ai à peine reconnu l’endroit dans lequel j’avais grandi. Le centre de Sacramento s’est totalement transformé et, même si je n’aime pas utiliser ce mot, il s’est aussi gentrifié. C’est une ville de bobos maintenant. Il y a plein de pubs aujourd’hui. Quand j’étais jeune, il n’y avait que des petits bars, un peu crades. Ça me semble être une chouette ville où habiter, mais ça me rend un peu triste. Ça fait 12 ans que je suis parti et j’aime la tranquillité de l’Oregon.

J’ai l’impression que tu préfères les endroits calmes.
Ouais. Même quand j’habitais à LA, j’étais dans la Valley vers Burbank, une sorte de banlieue populaire. C’était assez calme et sûr. L’Oregon est un peu mort, il n’y a pas beaucoup de musique par là, à part parfois des trucs de reggae, de dance ou de folk. Mais c’est calme, et ça se marie bien avec mon activité actuelle. Je voyage beaucoup et je suis toujours dans la musique, quand je rentre à la maison ça me fait du bien, je coupe tout. C’est sain je pense, surtout à notre époque.

Oui, c’est un bon équilibre. Vous avez aussi enregistré les Woodstock Sessions au calme ?
Ouais. On n’a jamais arrêté Team Sleep, c’est juste qu’on avait chacun nos trucs à faire de notre côté. Ces dernières années, on a sorti des démos, on a fait en sorte d’envoyer des morceaux à droite à gauche, ça a gardé le groupe en activité. Todd nous a pas mal drivé pour le nouvel album, c’est lui qui maintient le groupe en vie et c’est cool parce que vu que je n’habite plus à Sacramento, je ne peux pas voir tout le monde aussi souvent que je le souhaiterais. On a pas enregistré cet album de façon traditionnelle, chaque année on terminait 1 ou 2 morceaux. Puis on en est arrivés à un point où on avait suffisamment de vraiment bons morceaux pour faire un album complet. On travaillait pendant les vacances, vu que Todd est instituteur. On se retrouvait tous ensembles quelques jours et on bossait le live. Ensuite on a fait la post-production, on a beaucoup échangé par mail.

Ce qui m’a marqué en écoutant Woodstock Sessions c’est la nouvelle intensité des morceaux par rapport aux originaux, qu’on trouve sur le premier album. C’était exactement l’inverse que ce que tu avais fait pour la transition entre « Pink Maggit » et « Back To School » des Deftones, où, là, le morceau était abrégé.
Absolument. Au départ, j’y suis un peu allé à reculons, je voulais enregistrer quelque chose de bon, ou ne rien faire. J’étais content de rejouer avec les mecs du groupe, mais je ne voulais pas faire un truc foireux. J’étais pas emballé, les mecs étaient arrivés deux ou trois jours avant moi, je me suis pointé un jour avant le concert et on en a profité pour apprendre certains de nos anciens morceaux. Il y avait une paire de trucs nouveaux, mais on a bouclé ça en une journée. Le jour du live, quand les gens se sont pointés, on était encore en train de réviser. J’apprenais encore des progressions à la guitare. Mais bizarrement, quand on a commencé à jouer, tout s’est mis en place parfaitement. C’était comme remettre une vieille paire de baskets, je m’étais mis la pression, j’avais peur que ce soit naze et en fait, après dès les deux premières notes, c’est devenu cool. C’était étrange pour moi, j’ai enregistré pas mal de lives avec Deftones, mais jamais devant un public en studio comme ça. Les gens étaient vraiment à moins d’un mètre de moi, assis sur leurs chaises. Ça aurait pu être bizarre mais tout ceux qui s’étaient pointés étaient venus parce qu’ils avaient réellement envie de nous voir. C’était des fans qui nous suivaient depuis longtemps. Ils voulaient vraiment passer un bon moment, ça nous a motivé a vraiment donner le meilleur de nous-mêmes. Et ça a marché ! Le live était super.

