Drogue

Comment se comporter avec les dealers de weed, selon des dealers de weed

Selon l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, la France est le pays d’Europe qui compte le plus grand nombre de consommateurs de cannabis. En 2015, 40,9 % des Français âgés entre 15 et 64 ans déclaraient avoir déjà consommé du cannabis. On peut donc aisément supposer que ce nombre conséquent de fumeurs implique un grand nombre d’interactions avec des dealers de weed – des interactions souvent intéressantes, parfois hasardeuses.

La plupart des dealers cherchent avant tout à vendre leur produit rapidement avant de passer au client suivant. On a demandé à plusieurs dealers de weed de nous faire part des comportements qu’ils réprouvaient – et ceux qu’ils préconisaient – chez leurs clients.

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« Je déteste quand les gens essaient de marchander. Mon produit coûte ce qu’il coûte, et si vous n’avez pas les moyens de vous l’offrir, ne me contactez pas – tout simplement. Aussi, je ne prends que des billets. Un nombre assez surprenant de clients essaie souvent de me refourguer de la petite monnaie.

Après, il m’arrive parfois de faire des prix. Je suis plus coulant avec mes amis, et je propose souvent des prix réduits à quiconque voudrait m’acheter des grosses quantités. Le truc, c’est que certains clients pensent qu’ils auront le droit à des gestes commerciaux si je les connais depuis longtemps. Ça peut m’arriver bien entendu, mais je fixe les conditions moi-même. Inutile de me demander quoi que ce soit : je proposerai un deal plus avantageux quand vous l’aurez mérité. La logique est la même que dans un restaurant : vous n’allez pas demander une réduction parce que vous y êtes allé plusieurs fois. S’ils ont un programme de fidélité, ils vous le feront savoir – et il en est de même pour moi.

En ce qui concerne la communication avec le client, je préfère être clair plutôt que discret. Mes clients ont tendance à être plus paranoïaques que moi. Certains s’entêtent à inventer des noms de code incompréhensibles, et je ne saisis pas la moitié de ce qu’ils essaient de me dire. J’ai déjà reçu un message qui disait : “Yo, est-ce que je pourrais avoir un oignon ?” Un oignon, sérieux ? Qu’est-ce que t’essaies de me dire, mec ? Dis-moi clairement ce que tu veux, et je m’arrangerai ! À part ça, j’ai vraiment du mal avec les gens qui traînent. J’aime bien avoir des échanges amicaux avec ma clientèle, tant que ça ne dure pas trop longtemps. Il y a aussi de grandes chances que je refuse de fumer avec vous, alors n’espérez pas que je vous offre quoi que ce soit après vous avoir fourgué un pochon. Fumez votre propre weed. » Sam*, 29 ans

« Je fais partie d’un service qui est assez réglementé. Pour devenir client, vous devez être recommandé par trois personnes, et nous essayons d’être très vigilants là-dessus. Et si jamais vous devenez membre, respectez la première règle du Fight Club : il est interdit de parler du Fight Club. Ne parlez pas de nous sur Reddit, Facebook, Twitter ou que sais-je encore. Ne donnez pas nos numéros à vos amis, sous peine d’être blacklisté.

Nous tenons une base de données avec le numéro et l’adresse de tous nos clients, afin d’éviter que ces derniers se fassent livrer par un des dealers à une autre adresse. C’est arrivé que quelqu’un fasse appel à nos services alors qu’il était à une fête chez quelqu’un d’autre – au vu des règles précédemment énoncées, vous comprendrez que ce n’est pas une pratique qu’on cautionne.

Pour finir, n’essayez pas de nous arnaquer. On peut bien sûr vous fournir des produits de meilleure qualité à prix réduit si c’est tout ce qu’il nous reste, mais c’est relativement rare. Josh*, 28 ans


« En tant que dealeuse, certains clients pensent que je suis plus vulnérable. Pour être franche, je n’ai vraiment pas peur de mes clients. Bizarrement, j’ai déjà eu des problèmes avec des femmes qui semblaient nourrir une obsession malsaine pour moi. Une de mes clients semblait prête à tout pour devenir mon amie – elle m’achetait des quantités indécentes de weed et m’offrait plein de bijoux vintage. Elle était objectivement adorable, mais c’est devenu envahissant.

Beaucoup de gens me demandent aussi s’ils peuvent me payer plusieurs semaines après avoir reçu leur dose. Je ne réserve ce traitement de faveur qu’à mes amis les plus proches, mais certaines personnes insistent pour que je sois plus conciliante. Le problème, c’est que je pourrais facilement me perdre si je faisais ça avec tout le monde.

J’en ai aussi marre des clients qui m’appellent à des heures impossibles. Je dors la nuit, comme tout le monde. Je n’apprécie pas spécialement le fait de me faire réveiller par quatre appels manqués et 16 textos désespérés. J’ai coupé les ponts avec de nombreux clients agissant de la sorte. De même, si je vous dis un vendredi que je suis en rupture de stock jusqu’au lundi suivant, cela ne servira à rien de me harceler le samedi, le dimanche et le lundi matin.

Je ne vends que de la weed, mais on me demande parfois si je connais des gens qui vendent des drogues dures – sauf que je n’ai aucune envie de m’impliquer là-dedans. À ce titre, je suis souvent embarrassée quand on me demande si je coupe ma weed avec des produits plus puissants. Bien sûr que non, et ce n’est pas ma faute si vous n’arrivez pas à encaisser ses effets. » Lilly*, 21 ans

« Je préfère être contacté en journée, que ce soit pendant la semaine ou le week-end. Comme tout le monde, ma vie ne se résume pas à mon job. Personne n’a envie de se faire réveiller dans la nuit par un client – et je raccroche systématiquement quand quelqu’un m’appelle à ces heures-ci. Sinon, beaucoup de clients rechignent à me payer en cash – c’est une grosse perte de temps pour eux et moi.

Ensuite, essayez de faire preuve de patience. Il peut m’arriver d’être en retard, mais je ferai toujours de mon mieux. Ne vous attendez pas à ce que je sois toujours ponctuel, et évitez de me demander huit fois à quelle heure je pense arriver. » Antonio*, 26 ans

Caroline Thompson est sur Twitter.

* À la demande de nos interlocuteurs, les prénoms ont été changés.