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Interview

Une discussion avec Bruce Campbell, le héros en col bleu de Hollywood

Le légendaire acteur nous a parlé de son nouveau livre, de la saga Evil Dead, et de la comédie horrifique en général.
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
bruce

Adolescent, j'ai emmené ma copine voir L'Armée des ténèbres, troisième opus de la saga Evil Dead. J'ai essayé de lui vendre l'idée au mieux, allant jusqu'à mentionner le fait que Stephen King a qualifié le premier Evil Dead de « film d'horreur le plus férocement original de l'année 1982 » et lui ai répété qu'elle allait avoir une peur bleue. Mais quand le film a commencé, elle s'est mise à rire de manière hystérique, presque soulagée de voir que le film s'apparentait plus aux Monty Python qu'à Shining.

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La formule comique de la saga a valu l'affection des fans pour le personnage principal, Ash, brillamment interprété par l'acteur Bruce Campbell. Il a depuis fait carrière dans les films et séries de « genre » – pas seulement en tant qu'acteur, mais aussi en tant que réalisateur et producteur. Campbell est un homme de la Renaissance moderne – de même que le favori des fans, en particulier depuis qu'il a de nouveau endossé le rôle du célèbre Ash dans la série Ash vs Evil Dead.

Il y a quinze ans, Campbell a rédigé ses premiers mémoires, If Chins Could Kill ; cette semaine, il publie la suite, Hail to the Chin: Further Confessions of a B Movie Actor. Je lui ai passé un coup de fil afin de savoir s'il se doutait que les films Evil Dead allaient être le point de départ de son succès, comment il s'y prend pour intégrer de la comédie dans l'horreur, et ce que ça fait de rencontrer ses fans aux quatre coins du monde.

VICE : Lorsque vous avez accepté de jouer dans Evil Dead, vous doutiez-vous que la saga allait devenir aussi emblématique ?
Bruce Campbell : Non, car nous ne pensions pas pouvoir terminer le film, sans parler du fait qu'il soit revisité 35 ans plus tard. Nous avons commencé le projet avec 85 000 dollars, que nous avons dépensés dans son intégralité. Nous sommes partis tourner dans le Tennessee. Nous n'avions pas vraiment la folie des grandeurs – c'était notre première expérience. Ça a été très difficile et il nous a fallu quatre ans pour arriver au bout.

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Qu'est-ce que ça vous a fait d'avoir le soutien de Stephen King ?
C'était génial. Certains événements nous ont énormément aidés avec le premier Evil Dead. Irvin Shapiro, un distributeur de films old school, a contribué à le vendre dans le monde entier. Puis Stephen King a vu le film à Cannes et a déclaré qu'il s'agissait du film d'horreur le plus férocement original de l'année. On s'est dit, Putain de merde, car à l'époque, dans les années 1980, King était le big boss – le Grand Kahuna. Nous lui avons demandé si nous pouvions reprendre cette citation, ce à quoi il a répondu que nous pouvions l'utiliser à condition d'en mentionner l'année. Cela a encouragé les critiques à montrer plus de sympathie envers le film – le LA Times l'a qualifié de culte juste après ça. Nous sommes éternellement reconnaissants envers M. King.

Les films Evil Dead ont un côté comique assez prononcé. Comment l'avez-vous développé ?
Le premier Evil Dead est comme un mélodrame. Il met en scène des acteurs inexpérimentés qui récitent des dialogues pourris, ce qui suscite quelques rires. Le public a beaucoup rigolé devant le coup du crayon planté dans le tendon d'Achille et a positivement réagi face à l'aspect exagéré de la chose. Evil Dead II a été co-écrit par Scott Spiegel, un grand fan des Trois Stooges – tout comme nous. Nous avons donc intégré plus d'humour et inventé le terme de « splatstick », qui mêle l'horreur et la comédie. Quant à L'Armée des ténèbres – honnêtement, même un gamin de 12 ans pourrait regarder ce film.

