Le texte qui suit est le témoignage d’un chef de 25 ans, résidant au Royaume-Uni.
Mon pénis mesure exactement 7,62 centimètres en érection et à peine 2,5 centimètres au repos. Je n’y suis pour rien , je suis né avec. À ma naissance, ça allait encore, ma bite ressemblait à celle de n’importe quel autre bébé : un petit truc rose qui se dandinait sur une grosse paire de couilles. Sauf qu’avec l’âge, elle n’a jamais grandi et depuis, je n’ai jamais rien connu d’autre que mon tout petit oiseau de nourrisson.
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À la puberté, c’est en voyant par hasard le sexe de mes camarades de classe que j’ai compris qu’il y avait un problème avec la taille de mon engin. Disons qu’il n’était pas si inexistant, mais de toute évidence, il était très, très petit. C’est tout de suite devenu un complexe pour moi — une angoisse qui n’a fait que s’aggraver quand est venu l’âge de la puberté. À douze piges, à l’époque où un petit duvet blond commençait à pousser au dessus de mes lèvres, j’ai demandé à mon père de jeter un coup d’oeil à mon bazar :
« – Quoi ? Tu veux que je regarde ton zizi?
– Euh oui, s’il te plaît papa, je crois qu’il y a un truc qui ne va pas.
-D’accord fils, on va regarder ça. Oh, Hum, je vois. Ouais, on va prendre rendez-vous chez le médecin. »
On s’est donc tous pointés chez le toubib : moi, mon père, ma voix qui muait, mon semblant de moustache et mon très, très petit pénis. Le docteur m’a examiné et a décidé qu’on devait faire des examens complémentaires. Il a argumenté quelque chose comme : « Ça devrait être en train de grandir. » À cet instant, je me suis figé, j’étais comme paralysé par la honte : on était en train de parler de la taille de ma bite et mon père était dans la même pièce.
Après une tonne d’examens, les docteurs en sont venus à la conclusion qu’effectivement, ce n’était pas normal. J’ai toujours été un peu en excès de poids et visuellement, cela n’aide pas vraiment, mais la taille moyenne d’une bite en érection, c’est environ 15 centimètres. En dessous de 7 centimètres, on peut officiellement parler de micropénis. La mienne mesure 7,62 centimètres : je suis légèrement au-dessus de la norme. La norme des gens qui ont un micropénis, j’entends. La plupart du temps, cette anomalie physique est repérée dès la naissance. Cela n’a pas été mon cas. Je n’en veux pas à mes parents pour autant, la plupart des bébés ont de tout petits zizis et sûrement que le mien ne devait pas avoir l’air si anormal que cela.
Après avoir été diagnostiqué par un médecin, j’ai beaucoup perdu confiance en moi. Au lycée, pendant que mes potes frimaient en racontant comment ils doigtaient les filles et se faisaient sucer en salle polyvalente, moi, je me disais que ce genre d’expériences ne m’arriverait jamais. Et pourtant, j’avais bien une sexualité et j’éprouvais du désir : j’avais des fantasmes comme tout le monde et je pouvais bander et éjaculer comme n’importe quel ado. Mais quelle fille voudrait jouer avec ma pauvre petite flûte ? Comment allais-je pouvoir un jour satisfaire quelqu’un avec ce minuscule machin ?
Mon problème m’obsédait et il fallait vraiment que je trouve une passion pour parvenir m’évader un peu de ma réalité. J’étais bon en sport, mais en tout bon adolescent pubère et complexé, j’avais une peur bleue des vestiaires. J’évitais de faire du sport en dehors des cours d’éducation sportive obligatoires. À l’école, je trouvais tout le temps un moyen de me doucher et de me changer en me protégeant des regards des autres. Mes amis n’avaient jamais vu mon pénis et je voulais que ça reste ainsi.
Un soir, pendant que les pommes de terre de mon dîner tournaient tristement dans mon micro-onde, j’ai commencé à feuilleter un livre de Jamie Oliver qui appartenait à ma mère. J’ai tout de suite aimé : la façon dont il écrivait sur la bouffe ressemblait à la façon dont n’importe quelle personne de mon entourage s’exprimait. J’ai compris que cuisiner, ce n’était pas de la sorcellerie : il suffisait d’avoir un peu de bon sens et d’être passionné. Si je rencontrais Jamie Oliver aujourd’hui, pas sûr que je le trouve si cool que cela, mais à l’époque noir sur blanc, le type me parlait beaucoup. J’étais en train de lire une recette de bar à la vanille et, comme ça, j’ai décidé que je ferai mon premier pas dans le monde de la cuisine avec ce plat. Quand on est allés faire les courses avec mère, j’ai gaspillé tout mon argent de poche dans l’achat des ingrédients : des filets de bar, quelques gousses de vanille, des piments et ce tout qu’il y avait d’autre dans la recette. Je me souviens avoir écrit la liste complète des ingrédients sur mon poignet.
Un jour en rentrant de l’école, j’ai ouvert le livre de recettes à la page que j’avais soigneusement pliée et j’ai commencé à cuisiner pour ma mère et moi. Au début elle est restée dubitative : « De la vanille et du poisson ? C’est une blague ? ». Mais elle a vraiment aimé. C’est à cet instant que je suis tombé amoureux de la cuisine. J’aimais la concentration que l’acte exigeait, le fait de toucher à tout de mes propres mains, la magie de créer une assiette incroyable à partir de si peu d’ingrédients. J’avais 14 ans et la recette de bar vanillé arrivait comme une grosse prise de conscience : mon destin se ferait en cuisine.
