NDDL : « Il y a des durs à cuire qui ne viennent pas se faire soigner»
Image : Thomas Girondel 

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NDDL : « Il y a des durs à cuire qui ne viennent pas se faire soigner»

Avec l’équipe « médic », sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.

Hier, mardi 10 avril, la tension est montée d’un cran dans la caravane de l’équipe médicale installée sur la ZAD de Notre-Dame des Landes. Alors que la veille, on n’avait recensé – officiellement – qu’un seul blessé léger côté zadistes, le nombres de personnes est montée à trente en fin de journée. Postée au niveau du Gourbi, à quelques centaines de mètres en amont des Fosses Noires et des Vraies Rouges, celle-ci fournit du matériel de premiers secours, prodigue des soins, accueille, écoute dans une caravane et une ambulance stationnées au bord de la route. Cette dernière, achetée il y a quelques années par des militants n’est pas propre à la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes : elle se déplace au gré des zones de tensions, de Bure à Calais en passant par la frontière italienne. Une quarantaine de personnes s’y relaie chaque jour. Certains vivent hors de la zone – ils sont médecins, psychologues, ostéopathes, secouristes - et sont venus bénévolement prêter leurs compétences aux blessés. D’autres sont zadistes à plein temps. C’est le cas de Gérard, 64 ans et Sarah, 23 ans.

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Une solution bricolée apaise les brûlures de lacrymo. Image : Thomas Girondel.

Cheveux grisonnants attachés, lunettes aux verres jaunes et veste estampillée « médic » sur le dos, Gérard est naturopathe de formation. S’il est plutôt enclin à discussion, c’est qu’il tient à rétablir une vérité : « À la télévision, on explique que tout se passe en douceur. Sauf que sur place, on voit bien que c’est très violent ! Hier, les gendarmes utilisaient un gaz CS. Mais aujourd’hui, ils ont sorti le gaz au poivre et les dégâts sont beaucoup plus importants. Parce qu’il n’y a pas que la brûlure et l’indisposition que l’on ressent sur le moment : il y a aussi les effets secondaires, comme les conjonctivites ou les infections des bronches ». Ayant aussi une formation en biochimie et en biologie, il aide à la fabrication de solutions à base de bicarbonate et de sel ou d’acide citrique : « En jouant avec ces deux solutions, on arrive à neutraliser les effets des gaz. On utilise aussi du liniment néo-calcaire pour neutraliser la capsaïcine, une molécule irritante qui entre en profondeur dans les pores ». Gérard était déjà là en 2012, au moment de l’opération « César ». Parti en 2013, une fois la situation stabilisée, il y est revenu dès les premières tensions. Par conviction, d’abord, et aussi pour renforcer les rangs de ceux qu’on appelle les « médics ».

Nuage de lacrymo sur la ZAD. Image : Thomas Girondel

Et clairement, ce n’est pas le boulot qui manque dans la caravane. Dès midi, une personne touchée au thorax par un flashball et une autre, blessée au pied par une grenade de désencerclement, ont déjà été évacuées sur civière. Et tandis que les explosions se font entendre depuis le médic, Sarah, les cheveux châtains, les yeux clairs et les vêtements marqués par des heures de terrain, raconte l’histoire de cette jeune fille, blessée à la main plus tôt dans la matinée sur le toit de la Chèvrerie. « La police l’a chopée et on l’a vu se faire très violemment tabasser. Ensuite, ils l’ont emmenée, et on pensait qu’ils comptaient la déposer à l’hôpital. Mais on a appris quelques heures plus heures plus tard qu’ils l’avaient lâchée en plein milieu du centre-ville. Elle s’est retrouvée avec une main salement amochée, à devoir aller à pied jusqu’a la clinique de la main ! ». Pour cette zadiste historique, le changement de stratégie est clair. « Hier, la méthode était : gazer à outrance pour faire en sorte que les gens se dispersent et que la police puisse prendre position. Mais depuis ce matin, on se retrouve avec des tirs de LBD et des tirs tendus de lacrymogène à hauteur de thorax ou d’abdomen – ce qui est pourtant illégal ! Et là, ça fait quelques heures qu’on entend péter des GLI F4. A l’intérieur de ces grenades, il y a plusieurs dizaines de grammes de TNT provoquant des espèces de boules de feu. Heureusement pour l’instant, ils n’utilisent pas le lanceur Cougar. »

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Se couvrir le visage : un procédé avant tout sanitaire. Image : Thomas Girondel

Un constat partagé par Gérard : « Hier, on a eu un blessé léger. Ce n’était pas grand-chose. Franchement, on se disait même que si c’était comme ça tout le temps, ça serait bien. Mais aujourd’hui, on voit qu’ils sont vraiment montés en puissance. Et encore, on ne parle que de ceux que l’on a réussi à comptabiliser. Ce matin, j’ai vu une fille brûlée au dos par un palet de grenade passé entre son blouson et ses vêtements, et qui n’est pas allée au médic ». D’après Gérard, pour dix blessés recensés, c’est une vingtaine qui échappe au radar et qui gère le problème directement sur le terrain, avant de repartir sur le front. « Il y en a beaucoup qui finissent par avoir l’habitude de ces situations. Et puis, il y a de vrais durs à cuire, qui ne viennent pas se faire soigner. Souvent, on est obligé d’insister pour qu’ils aillent à l’hôpital ». Soudain, une dizaine de détonations se fait entendre. Placide, Gérard explique : « Ce sont des grenades assourdissantes. Ça peut être mauvais. Si tu es trop près, tu peux avoir des décollements de la plèvre à cause de ça. »

A l'arrière des barricades. Image : Thomas Girondel

En fin de journée, le décompte des blessés montait à trente et le souvenir de Rémi Fraisse était dans toutes les têtes. Ce matin, les affrontements ont repris – alors qu’un pique-nique de protestation est prévu, vers 13h, aux Fosses Noires.

La caravane de l'équipe "médic". Image : Thomas Girondel