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Festivals

Toute la Belgique est à Dour. Toute la Belgique, sauf vous

Séchez vos larmes, ce n'est pas si grave.
Marine Coutereel
Brussels, BE
petit chien triste

Ça y est, cette période de l’année est bel et bien arrivée. Cette période où toute la Belgique se retrouve confinée sur un camping, porte des mini-shorts et court les yeux éclatés en beuglant « Doureuuuh ! ». Votre table favorite au bar du coin restera déserte. Vos appels sonneront dans le vide. Les rares réponses que vous recevrez aux bouées de détresse que vous avez lancées sur les réseaux se ressembleront toutes : « j’suis à Dour mec, sorry ». La fin de semaine s’annonce on ne peut plus mortelle. Ils sont à Dour. Vous n’y êtes pas.

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En toute logique, cette culpabilité qui vous ronge n’a pas raison d’être puisque vous avez forcément une bonne excuse pour être resté sur le quai alors que le reste du pays montait en souriant dans le train-train de la fête. Votre boss n’a, par exemple, pas accepté vos congés car cette fourbe de Sandra vous a doublé sur la dernière ligne droite, faisant valider avant vous son séjour à Corfou lorsque vous posiez tranquillement une pêche aux toilettes du bureau. Ou parce que vous avez jugé plus sage de ne pas dépenser 170 balles pour des choses immatérielles (à savoir : de l’amour infini, des clopes, du soleil, de la musique, de la bière, de la défonce et du vomi). Ou parce que vous vous êtes brisé une côte en tentant d'impressionner la zouz du troisième étage avec un soubresaut en trottinette électrique. Ou parce que vous êtes actuellement coincé dans le Sud de la France à manger des tomates-mozza avec votre belle-famille au bord d'une piscine remplie de guêpes mortes. Ou encore parce que les combitickets vous ont filé sous le nez et sont arrivés tout droit dans les poches des stagiaires de la rédaction. Ou parce que vous avez simplement eu la flemme. Avouez-le. Il existe une multitude de raisons plus ou moins valables. Malgré cela, il y a toujours cette légère mousse d’amertume qui siège au coin de vos lèvres.
Ils sont à Dour. Vous n’y êtes pas.

Cette angoisse, plus connue sous l’acronyme FOMO (fear of missing out) peut à première vue paraître anodine. Cependant, plus les heures vont passer, plus vous la sentirez s’enrouler autour de votre nuque, vous plongeant dans un froid glacial et anéantissant toute potentialité de retrouver un jour l’envie de vivre. Faites le test. Si même cette vidéo dégoulinante de chouterie n’arrive pas à vous arracher un semblant de sourire, il est grand temps d’agir. Car ils sont à Dour. Vous n’y êtes pas.

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Pour faire face à cette fin de semaine mortuaire, deux attitudes. La première est évidemment la plus facile : succomber à l’auto-apitoiement. Lancez votre Quechua 2 seconds dans votre salon, enroulez-vous dans votre sac de couchage, envoyez vos Aïki Noodles dans le micro-onde, décapsulez bière sur bière et déverrouillez votre téléphone. Instagram se chargera du reste. Préparez vos mirettes, car elles vont saigner.

Déferlement de stories de vos potes bien perchés qui s’agitent torse-poil sur Vince Staples ou Salut c'est cool, de reportages amateurs de réveils douloureux dans la chaleur des tentes, de couchers de soleil romantiques sur la plaine, d'exhibitionnisme bien senti sur chaises pliantes au milieu du camping, bières, selfies, bédos, bières, bières, foule en délire, bédos, bières, paires de seins en liberté, bédos, foule en délire, after au camping, cartons, mouvements de danse contemporaine, bières, retransmissions de concerts inintelligibles, bières. Larme à l’oeil, vous regarderez jusqu’au bout ces stories kilométriques et bruyantes qui appuieront un peu plus là où ça fait mal, faisant raisonner votre solitude jusqu’au plus profond de votre 50m2. Facebook et Twitter ne seront pas en reste. Votre doigt ensanglanté qui se traîne sur l’écran demandera un moment de répit, mais, intransigeible, vous le lui refuserez. Ils sont à Dour. Vous n’y êtes pas.

Vous pousserez le vice jusqu’à appeler vos potes. Ceux qui décrocheront le feront uniquement pour vous prévenir en gueulant qu’ils n’entendent rien, car « ils sont à Dour, mec ». Vous verrez s’afficher les pubs des annonceurs qui vous offrent des playlists Spécial Dour, des livestreams, des meilleurs looks, des conseils pour faire votre sac, des reportages, des interviews d’artistes, et vous sombrerez alors lentement dans le babillement incessant de tous les médias du pays, qui, eux aussi, sont à Dour. Vous n’y êtes toujours pas.

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Anéanti, vous pensez à toutes ces futures blagues et anecdotes que vous ne comprendrez pas lorsque, dans un futur proche, vous sortirez à nouveau en groupe. Ceux qui ont été à Dour. Et vous.

La seconde attitude à adopter en cette période sombre, c’est de se résigner en relativisant. Certes, vous n’y êtes pas, ils y sont. Et alors ? Souriez à ceux que vous croiserez avec des sacs à dos et des tentes dans les gares, c’est votre meilleure arme. La positive attitude, quoiqu’il advienne.

Sortez apprécier les rues désertes. Passez votre après-midi devant le Tour de France en mangeant des snickers glacés. Biturez-vous la gueule en solo. Ecrivez un livre. Profitez des soldes chez Weekday et Urban Outfitters quand toute leur clientèle est en train de parader sur le site du festival. Dormez quinze heures d’affilé. Triez vos chaussettes. Lancez le hashtag #notinDour2019. Trouvez-vous des camarades d’infortune. Faites une contre-soirée. Prenez l’air. Allez à la mer. Et promettez-vous de mettre trois euros de côté dès que vous apercevrez le mot Dour dans votre feed. Vous pourriez finir riche avant qu’ils ne soient revenus.

Et pourquoi ne pas appeler votre mère pour passer lui dire bonjour ? Elle est à Dour dans sa putain de festihut pour aller voir Roméo Elvis (elle a un crush) avec son cubi de vin blanc et ses copines du sport ? Passez outre, c’est pas si grave, elle aussi a le droit de s’amuser. Et pourquoi ne pas appeler votre petit frère pour lui proposer un foot ? Il est à Dour pour Moha La Squale ? Alors que ses couilles sont encore aussi lisses que celles d’un petit chiot ? Passez outre, c’est pas si grave, lui aussi a le droit de s’amuser. Si vous avez l’étrange impression d’être un jeune vieux, ou un vieux jeune, restez éloigné de votre téléphone et acceptez-le. La rancœur, c'est comme se pisser dessus, on est tout seul à la sentir. En guise de maigre consolation, dites-vous que vous aurez sans doute gagné cinq ans d’espérance de vie. D’accord, dit comme ça, ça ne fait pas rêver. On en reparle dans trente ans.

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