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Je suis completiste mais je me soigne

Finir les jeux vidéo à 100% est l'un de mes passe-temps préférés. Malheureusement, c'est un vrai problème.
Image : Motherboard

Il y a plusieurs solutions pour gérer son stress. Certaines sont raisonnables, d'autres dangereuses. Quand je me retrouve dos au mur, j’ai tendance à préférer les options dangereuses. C'est d'ailleurs pour ça que les jeux vidéo ont eu raison de mon premier mariage.

En 2009, alors que le peuple américain venait tout juste d’élire Barack Obama, je mettais 40 heures par semaine dans un boulot de vente qui me tuait à petit feu et j’avais décidé de terminer Fallout 3 à 100%. En théorie, j’avais déjà fini le jeu. Par contre, je ne l’avais pas complètement bouclé. Il y a une différence.

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Finir un jeu signifie suivre l’histoire principale jusqu'à tomber sur le générique. Boucler un jeu à 100%, c'est autre chose : il faut remporter tous les « succès », réussir toutes les quêtes secondaires et récolter tous les objets à collectionner. Il s’agit donc généralement de terminer le jeu principal, toutes les quêtes annexes et une liste interminable de tâches facultatives. Si vous avez déjà joué à un jeu de type sandbox dans le style d’Ubisoft comme Assassin’s Creed ou Far Cry, cela veut dire explorer tous les emplacements de la carte.

Je voulais tout faire à fond dans Fallout 3 et avoir enfin ce sentiment de satisfaction unique que procurent les parties excessivement longues une fois finies. Certains sondages prédisaient que j’y perdrais plus de 120 heures de vie, mais j’étais prêt.

Tout se passait très bien et je prenais beaucoup de plaisir quand, soudain, quelque part dans les égouts de Fort Bannister, je me suis rendu compte que j’avais un problème. J’avais descendu tous les mercenaires de la compagnie Talon, piraté tous les terminaux informatiques et ouvert tous les coffres gorgés d'objets à marchander. Après avoir neutralisé toutes les menaces du coin, j’avais passé une journée entière à transporter mon butin de revendeur en revendeur pour le convertir en capsules de bouteilles, la monnaie de Fallout.

J’avais dépouillé les soldats du Talon de tous leurs vêtements, armes et munitions. Une fois trop chargé, je me téléportais dans une petite communauté, vendais tout ce que j’avais, puis revenais pour trouver encore plus de butin. Je me déplaçais de cadavre en cadavre pour voler leur équipement, le revendre et récupérer de l’argent dont je n’avais pas besoin. Je n’ai aucune idée du temps que j’y ai passé, mais c’était trop. Même pour un completiste, ce niveau d'obsession était excessif.

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Je faisais crapahuter mon avatar dans les égouts quand j'ai décollé mes yeux de l'écran pour observer mon appartement. Je ne savais même pas où était ma femme, j’étais totalement défoncé et j’allais bientôt devoir retrouver ce boulot que je haïssais pour une grosse journée de travail. Et pourtant, j’étais là, devant cet écran lumineux, en train de ne pas m’occuper de mes problèmes. Je me contentais de la petite satisfaction que procure la dopamine, le neurotransmetteur qui fait tourner le système de recompense du cerveau humain. Le kick de dopamine déclenché par l'accomplissement de tâches répétitives dans un jeu vidéo me suffisait.

J’ai une passion pour les jeux vidéo. Ils m’aident bien souvent à me détendre à la fin d’une longue journée. Mais quand la vie devient pénible et que je n’arrive à rien, ce que je fais pour me débarrasser de mon stress en devient souvent la source. Dans les moments difficiles, mon seul objectif est de terminer des jeux vidéo à 100%. Cocher une liste numérique, c'est plus facile que prendre sa vie en main.

Après cette journée, je n’ai plus jamais joué à Fallout 3. J’ai perdu ma femme quelques mois plus tard, j'ai aussi démissionné et débuté une nouvelle carrière. J’aimerais vous dire que je vais mieux.

Mais les scénarios de vie se répètent. Je n’ai pas complètement arrêté.

