Dom Prokop Diviš, un inventeur tchèque né le 26 mars 1698, n’aimait rien tant que choquer les gens – au sens propre comme au sens figuré.
Souvent présenté comme l’équivalent européen de Benjamin Franklin car les deux hommes ont inventé le paratonnerre presque au même moment, Diviš acquit sa fascination pour l’électricité alors qu’il était théologien dans une paroisse de Moravie, à Přímětice. Sa tendance à électrocuter des plantes et à construire des “machines à météo” artisanales dans son jardin lui valurent une réputation d’excentrique auprès de ses contemporains.
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Mais il est aujourd’hui considéré comme le tout premier pionnier de la musique électronique, un genre musical rarement associé au 18ème siècle dans l’inconscient collectif.
En temps que moine, la musique jouait un rôle important dans la vie professionnelle de Diviš. Dès 1730, son double intérêt pour la musique et pour l’électricité l’avait conduit à être obsédé par l’idée de créer un instrument de musique fonctionnant à l’électricité. Et c’est ainsi qu’entre 1730 et 1762 – les sources divergent grandement sur ce point – Diviš dévoila son chef d’oeuvre, qu’il baptisa le “Denis d’or.”
Le Denis d’or était un instrument doté d’un clavier et de 790 cordes en fer positionnées de manière à être frappées comme les touches d’un clavicorde plutôt que grattées comme les cordes d’une guitare. D’après la Cambridge Introduction to Electronic Music, “l’instrument était conçu de telle manière qu’il imitait une vaste gamme d’instruments, parmi lesquels, disait-on, les aérophones“, c’est-à-dire les instruments à vent. D’autres sources indiquent que le Denis d’or était également capable d’imiter les sons d’instruments à cordes, y compris les harpes et les lutes.
Pour élargir la gamme acoustique de l’instrument, Diviš avait bricolé ses cordes en metal – conductrices – pour encaisser une charge électrique à court terme. On ignore comment il était parvenu à galvaniser les cordes, mais il se peut qu’il ait eu recours à une fiole de Leyde, l’un des tout premiers condensateurs de l’histoire, que Diviš utilisait souvent dans ses expériences.
Les historiens ont du mal à dire exactement dans quelle mesure l’électricité modifiait réellement la qualité du son, et de nombreuses sources laissent entendre que Diviš avait surtout modifié le Denis d’or pour jouer de mauvais tours à ceux qui tentaient d’en jouer.
“Le Denis d’or fut le premier instrument de musique électrique, même si elle ne jouait pas un rôle essentiel dans le son produit, écrivait le musicologue belge François-Joseph Fétis dans son ouvrage Biographie universelle des musiciens, paru en 1874. Diviš affirmait que l’interprète pouvait être électrocuté ‘aussi souvent que l’inventeur le souhaitait.’“
Autrement dit, Diviš n’avait pas usurpé sa réputation d’excentrique. À l’instar de son inventeur, le Denis d’or était tout à fait original. Seul un unique prototype de l’instrument a été produit. Après la mort de Diviš en 1765, il a peut-être été vendu à Vienne, si l’on en croit la rumeur ; toujours est-il qu’il a depuis disparu. Je n’ai trouvé aucun dessin ou plan de l’instrument.
Mais son héritage vit aujourd’hui dans chaque solo de guitare, chaque festival électro, chaque improvisation au thérémine. Espérons donc qu’un jour nous verrons le Denis d’or resurgir des entrailles d’une boutique d’antiquités ou de la crypte d’une église, pour nous émerveiller et nous électrocuter à nouveau.