Il y a autant de méthodes différentes pour traverser les fêtes de fin d’année en étant végétalien que de raisons de ne pas manger de viande ni de sous-produits animaux (oui, même du miel), voire de ne porter ni laine ni cuir et de boycotter les cirques qui exploitent des grands fauves. Certaines tactiques sont plus indolores que d’autres. Que vous ayez déjà planifié de mettre vos convictions sur pause ou que vous hésitiez encore à profiter des fêtes pour faire passer un message, vous allez comme tout le monde piocher dans ces ingrédients pour faire votre propre sauce. On a demandé aux principaux concernés de nous raconter ce qu’ils vivent entre le 24 décembre et le 2 janvier, et comment il est possible de s’en sortir en fonction de vos objectifs.
Si vous faites surtout attention à votre santé
« Je suis végétarien au quotidien, mais je mange aussi peu de produits laitiers et d’œufs, j’évite de manger trop gras ou trop sucré et je bois beaucoup d’eau », précise Thomas, la vingtaine, graphiste freelance à Paris. Au traditionnel réveillon de Noël dans sa famille d’origine portugaise, il s’est quand même servi dans les farandoles de plats à base de viande. Une méthode que vous pouvez choisir, mais qui risque de vous rendre irritable, ballonné, exténué, nauséeux et migraineux. Ou alors, vous expliquez à vous parents que les légumes, céréales et légumineuses ne sont pas synonymes de carences et de maladies (contrairement à la viande rouge, notamment). Chiara, étudiante expatriée, et végétalienne intransigeante depuis 2012, retourne en famille en Italie chaque année : au départ, ses parents carnivores « ne pouvaient pas comprendre ce qu’[elle] pouvai[t] manger pour remplacer » les produits animaux, et les discussions étaient essentiellement diététiques. Maintenant, ils comprennent qu’elle se porte toujours aussi bien.
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Si vous êtes du genre à abdiquer
La dimension sociale d’un repas partagé et la découverte des traditions culinaires locales (rarement végans) sont irremplaçables. Malgré tout, vous estimez peut-être que l’élevage industriel est un des facteurs importants de dégradation de l’environnement. Jérémie, doctorant en sciences sociales à l’EHESS et fervent écologiste, estime qu’il faut faire avec le monde qui vous entoure. « L’année dernière encore, j’arrivais à être vegan chez moi, à Berlin, par exemple, où l’on trouve du tofu en grande surface, raconte-t-il. Et puis j’ai passé Noël avec la famille de ma copine en Pologne, et là c’était viande sur viande. J’ai repris à ce moment-là. Les efforts individuels ne sont pas la solution, comme dans la lutte contre le capitalisme [intimement liée à celle contre l’exploitation des animaux non-humains, ndlr] ». Au pire, vous pouvez toujours (si vous avez le choix) sélectionner avec soin le coin où vous passerez les fêtes.
Si de toute façon vous ne mangez déjà que de la salade le reste de l’année
« Dans la ferme familiale, le menu depuis trente ans c’est un sanglier chassé par Roger, un canard capturé par Dédé et une oie gavée par tata », présente Camille, administratrice de cirque âgée de 25 ans qui redescend dans le sud en fin d’année. « C’est mieux que rien parce que ces animaux étaient sauvages jusqu’au dernier moment. Mais ça ne résout pas le problème qu’ils sont des êtres sensibles qu’on tue pour le plaisir [gustatif, en l’occurrence, ndlr]. » Dans le squat militant qu’elle occupe à Bruxelles, elle a « peu de cohabitants carnivores et même les invendus alimentaires récupérés sont surtout végétaux ». Son conseil est de vous laisser traiter d’ado chiant (peu importe votre âge), de ne pas exiger d’être pris au sérieux (ce qui n’arrivera pas spontanément, pas d’inquiétude) et de vous contenter des patates et haricots verts en accompagnement. Évitez aussi de ramener votre fraise avec la déclaration de Cambridge sur la conscience des animaux signée en 2012 en présence de Stephen Hawking, et il y a de grandes chances que la quantité de légumes augmente d’année en année.
Si vous tenez à bien manger et que vous êtes un super cuistot
Vous vous préparez toujours votre petit plat dans votre coin en portion individuelle et vous l’apportez triomphalement à table. Le must reste de convaincre votre entourage, par l’exemple. Théo se présente comme vidéaste freelance, végétarien depuis trois ans et végétalien depuis deux, avant tout au nom de « la condition animale », puis de l’écologie. Il est le premier de sa famille à avoir passé le cap, quand sa copine a fondu en larmes sous ses yeux, un lapin mourant dans les bras. Depuis, il prépare des houmous et des dhal de lentilles maison à chaque repas, à en faire baver d’envie ses parents. Cette année, sa mère a emprunté un livre de recettes vegans à la bibliothèque, pour l’inspiration. Vous pensez peut-être qu’avec vos proches, ça ne marchera jamais parce qu’ils attaquent les rillettes au petit-déjeuner sur du pain grillé, mais ça vaut le coup d’essayer. Et puis si vous choisissez (à tort) de quitter votre 30m² partagé avec 5 colocs dans le XIXème, vous aurez même la place d’organiser le prochain réveillon à domicile, en zone interdite au saucisson.
Si vous devez en venir aux mots ou si on ne vous laisse pas le choix
À 33 ans, Alexandra Blanc est cadre chez un fabriquant de panneaux solaires et porte-parole de l’association Vegan Impact. « Comme [s]es proches ne sont ni ouvriers d’abattoirs ni bouchers », elle met personnellement son militantisme sur pause pendant les fêtes. Mais reconnaît que ce n’est pas toujours possible, surtout pour les nouveaux vegans avec qui elle discute quotidiennement, outrés par leurs découvertes récentes et incapables de se retenir.
De toute façon, que vous deviez vous taper 1 500 km pour retrouver vos grands-parents (alors que les falafels maison survivent mal aux longs voyages en soute), ou que vous ayez simplement le malheur de répondre « non merci » à tonton Gérard qui vous agite une côte de porc sous le nez, il est probable que tout le monde se mette à vous demander des comptes de manière plus ou moins virulente. Il paraît que c’est une question de culpabilité et de dissonance cognitive, et il arrive que ça pousse au suicide.
Si vous festoyez chez des carnivores purs et durs
Si vous êtes épuisés, à court d’arguments mais encore et toujours contrés par un ricanement ou un soupir, il reste le plan B. Vous pouvez esquiver assez facilement les débats malaisants en redirigeant la conversation sur une cible encore plus vulnérable (comme un cousin qui a arrêté le lycée, un oncle qui trompe sa femme ou un grand-frère en prison). Moins sournois, vous pouvez aussi subtilement créer un autre point chaud :
« – Tiens Léo, tu ne veux pas d’intestins de porcs remplis de sang fermenté [saucisses, ndlr] ?
– Je comprends que tu m’en proposes, mamie, vu ce que ça a dû te coûter en taxes. Ça a encore augmenté, cette année, le boucher, non ? »
Ou encore :
« – Émilie, tu n’as pas touché à ta tranche de bébé mouton arraché à sa maman quelques jours après sa naissance [agneau de lait, ndlr] ?
– C’est parce que je suis outré par le passage aux 80km/h imposé par le gouvernement pour nous voler nos économies en prétextant que ça réduit la mortalité sur les routes, ça me coupe l’appétit. »
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