Chacune de ces icônes représente une activité et pour obtenir 100%, un joueur doit toutes les effectuer. Cette carte me donne chaud. Image: Ubisoft

La plupart des gens peuvent se contrôler. D’autres considèrent les jeux comme un vrai travail. Je fais partie de la deuxième catégorie mais je me soigne. Je suis même à moitié repenti. Soyons clairs : vouloir terminer des jeux vidéo à 100%, ce n'est pas tordu ou profondément néfaste pour la santé.

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Chacun joue à sa manière. Mon problème, c'est qu'il m'arrive d’utiliser les tâches simples du jeu pour ignorer ma vie ou de jouer comme s'il s'agissait d'un boulot. Si je commence à fantasmer sur les façons d’optimiser ma façon de jouer, pour récolter plus rapidement tous les coffres au trésor inutilesdans Assassin's Creed Unity par exemple, je sais que j’ai rechuté dans un type de comportement problématique.

La corvée des 100% est souvent fastidieuse, monotone et vaine. Dans Assassin’s Creed II, les joueurs peuvent rassembler 100 plumes éparpillées sur la carte pour débloquer un achievement unique. The Legend of Zelda: Ocarina of Time contient 200 skulltulas d’or. Dans Grand Theft Auto IV, on peut trouver 200 pigeons à buter. La plupart des jeux en monde ouvert proposent au moins une corvée débile de ce genre. Ça augmente le temps de jeu et incite les joueurs jusqu’au-boutistes (comme moi) à continuer.

« Il y a un sentiment de rendement décroissant quand vous cherchez les trois dernières plumes ou autre chose du genre » m'explique Fletcher Wortmann, auteur de Triggered: A Memoir of Obsessive-Compulsive Disorder, pendant notre entretien téléphonique. L'essai de Wortmann est un portrait intime de son TOC (Trouble Obsessionnel-Compulsif) et un inventaire des façons dont il s’est fait du mal avant de se remettre sur pieds. Les jeux vidéo sont une constante dans sa vie ; un chapitre de l'ouvrage utilise même le jeu Chrono Trigger comme une métaphore de sa vie de l’époque.

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Il comprend que certains joueurs remplissent une liste colossale de tâches à effectuer dans un jeu vidéo pour obtenir ce sentiment inégalé de satisfaction. « D’une certaine façon, c’est un sentiment d’accomplissement, m’affirme-t-il. Si rien ne va dans votre vie, ou si vous ennuyez et que rien ne vous satisfait, il est très facile de s’attacher à un jeu vidéo et de penser : ‘‘Là, j’assure’’. »

Il compare ce comportement à la dépendance aux jeux d’argent ou à l’alcoolisme : « Une fois l’objectif atteint, je peux enfin m’arrêter. Les tâches elles-mêmes ne m’apportent que très peu de satisfaction. C’est juste une question de se débarrasser de ce mini-point clignotant sur la carte. Vous faites les mêmes choses mille fois et elles ne sont pas conçues aussi bien ou ne sont pas aussi intéressantes que la mission principale. Elles n’ont aucun cadre narratif. »

ll est très facile de s’attacher à un jeu vidéo et de penser : ‘’Là, j’assure’’.

Il a tout à fait raison et c’est pour ça que c’est si frustrant d’être un completiste. Pour tous les jeux du type Mario Odyssey, où trouver chaque petit secret est plutôt marrant, il existe des dizaines de jeux comme Assassin’s Creed Unity ou Watch Dogs 2, où explorer tout ce que le jeu a à offrir signifie passer des heures à chercher le moindre petit truc insignifiant sur une carte.

Le principal responsable de ce style de liste est la série Assassin’s Creed, où la carte est souvent criblée de centaines de coffres au trésor pleins de butin inutile et d’argent dont les joueurs n’auront jamais besoin. Ils sont là pour former des points clignotants sur la carte et pousser le joueur à les trouver, c'est tout.

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Pour Wortmann, les gens comme nous se font prendre dans ces cercles vicieux à cause d’un conditionnement psychologique classique. « C’est la façon dont le cerveau humain est programmé, m’explique-t-il. Nous avons du mal à évaluer des récompenses abstraites à long terme plutôt que des courtes et concrètes. »

Selon le psychologue du XXème siècle B. F. Skinner, le cerveau humain est naturellement avide de récompenses rapides mais pas adapté aux objectifs à long terme et abstraits. Lorsque quelqu’un utilise le jeu vidéo pour se détendre, cet enchaînement de récompenses à court terme peut vite devenir une addiction. « Si vous jouez à un jeu et que vous pensez : "Allez encore cinq minutes’", votre cerveau vous transmet de ne pas vous confronter au monde » dit Wortmann.