À partir de ce jour-là, je ne me suis plus arrêté de cuisiner : des tagines, des currys, des pièces de viande qui mijotent pendant des heures, des desserts sophistiqués. J’entretenais un vrai rapport obsessionnel avec les épices (il m’est arrivé de renifler un morceau d’anis pendant plus de 20 minutes, juste pour le plaisir). Pour autant, la cuisine ne me faisait pas oublier ce qu’il y avait dans mon slip, mais au moins, elle apaisait toutes ces questions existentielles qui me tourmentaient. J’évitais les pensées négatives du genre : « Je finirai ma vie seul à cause de ma microbite », « Je ne serai jamais un vrai mec » ou « Je ne m’en sortirai pas. » Cuisiner me permettait de m’évader.
J’ai quitté l’école à 16 ans pour faire une formation de cuisinier et ce fut la meilleure décision de ma vie. Inutile de vous cacher que la première chose que je me suis dite, c’est que sous mon uniforme et mes fringues amples d’apprenti, personne n’allait pouvoir se douter de quoi que ce soir concernant la taille de ma bite. Dans ma tête, c’était vraiment quelque chose d’hyper-positif et d’encourageant. Quand j’ai raconté ça à mon père, il a explosé de rire. Mais pour le petit mec que j’étais, tout passait par la bite. C’était un vrai point de repère.
« Personne ne va mater ce qu’il se passe au niveau de ton entrejambe, à moins que tu plaises à quelqu’un. Arrête d’y penser », m’a-t-il dit.
J’ai fait ce que j’ai pu. Je suis rentré à l’école de cuisine, j’ai appris plein de nouvelles techniques et j’ai validé toutes mes matières haut la main. Vers la fin de mon adolescence, je n’avais encore jamais eu de contact physique intime avec une femme — sauf dans ma tête bien sûr — mais c’était quelque chose que j’acceptais assez bien à présent. Ce n’était pas cela qui me définissait. Mon identité, c’était d’être un chef de cuisine.
Une fois mes études terminées, j’ai décroché mon premier boulot dans une cuisine professionnelle (un endroit très cool dans le Nord de l’Angleterre, dont je ne citerai pas le nom). J’étais aux anges : l’ambiance, le rythme, la passion, tout était contagieux. Je ne comptais pas mes heures parce qu’une fois en cuisine, je sentais que j’étais une personne normale et je n’avais plus de problème avec ma virilité. C’était sûrement parce que je devais me sentir plus homme que jamais dans cette atmosphère chargée en testostérone. Quand les autres mecs parlaient de cul et de femmes, je participais volontiers à la conversation. Quand ils se tapaient dans le dos, ils tapaient sur le mien aussi. J’avais fait énormément de progrès depuis l’époque du lycée où je réprimais toute manifestation un peu trop virile par peur d’être « démasqué ». Toute ma vie, j’ai eu l’impression de porter un lourd secret ; aussitôt en cuisine, la peur d’être découvert s’est complètement évaporée.
Et puis à 20 ans, j’ai été embauché dans un très bon restaurant. Mon boss était un vrai tyran qui n’hésitait pas à balancer assiettes et plateaux sur ses employés à chaque fois qu’il y avait le moindre petit truc qui allait de travers. C’était un bébé qui faisait son petit caprice en jetant son hochet sur ses parents à la moindre occasion. Mais à part ça, les types avec qui je bossais étaient géniaux et la bouffe excellente. Après quelques mois d’exercice, je taillais les carottes en julienne avec une précision à en faire pâlir plus d’un. Mes sauces étaient toutes veloutées à la perfection et je préparais les viandes, en particulier le gibier, comme personne.
Découper la viande est devenu l’une de mes occupations préférées. Je crois que quand je viens taper dans une côte de porc avec un énorme couteau bien aiguisé, je me sens vraiment bonhomme. Après avoir passé toute mon adolescence et une partie de ma vie adulte à lutter contre un complexe de virilité, on fait avec ce que l’on a.
J’ai 25 ans maintenant et je travaille dans un restaurant cool, où les employés — presque tous en dessous des trente ans — ont vraiment le soucis de sortir des beaux plats, service après service. J’adore la viande, j’aime utiliser de grands couteaux et j’apprécie l’ambiance de cour de récréation qui règne parfois en cuisine. C’est quelque chose qui me fait énormément de bien car justement, la cour de récréation était un endroit où se cristallisaient toutes mes angoisses à l’adolescence. Il faut croire que la cuisine a transformé ce souvenir affreux en passion. Ici, j’ai pu tisser des liens et créer de vraies affinités avec les gens — c’est quelque chose qui ne m’était encore jamais arrivé.
Je n’ai jamais raconté mon secret à personne au travail. Jamais de la vie. Mais j’ai rencontré une fille. J’ai mis beaucoup de temps avant de me sentir prêt à lui révéler mon secret. Je n’avais jamais parlé de mon problème avec quiconque, à part mes parents ou mon docteur. Mais au fur et à mesure, à la fois par nécessité et par désir, j’ai fini par tout lui raconter.
Il y avait vraiment un truc avec cette fille. Je la trouvais tellement séduisante et attirante, j’avais vraiment envie de partager mon intimité avec elle, de faire comme tout le monde, quoi. Quand j’ai craché le morceau, elle a haussé les épaules en me disant : « C’est une légende ce truc que les femmes aiment forcément les grosse bites. T’étais pas au courant ? ». C’était la meilleure réponse que j’aurais pu espérer : à la fois drôle, directe et sincère. La première fois qu’on a couché ensemble… ça n’a pas duré très longtemps. Aujourd’hui, ça fait un an qu’on est ensemble et, ma foi, elle a l’air plutôt satisfaite. C’est tout ce qu’il m’importe. Aussi longtemps qu’elle sera heureuse et que je pourrai continuer à exercer mon métier de chef, je me sentirai comme un mec, un vrai.