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Corridor vient d’enregistrer le meilleur disque de 2017, de 2018, de 2019, de 2020 et de 2021 (et en 2022, la Terre explose)

Évidemment, vous aurez compris que le titre de cet article est une hyperbole, un genre d’exagération positive, de grandiloquence bienveillante. Car il est techniquement impossible de savoir si Supermercado, le deuxième album des montréalais de Corridor, sera effectivement le meilleur disque des 5 années à venir et qu’aucune donnée scientifique ne peut pour l’instant nous permettre de dire que la Terre explosera précisément en 2022.

Mais si l’on prend le temps de s’arrêter – éventuellement de s’assoir – et d’y réfléchir un instant, on réalisera très vite que parce qu’on ne sait, justement, rien de 2018, 2019, 2020, 2021 ou même de 2022, tout ce qu’on pourra dire au sujet de ces années, à cet instant très précis, sera possiblement faux – et donc possiblement juste, puisqu’on ne peut, de toute façon, pas prouver le contraire. Pour ce qui est de 2017, le problème est sensiblement différent. 4 mois de l’année ont déjà été révélés, bientôt 5. On sait déjà, par exemple, que Camille et François And The Atlas Mountains continuent à sortir des disques sans que personne ne trouve rien à y redire. On peut donc clairement, ouvertement, formellement et sans le moindre doute, affirmer que Supermercado, le deuxième album des montréalais de Corridor, est effectivement le meilleur disque de 2017, de 2018, de 2019, de 2020, de 2021 et même de 2022 (ou tout du moins le peu qu’on en connaîtra, puisque je doute que la Terre explose précisément le 1er janvier à minuit, même si c’est une probabilité à ne pas négliger).

Il est également important de noter que Supermercado est un disque qui s’inscrit parfaitement dans le parcours de Corridor et en représente l’aboutissement logique. Avec Un Magicien En Toi, Corridor livrait en 2013 un single impeccable – seul problème : le disque en question était un EP, ce qui en faisait un ratage prometteur, mais un ratage tout de même. Avec Le Voyage Éternel en 2015, le groupe canadien redressait la barre en proposant un EP aussi impressionnant qu’original – sauf que c’était un album, bourré de fulgurances et de moments d’une pureté intouchable, mais pollué par des digressions qui n’auraient pas dû quitter la salle de répétition.

Avec Supermercado, Corridor réunit de quoi alimenter les discographies de 7 ou 8 groupes aux garanties solides – et pourtant, ce n’est qu’un album, 11 titres à peine (dont un interlude), mais l’affaire est spectaculaire : Supermercado est un disque d’une grâce féroce, absolue, où s’enchaînent avec un naturel confondant, sans rien de trop, des hymnes déguingandés, enveloppés de guitares cliquetant comme des cimeterres moresques, et de toute évidence composés pour célébrer la gloire d’un pays de loups et d’abandon. Un peu comme si le Television de Marquee Moon et le R.E.M. de Murmur s’alliaient pour reprendre le Forever Changes de Love sur le matériel de Sebadoh circa Harmacy, et réussissaient, en reliant ainsi 1977, 1983, 1967 et 1996, à capter ce truc qui fait 2017 – et 2018, et 2019, et 2020, et 2012, et 2022, et toute cette époque impitoyable – et qu’on ne sait pas nommer.

Je pourrais continuer comme ça pendant des pages et des pages tellement il y aurait à dire sur « Coup D’Épée », « Le Grand Écart » ou « L’Espoir Sans Fin », mais je me contenterai de vous rappeler une chose : les Hommes, où qu’ils soient, ont besoin de croire qu’il y a une forme de miracle à l’oeuvre dans le monde, sans quoi, tout est foutu. Et Supermercado fait, très concrètement, partie des choses qui contribuent à ce miracle.

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