Ça te fait stresser de te produire avec Crosses ou Palms ?
Ouais, à fond. Même avec Deftones je stresse encore. C’est normal d’être nerveux. Dès que j’arrête les tournées pendant quelques mois, quand ça reprend, je me fous toujours la pression « est-ce que je vais réussir cette fois ? » ou « est-ce que je suis encore assez bon pour ça? ». Et puis, comme je te l’ai dit, tu commences à jouer ces morceaux que tu as joué des millions de fois et ça te revient naturellement. Je stresse encore mais le jeu en vaut la chandelle, ça te permet de garder le pieds sur terre et de toujours en profiter à fond. Ça fait plus de 20 ans que je joue avec Deftones, et samedi, je vais avoir 42 ans. Il faut bien que ça reste fun pour moi.

Ça t’aide aussi à progresser je suppose ?
Ouais j’espère que je me suis amélioré. Au fil des années, tout est devenu plus naturel en tout cas et je ne me lance jamais dans un projet si je ne sais pas parfaitement ce que je veux faire ou ce que j’en attends musicalement.

J’ai 22 ans et quand j’avais 6 ans, mes parents m’ont offert la bande-originale de Matrix parce que je rembobinais la VHS en permanence pour pouvoir écouter « My Own Summer ». Ça a été cool de grandir avec ta musique parce que, justement, elle a énormément évolué au fil des années.
[Rires] Le truc le plus cool quand tu fais de la musique ou quand tu en écoutes, c’est que tu peux être attiré par des trucs complètement différents sans même t’en rendre compte. Je ne m’en suis jamais privé. On ne m’a jamais dit qu’il ne fallait pas que j’écoute tel ou tel truc, donc j’ai des goûts hyper variés. Même si j’écoute certains trucs débiles, j’assume et j’aime bien. Tiens, la chanson que j’ai le plus écouté la semaine dernière c’est un morceau de Nick Jonas. J’assume, j’en suis fier. Ça défonce que tu puisses te retrouver dans ce genre de musique, j’ai 42 ans et je me retrouve dans Nick Jonas [Rires]. J’aime ce genre de trucs, c’est comme ça.

Tu penses partir en tournée avec Team Sleep ? La dernière fois que je vous ai vu jouer c’était avec Strata et Skrillex, avant qu’il ne devienne vraiment Skrillex.
On aimerait faire un live plus travaillé. Le concert doit être un moment spécial, dans toutes les villes où on joue. L’idée du début était déjà folle, ce n’était ni un groupe, ni un projet. A l’origine, c’était moi, DJ Crook et Todd. C’était très lo-fi, on enregistrait sur un quatre-pistes, on avait pas du tout prévu de former un groupe et de partir en tournée. C’était cool, mais on a tellement évolué qu’on était finalement été considéré comme un groupe à part entière. On nous a filé un bus, on s’est retrouvés à jouer dans tous les bleds des États-Unis et à essayer de construire quelque chose autour de tout ça. J’étais blasé à l’époque, je ne voulais pas recommencer. Ca faisait déjà 10 ou 12 ans que je faisais ça avec Deftones, et même si j’aimais notre projet, je ne voulais pas en perdre le fun en devant participer à des tournées.

Si on a enregistré à Woodstock c’est aussi parce que c’est là les mecs ont enregistré ce qui sera notre deuxième LP. Je ne sais d’ailleurs pas si ce sera un album ou un EP, les deux sont possibles, on a enregistré suffisamment de morceaux pour en faire un album, j’en suis hyper fier et je pense que les autres aussi. Le premier album est sorti il y a dix ans, mais tient encore le coup. Il est encore d’actualité. Et j’espère que les morceaux qu’on a enregistré pour le nouvel album seront tout aussi intemporels. Qu’ils resteront pertinents, même quand on ne sera plus de ce monde. Qu’ils conserveront ce pouvoir en eux. Avec un peu de chance, on le sortira l’année prochaine. On devra certainement faire des concerts aussi, mais pour l’instant c’est notre album live, on en est là. Surtout qu’il y a eu quelques changements depuis, Gil Sharone a été ajouté au groupe à la batterie. On veut reprendre les choses là où on les a laissées et voir ce que ça donne.

Les Woodstock Sessions sont disponibles en format physique ici et en digital .

John Hill a versé une larme quand il a entendu la nouvelle version de « Your Skull Is Red ». Vous pouvez vous foutre de sa gueule sur Twitter.