Culture

Culture Street 3.0

IS IT OVER YET

« La magie de la rue est son mélange d’errance et d’épiphanie » écrit Rebecca Solnit dans Wanderlust: A history of walking.

Le magazine i-D s’est toujours passionné pour la culture des rues, pour les multiples couches, lieux, personnalités et courants qui s’y croisent. Aujourd’hui, dans un monde globalisé et dématérialisé, les lieux de rencontres, de déambulation, et les multiples clans et courants se sont importés sur le web. Ne peut-on pas lire dans ce dernier une sorte de ville mondialisée avec ses boulevards (Google, Facebook), ses grands magasins (Net à Porter), ses lieux de dragues (Tinder), ses ruelles sombres (le deepweb et le darknet), ses quartiers avant-garde (le E-zine engagé Manifesto XXI)?

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Si l’on s’y promène (on parlait bien de surfer internet à une époque), on voit naitre des tendances, des regroupements, des expressions, des lieux de protestation qui sont venus remplacer la culture street d’antan. Voici un panorama de la culture émergente, alternative et urbaine, façon 3.0.

La sous-culture Cottagecore

https://vm.tiktok.com/cSyNLM/

Présente sur Tumblr, Instagram et TikTok, cette communauté se passionne pour la nature, la vie pastorale, une vision idéalisée d’une vie faite des tartes aux pommes, de figurines en céramiques de daims, de jardins fleuris. Dans la même vague, on distingue aussi des communautés comme Fairycore (ou tout n’est qu’univers de fées papillonnantes) ou encore Goblincore (inspiré par le Seigneur des anneaux). Là, un idéal du passé non-industriel et onirique est retranscrit, paradoxalement peut-être, en ligne, pour mêler avancées technologiques et nostalgie.

Les galeries d’art avant-garde 3.0

https://www.instagram.com/p/B-UEPgBD3A2/

On peut penser à l’art de Andy Picci qui détourne les filtres et les effets Photoshop pour créer des oeuvres qui subliment tout en dénonçant les paradoxes de la culture web. L’utilisation d’un site internet comme une galerie contemporaine apparait aussi dans des projets entre illusion d’optique et oeuvre digitale « Falling Falling », qui donne l’impression de tomber et « Cross Divisions » de flotter dans un espace géométrique en 3D. La preuve qu’une expérience peut-être aussi immatérielle que réelle.

La tribu des Softbois

Le softboi appartient à un courant de garçons doux, sensibles, qui refusent tout moule Alpha-Male. Il n’a pas peur d’utiliser l’émoji “larmes” sur iMessage ou d’exprimer ses faiblesses; il aime la nature, Bukowski et parler de ses sentiments. Descendant de la tribu de E-boys sur TikTok, il raconte une génération masculine qui refuse les carcans macho faits norme et idéal pour les hommes, vers une sorte de Emo des internets.

Le street art des memes

Affichés sur Instagram et Facebook, les memes sont devenus des formes d’art populaire qui parlent de leur époque dans des lieux de rencontres communs, sorte de street art réactualisé. On peut penser aux créations en bilingue hilarantes de Yugnat ou encore à Macron Ressemble, offrant une critique du système et de ses puissants.

L’esthétique baroque post-minimale

Les couleurs explosives et les formes organiques du collectif Morph, les motifs et matériaux à la fois naturels et urbains de Carolin Giezner et Théo Demans, les chaises aux allures humaines d’Anna Aagaard Jensen: un courant de designers conceptuels refusent l’ascétisme du minimalisme qui domine depuis plus d’une décennie et va vers un surréalisme grandiloquent, sensible, des plus baroques. Un mouvement contraire à l’épuration ergonomique d’Internet.

La culture du moche

Qu’il s’agisse de chaussons en pain, de chaussures dont débordent des champignons, d’une combinaison impression muscle, le moche revendiqué apparait sur nombre de plateformes, de Ugly Design à la Gazette du Mauvais Gout en passant par Weird Shit You Can Buy. Et dénonce la tyrannie autant que la popularisation filtrée et photoshoppée du beau et du bon gout des réseaux sociaux.

La passion pour le random

En réaction à l’hyper-ciblage d’internet, nombre de sites proposent des choses qui n’en commun que de n’avoir rien en commun. Les sites Mix ou Weird or Confusing sont des destinations où peut trouver des choses parfaitement, glorieusement, inutiles comme des lunettes ou sont incrustées un mini terrain de basketball. On peut presque y lire une poésie de la futilité.

Les anti-Facebook et Google

Nombre de personnes craignent – à juste titre— que les applications dominantes cannibalisent leurs informations privées. On voit naître des sites alternatifs comme le réseau social Ello, les moteurs de recherche sécurisés comme Creative Commons ou Search Encrypt qui garantissent que nos activités restent privées. Une voix alternative au sous-texte politique assumé.

Les utopistes

Les designer Andrès Reisiner et Alexis Christodoulou ou encore le collectif Six’n Five imaginent des espaces en 3D teintés de couleurs pastel, aux formes arrondies, avec des fleurs et des cascades d’eau à n’en plus finir – le tout exécuté par et pour un univers digital, visant une utopie qui contre le brutalisme des sociétés post-industrielles.

Les Finster accounts, Zorro du web

Qu’est-ce-que Justin Bieber, Demi Lovato, Ariana Grande, Cara Delevingne et Bella Hadid ont en commun? Un compte Instagram Finster (ou Finsta), comptes cachés ou ils dévoilent leur vrai visage, que les fans cherchent à tout prix. Revenir à l’anonymat pourrait être vu comme le plus grand signe de rébellion à une époque où la visibilité est le maitre mot ?

Le clan des sceptiques

Le site Darwin Times compiles les théories de complots ; Simulation Argument s’entête à nous expliquer que nous n’existons pas vraiment mais vivons dans une sorte de monde à la Matrix bien ficelée; Angel Heaven est un site qui nous propose de quitter la terre, persuadée que cette dernière va s’autodétruire. Contrairement à la vision utopique citée plus haut, cette frange marginale voit dans le web une façon de dépasser les contraintes physiques pour mieux s’affranchir du monde qui nous entoure.