Après le confinement relatif du foyer familial et du lycée, l’université offre la première gorgée de liberté – et pour beaucoup d’étudiants, cette liberté a un goût de Whisky. Mais l’alcool ne coule pas exactement des robinets du campus, même si, parfois, on peut le penser. L’alcool est au centre de la vie sociale de nombreux étudiants. Et le binge drinking – soit plus de quatre verres pour les femmes et plus de cinq pour les hommes, le tout en moins de deux heures – est beaucoup plus répandu à l’université que nulle part ailleurs. Dans une enquête récente, les deux tiers des étudiants ont admis avoir vécu une telle beuverie au cours du mois précédent.
Dans ce contexte, il n’est pas toujours facile de savoir à quel moment le comportement d’un ami est passé de l’expérimentation standard à quelque chose de plus sombre. « La consommation d’alcool à l’université est un problème depuis longtemps et les normes relatives à la consommation normale d’alcool peuvent être faussées », déclare Ralph Castro, directeur du Bureau de la politique de la consommation d’alcool et de l’éducation à la Stanford University.
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Bien sûr, le binge drinking et autres formes de surconsommation peuvent avoir des conséquences graves, allant des mauvaises notes aux accidents, en passant par les blessures mortelles. Mais comment repérer les personnes qui ont perdu le contrôle ? Et comment les aider ?
Quels signes indiquent-ils que mon ami a un problème d’alcool ?
La quantité. La consommation d’alcool « à moindre risque » est de maximum 2 verres par jour (1 verre = 10 g d’alcool pur), et pas tous les jours, pour les hommes comme pour les femmes. Selon le psychologue clinicien Kevin Gilliland, si votre pote a pour habitude de claquer son allocation hebdomadaire en une journée ou en un week-end, c’est bien évidemment problématique.
Le changement. Un changement d’habitudes peut également constituer un signal d’alarme en cas de perte de contrôle. Si la personne commence à faire la fête en semaine, ou à boire seule quelques heures avant que tout le monde ne se retrouve, elle pourrait s’engager dans une voie dangereuse.
Les circonstances. Quelques bières lors d’un match de foot ou d’une soirée en appart ? Jusque-là tout va bien. Quelques bières tous les matins à 10 heures à la BU ou seul dans le dortoir ? Ça commence à être un peu plus inquiétant. Lorsque les gens n’arrivent plus à adapter leur consommation d’alcool aux circonstances, mieux vaut s’alarmer, estime Gilliland.
L’échec scolaire. Oui, la chimie organique, c’est difficile. Mais si votre pote manque tous les cours, rate ses tests et ne fait pas ses devoirs à cause de sa consommation d’alcool, c’est plus qu’un problème académique. « Vous avez un boulot, qui est l’école, c’est pourquoi vous êtes là, déclare Gilliland. Lorsque votre consommation d’alcool commence à nuire à votre travail, de mauvaises choses ont tendance à se produire. »
Le laisser-aller. Vous pouvez constater une détérioration de la santé et du mode de vie de votre ami, explique Amy Sedgwick, conseillère en toxicomanie dans le Connecticut. Il va manger moins bien, dormir plus mal, se recroqueviller sur lui-même ou lésiner sur l’hygiène. Les relations avec sa famille et ses proches peuvent devenir tendues.
Les mélanges. Les dangers de la consommation d’alcool augmentent de façon exponentielle lorsque vous ajoutez d’autres substances, notamment des opioïdes ou des benzodiazépines. Gilliland décrit ces combos comme étant « incroyablement risqués et potentiellement mortels ».
Le black-out. Le black-out n’est peut-être pas rare à la fac, mais il est définitivement très dangereux. Si votre pote ne se souvient pas de ce qui s’est passé la veille ou qu’il se comporte de façon radicalement différente quand il est saoul – s’il se bagarre par exemple –, alors ça devient alarmant, dit Gilliland.
À quel moment faut-il intervenir ?
Comment un ami attentionné peut-il soulever un problème potentiel ? Tout d’abord, si cela vous semble effrayant ou accablant, sachez que vous n’êtes pas seul. « Je suis psychologue clinicien de formation, je pratique cela depuis près de 30 ans et je déteste toujours parler à des amis avec qui je suis très proche et qui pourraient avoir un problème d’alcool », déclare Gilliland.
Mais faites un effort : le fait d’apprendre à gérer les conversations difficiles facilitera les choses à l’avenir. Pour augmenter vos chances de réussir, voici quelques conseils :
Précisez vos objectifs. Avant de dire quoi que ce soit, ajustez votre propre état d’esprit. Vous ne le sermonnez pas, vous ne l’affrontez pas, vous ne faites qu’entamer une conversation. Réconciliez-vous avec le fait que votre ami pourrait ne pas vouloir en parler, dit Gilliland. Mais même s’il vous rejette, peut-être que vos paroles le feront cogiter et l’encourageront à demander de l’aide par la suite.
Choisissez le bon moment. Choisissez un moment calme, où vous ne risquez pas d’être interrompu – et surtout, ne le faites pas pendant ou après avoir bu. « Ayez cette conversation quand votre ami est sobre. Il doit être lucide et capable de comprendre ce que vous dites », dit Sedgwick.
Favorisez le changement. L’usage de la première personne est un peu un cliché thérapeutique en ce moment, mais il permet de désamorcer les réactions défensives. « Au lieu de dire : “Tu bois trop, tu as un problème”, dites plutôt : “Je suis préoccupé par ce que je vois, je m’inquiète par rapport à ce qui s’est passé l’autre soir” », dit Castro.
Citez les faits. Plus vous pouvez apporter de preuves objectives, mieux ce sera. « Tu as trop bu, tu as pris le volant et tu as bousillé ta voiture. » Votre ami ne pourra pas vous contredire, dit Gilliland. Vous pouvez également évoquer le nombre de verres considéré comme « normal » ou à faible risque, un chiffre qui choque souvent même les personnes qui n’ont pas de problème d’alcool.
Appelez du renfort. Si vous et un autre membre de votre cercle social partagez les mêmes préoccupations, ayez chacun une discussion en tête-à-tête avec la personne en question. « Les conversations individuelles ont, collectivement, un impact plus important », déclare Castro.
Proposez des ressources. Certains sites fournissent des stratégies pour reconnaître un problème, obtenir de l’aide ou réduire la consommation d’alcool. (« Ce n’est pas toujours tout ou rien », explique Gilliland.) Si votre ami exprime le désir de se faire aider, vous pouvez le rediriger vers l’infirmerie du campus, un centre d’information ou un directeur de résidence universitaire.
Demandez un suivi (dans les cas extrêmes). Le message peut mettre un certain temps à être assimilé, alors prévoyez du temps avant de donner suite. Toutefois, la sécurité doit être votre priorité absolue. Si l’alcoolisme de votre ami met sa vie ou celle des autres en péril, contactez une autorité de confiance, qu’il s’agisse d’un professeur, d’un assistant ou d’un médecin du campus.
Si les conversations répétées ne changent rien, vous pouvez envisager de contacter les parents ou d’autres membres de la famille. « C’est évidemment une grosse carte à jouer », dit Gilliland, et vous ne déciderez de le faire que si plusieurs amis s’accordent à dire que c’est la meilleure chose à faire. « Vous risquez de perdre cette amitié, ce qui en dit long sur votre sérieux. » Mais souvent, c’est ce qui permet à une personne qui a vraiment besoin d’aide d’en obtenir.
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