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En tant que précurseur du genre de l'horreur, que pensez-vous de l'intérêt continu pour les films d'horreur aujourd'hui ? Quel rôle avez-vous joué dans l'évolution du genre ?
Nous avons aidé à le maintenir en vie. Il y en a eu d'autres avant nous : le génial George Romero, qui est récemment décédé, et Herschell Gordon Lewis, qui a réalisé 2 000 maniaques. Les John Carpenter de ce monde ont ouvert la voie – nous avons simplement essayé de faire des films d'horreur une expérience amusante.

Quand avez-vous décidé de vous lancer dans l'écriture ?
J'ai lu beaucoup de livres écrits par des gens comme Charlton Heston et Judy Garland – des acteurs de série A. La plupart de l'industrie du film est comprise entre les lettres B, C et D. Rares sont ceux qui intègrent la série A. D'un point de vue narratif, je pensais que c'était très sous-représenté. Qu'en est-il de tous ceux qui travaillent sur des films à petit budget, qui ont des carrières merdiques et rencontrent beaucoup de difficultés ? La majeure partie de l'industrie est dans ce cas. Je voulais montrer cet autre aspect. J'avais l'impression que les cols bleus de Hollywood n'étaient pas assez représentés.

Que voulez-vous que les lecteurs retiennent de Hail to the Chin ?
Je souhaite seulement les divertir. C'est censé être une lecture légère – rien de trop sérieux.

Quelles leçons retenez-vous de votre carrière ?
Ne jamais abandonner. Ne pas se laisser abattre. L'industrie n'est pas faite pour les cœurs sensibles. C'est une industrie très difficile – il faut avoir des couilles et la peau dure. Si vous y arrivez, vous avez fait la moitié du chemin.

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Votre livre est sous-titré Further Confessions of a B Movie Actor, mais ne pensez-vous pas être devenu plus qu'un simple acteur de série B ?
Je ne sais pas. Disons un acteur de série B+. Je fais encore tellement de films de série B et de genre. Je n'ai pas renié mes racines au budget serré, et j'espère poursuivre sur ma lancée dans ce milieu. Quand vous ne dépensez pas beaucoup d'argent sur un film, personne ne craque. Mais quand vous dépensez 100 millions de dollars, beaucoup ont des opinions et l'ambiance n'est pas la même. J'espère ne jamais cesser de m'amuser dans mon travail.

Vous rencontrez souvent vos fans. Qu'est-ce que cela signifie pour vous ?
J'adore ça. Ce n'est pas le cas de tous les acteurs. J'ai assisté à une convention au côté d'une grande actrice de télévision – elle a détesté. Elle n'a pas supporté le fait que tous les yeux étaient rivés sur elle en permanence. Les gens voulaient la rencontrer, lui prendre la main, inspecter son déjeuner. Elle était passée au microscope. J'adore ça parce que ça m'amuse. Je donne de l'argent et je fais monter les enfants sur scène. C'est un moment de plaisir. Je ne prends pas ça au sérieux.

Pourquoi pensez-vous que ce qui était considéré, dans le milieu du divertissement, comme étant de « genre » ou « underground » dans les années 1980 est désormais mainstream ?
Nos goûts ont changé. Nous sommes plus tolérants envers les mecs qui courent partout en combinaison moulante pour sauver le monde. Dans notre société actuelle, nous cherchons des héros. Parfois, les grands esprits se rencontrent – les citoyens veulent un héros, le cinéma leur en offre un.

Les films de genre sont plus mainstream aujourd'hui. Regardez tous les films de série A : Batman, Superman, Iron Man. Ce sont pourtant des concepts issus de la série B. Je me fiche de ce que les gens disent – quand un mec se fait mordre par une araignée radioactive, c'est de la série B. Quand un mec se déguise en chauve-souris et vole au-dessus de la ville, c'est de la série B. C'est marrant, mais je ne vois pas bien où ça va mener.

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