« Que vous soyez fatigué ou ennuyé par le jeu, son flot de récompenses peut compromettre votre capacité à vous dire "Attends, j’ai passé dix heures par jour sur ce jeu depuis un mois. Ça ne m’apporte absolument rien." Vous n’êtes plus capable d’envisager les choses à long terme. »

Nous sommes au début des études psychologiques sur les effets des jeux vidéo et de la dépendance qu'ils peuvent susciter, mais la science semble cadrer avec les affirmations de Wortmann et mes expériences de junkie vidéoludique.

Il existe un concept psychologique appelé Théorie d’autodétermination. Cette théorie suppose que les humains sont soumis à une hiérarchie de besoins représentés par ABC. A est pour Autonomy (autonomie), nous voulons sentir que nous contrôlons la situation. B est pour Belonging (affiliation), nous voulons nous sentir connectés aux autres. C est pour Compétence, nous voulons sentir que nous sommes efficaces, quoi que nous fassions.

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« C’est assez simple, au fond, m'affirme Doug Gentile, docteur en psychologie à l’Université d’Etat de l’Iowa et chercheur spécialiste des effets des jeux vidéo sur le cerveau humain, au téléphone. Nous sommes profondément motivés à faire des choses qui assouvissent un de ces trois besoins. Au point que si les trois besoins sont assouvis, elles sont encore plus motivantes. Terminer un jeu vidéo assouvit le besoin de compétence. Vous pouvez commencer le jeu vidéo et avoir un sentiment d’accomplissement. Mais vous vous sentez également en charge. Vous tenez une manette qui contrôle le jeu. Vous pouvez décider de ce que vous allez faire. Nous n’avons jamais ce niveau de contrôle dans la vie réelle. »

Gentile pense que si les gens aiment tant les jeux, c’est parce qu’ils sont parfaits pour combler ces trois besoins. « Et ce n’est pas grave, m’explique-t-il. Le problème, c’est que si ces besoins ne sont pas satisfaits dans votre vie de tous les jours, alors le risque d’addiction à ces jeux devient plus accru. »

Gentile me demande de prendre tout ce qu’il dit avec prudence. Il est effectivement en train de conduire une étude sur la dépendance aux jeux vidéo et va publier un article sur le sujet sous peu, mais n’est pas encore passé par l’étape de l’examen par des pairs. Malgré tout, ses conclusions et preuves anecdotiques sont similaires à mes propres expériences. Jouer aux jeux vidéo en période de stress peut créer une dépendance qui transforme les jeux eux-mêmes une source de stress.

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Son étude en attente de publication a suivi deux groupes de 1 000 étudiants d’université de premier cycle. « Nous avons constaté que quand les étudiants affirmaient qu’ils utilisent les jeux comme un moyen de gérer leur stress, cela correspond à des symptômes de dépendance plus importants » dit-t-il.

Il m’explique qu’utiliser les jeux vidéo pour faire face au stress est une stratégie de gestion négative. Ça ne veut pas forcément dire que c’est une mauvaise chose, mais c’est une stratégie qui vous aide à ignorer vos problèmes plutôt que d’y faire face. « Après avoir pris en compte d’autres stratégies de gestion négatives, s’ils choisissent les jeux vidéo, la possibilité de dépendance est encore plus importante, indique-t-il. Choisir les jeux vidéo pour gérer son stress peut vous entraîner sur le chemin de la dépendance. Nous n’en connaissons pas la causalité, mais il est possible que cela crée les conditions d’une dépendance. »

Mon expérience prouve que cette théorie est raisonnable. J’utilise les jeux pour décompresser et éviter de faire face à mes problèmes. Si une liste de tâches est intégrée dans un jeu et facilite ma quête du 100%, je suis les instructions car le temps de jeu est alors rallongé et je peux donc ignorer mes problèmes plus longtemps.

