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Comment Snapchat a remplacé la TV chez les jeunes

La première fois que j’ai vu cet étrange sketch de la comédienne Amy Schumer, c’était dans Snapchat. L’application, extrêmement addictive et très populaire chez les adolescents, est remplie de clips divertissants destinés à vous river les yeux à l’écran pendant des heures. En plus d’avoir causé de nombreux accidents de voitures et d’avoir permis à DJ Khaled d’accéder à la célébrité, Snapchat est en train de devenir une sorte de complément aux programmes TV. De plus en plus de chaines ont décidé d’héberger des vidéos originales sur l’application mobile, qui prouve une fois encore qu’elle est à l’avant-garde du contenu. Pour de nombreuses marques (en particulier celles qui ont les Millenials pour cible démographique), Snapchat est la nouvelle TV mobile.

Crédits : François Detwiller

« Il y a 50 ans, on n’aurait jamais cru que les gens auraient un jour une petite TV dans leur poche », explique le CEO de Snapchat, Evan Spiegel, à l’occasion d’un clip publicitaire scripté.

Videos by VICE

« Je crois fermement que l’objectif principal de Snapchat est de devenir un support télévisuel complet qui tient dans votre poche », explique l’expert Mark Kaye. « La façon dont ils ont commencé à produire et distribuer du contenu est très similaire aux réseaux de télévision traditionnels – la plupart de leurs partenaires sont des chaines de télévision qui veulent à rester dans le coup et plaire à un public plus jeune. »

Comedy Central propose neuf nouvelles séries sur l’application, dont « Quickie with Nikki », un talk-show à thématique sexe présenté par la comédienne Nikki Glaser. Son segment Snapchat hebdomadaire est complémentaire de son émission de télévision « Not Safe with Nikki Glaser », au cours de laquelle elle a, par exemple, demandé à son père s’il avait déjà pratiqué le sexe anal.

Ces shows sont courts (une minute) pour une bonne raison :

« Les fans embarquent leur téléphone dans leurs déplacements, et s’attendent à ce que les vidéos soient fun et pas trop longues », a déclaré Deb Puchalla, vice-présidente du développement de contenu pour Food Network.

« Nous avons tendance à faire ça de manière plus relâchée et par conséquent, notre vidéo a un côté désinvolte, qui plait aux utilisateurs », ajoute-t-elle.

Puchalla a récemment lancé une série Snapchat sur la santé et le bien-être, « Feel Good with Hannah », présentée par Hannah Bronfman, co-fondatrice de l’application Beautified. Ils ont également lancé « Bytes Budget », un show qui donne des conseils sur la gestion de budget, avec l’auteur de livres de cuisine Beth Moncel qui concocte des recettes appétissantes avec les restes de la veille.

Snapchat, l’application de messagerie éphémère qui supprimait tout son contenu toutes les 24 heures, a donc bien changé. Co-fondée en 2011 par Evan Spiegel, Bobby Murphy et Reggie Brown de l’Université de Stanford, elle est devenue l’une des principales applications pour smartphone avec 100 millions d’utilisateurs quotidiens et 8 milliards de vues vidéo par jour. 70% de ses utilisateurs ont moins de 34 ans : il s’agit là d’un segment démographique qui a abandonné la télévision au profit du streaming.

En plus du partage de vidéo et snaps photo à un groupe de contacts personnalisé, l’application possède une section « Découvertes » avec du contenu exclusif proposé par leurs 19 partenaires médias.

Crédits : François Detwiller

Depuis janvier 2015, des marques comme MTV, The Wall Street Journal et VICE publient des stories quotidiennes sur la plate-forme, à raison de plus de 70 millions de vue chaque mois.

Les annonceurs aiment bien l’idée que Snapchat s’adresse à un public plus large et plus jeune que la télévision. Selon une étude Nielsen, Snapchat atteint 41% des 18 à 34 ans vivant aux États-Unis, ce qui est beaucoup plus que les 15 meilleurs réseaux de télévision américains (qui atteignent seulement 6% de ce segment démographique).

« Lorsque nous parlons aux éditeurs, ils nous confient pour la plupart que leur canal Snapchat est leur canal le plus actif », déclare Ryan McConville, à la tête des opérations et président de l’agence de publicité mobile Kargo. « Cela dit, la plupart des gens utilisent Snapchat pour regarder le contenu publié par leur cercle social, puis, une fois qu’ils sont là, jettent un coup d’œil au contenu commercial. »

Un représentant Snapchat a refusé de répondre à nos questions sur la somme que payent les médias partenaires afin d’apparaître dans l’application. Selon certaines rumeurs, ces partenaires vendraient des publicités pour Snapchat, qui récolterait 30% des bénéfices.

« Le modèle de revenus de Snapchat est très similaire à celui de la diffusion télé traditionnelle ; ils attirent des millions d’yeux sur une série de snaps, glissent quelques pubs entre deux vidéos, et facturent la pub au prorata du nombre de vues », explique Kaye.

La grande inconnue, c’est le nombre total de gens regardant les vidéos des chaines Snapchat. Leurs partenaires médias ne sont pas autorisés à publier ces chiffres en raison d’un accord de non-divulgation. Mais certains arguent que les chaines les moins populaires chez les Millenials sont National Geographic et ESPN, tandis que les plus regardées seraient BuzzFeed et Comedy Central.

« Il faut arrêter de penser à la TV et à sa stratégie. Elle était valide dans les décennies précédentes, mais ce n’est plus le cas », ajoute McConville. « Les vidéos que nous regardions à la télé étaient constituées de programme de 30 ou 60 minutes ; aujourd’hui, les jeunes regardent des vidéos qui durent de 10 à 30 secondes maximum. Pour eux, il n’y a plus de TV traditionnelle. La TV, c’est Snapchat. »