Corruption, enquêtes et démission : dure semaine pour les libéraux

Le temps s’est fait doux cette semaine au Québec, mais du côté des libéraux, la clémence de fin avril s’est rapidement transformée en tempête aux saveurs de corruption.

Trois bombes – métaphoriques – ont explosé au sein du gouvernement. Les déflagrations ont été de différentes intensités, certes, mais il sera peut-être difficile pour les libéraux d’en éventer la fumée, qui ces jours-ci prend la forme des spectres du passé.

Videos by VICE

Bombe 1 – Les documents d’enquête qui ont coulé

La semaine a commencé abruptement avec les révélations du bureau d’enquête du Journal de Montréal et TVA Nouvelles.

L’ancien premier ministre Jean Charest se trouve au coeur d’une enquête menée par l’Unité permanente anticorruption (UPAC), au même titre que l’ex-argentier libéral, Marc Bibeau. On soupçonne que d’importantes contributions politiques ont été faites en échange de contrats ou de subventions gouvernementales, de 2003 à 2012.

Marc Bibeau est actionnaire de l’entreprise Schokbéton. Il n’agissait qu’à titre de bénévole pour le PLQ, mais il « a été nommé par de nombreux témoins de l’enquête comme celui qui fixait les objectifs de financement du PLQ pour les firmes », explique le JDM.

Les déplacements de Bibeau et Charest auraient été surveillés jusqu’en 2016.

Les journalistes ont en leur possession des documents d’enquête, comme l’organigramme des liens entre les entreprises et le gouvernement, le profil des deux hommes, des témoignages de tiers attestant de leur proximité et la liste de leurs passages à la frontière.

On voulait dans ce dernier cas observer s’ils avaient pu se rencontrer à l’étranger; or, il appert que Charest et Bibeau sont rentrés au Québec à moins de 2 jours d’intervalle à 29 reprises.

L’enquête n’aurait toujours pas fait son chemin jusqu’au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP).

Une trentaine de personnes avaient été surveillées par l’UPAC dans le cadre de Mâchurer, dont l’ex-ministre de l’Éducation Line Beauchamp et l’ancienne directrice du financement du Parti libéral du Québec Violette Trépanier. Cette dernière, tout comme Bibeau, est soupçonnée d’avoir fait le pont entre les entreprises et les titulaires de charges publiques, selon la disposition de l’organigramme des enquêteurs.

Le rôle de Jean Charest n’est en revanche pas défini.

Au lendemain de la publication du reportage, Charest clamait son innocence, tandis que Bibeau se disait « outré ».

Bombe 2 – Obstruction dans le système de justice

La deuxième déflagration s’est produite en ondes, jeudi, lors d’une entrevue avec Paul Arcand.

Le président de la Fraternité des policiers, Yves Francoeur, devait discuter de la mesure du ministre de la Sécurité publique Martin Coiteux visant à imposer le port de l’uniforme complet (exit le « pantalon de clown »).

Questionné sur le coulage des documents de l’UPAC, Francoeur a affirmé qu’il s’agissait d’un « symptôme ». « Il y a un malaise. Il y a de l’obstruction, il y a de l’interférence », a-t-il soutenu.

Il a affirmé qu’une enquête criminelle impliquant deux députés libéraux (dont un toujours membre du caucus) n’avait toujours pas abouti à des accusations, et ce même si elle date de 2012. Un promoteur immobilier lié à la mafia italienne est aussi en cause. Il y est question de fraude, trafic d’influence, modifications législatives en retour de contribution au parti libéral.

Quelqu’un de haut placé dans le système judiciaire, un supérieur des procureurs bloque le dossier, allègue Francoeur.

« Il y a de la filature. Il y a de l’écoute électronique. Il y a tout au dossier pour procéder. […]. C’est pas des policiers, c’est des intervenants du système judiciaire qui me disent “Yves, peux-tu faire quelque chose? Ce dossier-là, si c’est pas deux élus libéraux, les accusations sont déjà déposées à la cour.” »

Il n’a pas identifié les personnes visées par l’enquête. De son côté, le DPCP affirme n’avoir jamais eu en main les documents en question.

Bombe 3 – Départ de Sam Hamad

On a ici affaire plus à un pétard qu’à une bombe, mais dans le contexte, disons que ça n’améliore rien.

Toujours jeudi, l’ex-ministre du Travail puis président du conseil du Trésor (mieux connu comme célèbre inventeur de la roue à trois boutons), Sam Hamad démissionne de ses fonctions.

Il a démissionné du Conseil des ministres à la suite d’un reportage d’ Enquête. On y avait mis en lumière des liens étroits entre Sam Hamad et Marc-Yvan Côté, un ancien député et ministre libéral, et jusqu’à récemment vice-président du conseil d’administration de Premier Tech.

Les courriels obtenus par les journalistes de Radio-Canada indiquent « que le ministre Sam Hamad était une source d’information stratégique et faisait avancer les dossiers de Marc-Yvan Côté au gouvernement. »

Marc-Yvan Côté a été arrêté pour fraude le 17 mars 2016, en même temps que 6 autres personnes, dont l’ex-vice-première ministre Nathalie Normandeau.

Sam Hamad laisse à Québec le comté de Louis-Hébert vacant, assurant que les récentes révélations n’avaient rien à voir avec sa démission.