« Si la dépendance aux jeux vidéo est similaire aux autres dépendances, alors le chemin devrait être le même, affirme Gentile. La dépendance aux jeux vidéo commence comme un mécanisme de gestion. Une personne est stressée et choisit un jeu pour souffler un peu. Encore une fois, ce n’est pas un problème. Cela le devient lorsque cette personne n’a aucune autre solution contre ce stress et qu’elle y passe tellement de temps que cela entraîne encore plus de stress parce que sa vie professionnelle et personnelle en pâtissent. »

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Quelque chose s'agite en moi lorsque je commence un nouveau jeu avec une grande carte pleine d'objets à trouver et de quêtes. Je suis surexcité. Je sais que j’ai des heures de succès faciles devant moi, une liste entière de shoots de dopamine à portée de main. Plus les heures passent, plus la monotonie s’installe et je persiste à jouer même si je n’y prends plus aucun plaisir. Selon Gentile, c’est un comportement de dépendance classique.

Un collectible qui ne craint pas. Image: Nintendo

Est-ce que ça veut dire qu'il n'y a plus aucun espoir de m'en tirer ? Suis-je condamné à voir mes loisirs se transformer en problèmes ? Apparemment, la réponse est non. Wortmann et moi avons tous deux développé des mécanismes de gestion pour nous aider quand nos mécanismes de gestion sont devenus toxiques.

Pour Wortmann, il était important de ne pas arrêter les jeux vidéo. Au fond, ils l'ont aidé plus qu’ils ne lui ont nui. Et je pense que beaucoup de gens s’y reconnaissent. Moi, par exemple. « Il est très facile de s’enfermer dans un cercle vicieux avec la dépression et des pensées obsessionnelles, dit-il. Pour moi, une des façons de casser cette tendance est de jouer. Beaucoup d’entre nous ruminent de mauvais souvenirs ou sont angoissés à cause du futur : nous n’avons aucun contrôle sur ça. Jouer peut être une façon utile de briser ce cercle vicieux. Il suffit de se transporter dans un autre monde pour un petit moment. »

Avec l’âge, j’ai appris à utiliser les jeux vidéo pour apaiser mon stress tout en évitant de tomber dans l’engrenage du completisme et autres comportements obsessionnels. Si un jeu ne m’apporte plus de plaisir, je ne m’acharne pas. « Il est extrêmement important de l’admettre, affirme Wortmann. Revenir sur une tâche du jeu, et se dire "Ce n’était ni amusant, utile ou intéressant". Je pourrais vivre une meilleure expérience en commençant un nouveau jeu qu’en effectuant ces petites tâches insignifiantes. »

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Wortmann pense aussi qu'il est possible de soigner des relations d'addiction avec un jeu vidéo. « J'ai eu une expérience intéressante avec Pokémon Go », se souvient-il. Pokémon Go est la version mobile de la célèbre licence de chiens de combat virtuels de Nintendo. Lorsque Wortmann l'a lancée pour la première fois, le completiste en lui l'a dépassé : il a essayé de boucler tous les systèmes du jeu, de capturer tous les Pokémon et de s'acquitter de tous les défis quotidiens débiles pour récupérer le meilleur loot possible.

Pour se titrer de cette boucle, Wortmann a intégré Pokémon Go a sa routine sportive : il sortait courir et dégainait son smartphone pour chasser le Carapuce dans les moments de lassitude ou de découragement. « C'est un parfait exemple d'utilisation productive des jeux comme des distractions », se félicite-t-il.

Wortmann n'a jamais été en aussi bonne santé qu'aujourd'hui. Pour lui, Pokémon Go est partiellement responsable. « Ça a changé ma vie pour le mieux de nombreuses façons, soutient-il. C'est quelque chose que je ne serais pas parvenu à faire sans ce jeu, qui m'avait pourtant bien englué. C'est ironique. »

GTA V. Image : Rockstar

De la même façon, j'ai complètement changé ma manière de jouer aux RPG en monde ouvert développés par Bethesda. Quand j'ai lancé Skyrim, je savais que j'allais me mettre dans le pétrin si je me lançais sans réfléchir. J'avais tout à fait conscience que cette galaxie d'icônes qui miroitait sur la minimap allait me plonger dans un délire completiste similaire à celui que m'avait inspiré Fallout 3.

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Quand je me lance dans un RPG massif du genre Fallout 4 ou Skyrim, je définis les motivations de mon personnage pendant que je décide de ses caractéristiques physiques. Je change ses cheveux, son costume, ses tatouages et, en même temps, je me demande quelle genre de personne il va être et ce qu'il va vouloir. Quand je suis dans le jeu et que j'ai l'opportunité de commencer une nouvelle quête, je me demande ce qu'il ferait. Est-ce qu'il chercherait à remonter à la source de cette rumeur sur la Guilde des voleurs ? Est-ce qu'il préférerait suivre la trame principale ? Tout dépend de ce que j'ai créé dans ma tête.

La première fois que j'ai joué à Skyrim, j'ai pris dix minutes pendant l'introduction du jeu pour concevoir un personnage de Nordique branché survivalisme qui vit dans la nature et évite les villes. Un croquis grossier, certes, mais bien pratique pour guider mes décisions in-game ; grâce à lui, je me suis amusé comme un petit fou et je n'ai pas essayé de finir le jeu à 100% une seule fois.

J'ai fait une deuxième partie dans laquelle mon personnage intègre l'Académie des Bardes et fuit toute confrontation physique. J'ai "fini" son histoire en une dizaine d'heures et je ne me suis jamais lancé dans la quête principale. C'était bien plus amusant que passer 100 heures sur un personnage qui s'acharne à visiter toutes les grottes et finir toutes les quêtes.

Par bonheur, les jeux plus récents titillent moins mon cerveau que leurs ancêtres. Assassin's Creed Origins est massif et rempli de détails inutiles, mais il n'a pas de checklist qui permette de contrôler sa progression. Impossible de savoir à quel point on l'a complété.

The Legend of Zelda : Breath of the Wild est un autre jeu massif, ouvert et gorgé de contenu. Ceci dit, lui non plus ne propose aucun système de contrôle de la progression. Je peux récolter les objets à collectionner mais pas savoir combien il en reste à ramasser. Avec ses centaines de petits secrets et de niveaux rejouables encore et encore, Mario Odyssey pourrait être un cauchemar pour completiste. Cependant, récupérer les lunes est amusant et agréable. Leur courir après n'est jamais une corvée.

« Vous n'êtes pas pris dans une dimension meta qui vous pousse à consulter ces checklists et ces graphiques en permanence, explique Wortmann à propos d'Origins et Zelda. L'expérience s'en trouve plus gratifiante. La pression baisse. »

Cela ne signifie pas que je suis immunisé pour autant. Je suis embarrassé d'admettre que je me suis mis en difficulté avec Star Wars Battlefront II. Je n'aime même pas Star Wars Battlefront II. J'y ai quand même joué pendant des heures. Le système de progression du jeu est constellé de petits achievements qui rendent fous. Tue 100 ennemis en multi, remplis une jauge, débloque une nouvelle arme. Je suis devenu accro en un clin d'oeil et puis, un jour, vers deux heures du matin, je me suis rendu compte que j'avais donné plusieurs heures à un jeu que je n'aime pas pour débloquer une pièce d'équipement dont je me fous.

J'ai désinstallé le jeu dans la foulée. Je ne regrette pas. Je dois rester sur mes gardes. « Il y a toujours cette pulsion, cette envie de décrocher cet ultime objectif, même en sachant que la tâche sera dure et répétitive », rappelle Wortmann.

Pour Gentile, mon problème n'atteint pas le statut d'addiction car il ne perturbe pas ma vie quotidienne. Dans le passé, cependant, elle l'a déjà fait. Le danger rôde. « Je crois, et beaucoup de gens ne sont pas d'accord avec moi, que c'est un problème de contrôle des pulsions, explique Gentile. Vous savez que vous devriez juste allez dormir, mais vous décidez que vous devez vraiment passer un dernier petit niveau. Vous ne pouvez pas contrôler ça. Le problème n'est pas dans le jeu. Le problème, c'est que vous devez gérer cette pulsion. »

J'ai progressé au cours des dix dernières années. J'ai une carrière, je travaille avec des gens que j'aime. La plupart du temps, je peux lâcher un jeu dès que je me rends compte que je l'utilise pour esquiver ma vie et mes problèmes. Par contre, je sens toujours cette démangeaison sous mon crâne. Elle est toujours là, prête à frapper. J'espère juste que la prochaine fois, je saurais reconnaître son oeuvre avant de mettre 20 heures dans un mauvais FPS Star Wars.