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Crime

Au moins 47 rebelles désarmés auraient été « exécutés » au Burundi

Nous avons obtenu des photographies difficiles, prises au début de l’année par des témoins locaux qui ont vu les corps de jeunes hommes, présentés comme des rebelles. Certains ont apparemment les mains liées dans le dos.
Image via VICE News

AVERTISSEMENT : CET ARTICLE PRÉSENTE DES IMAGES CHOQUANTES

« Les rebelles sont sortis, un par un ou par petits groupes, ils tenaient leurs armes au-dessus de la tête… Ils les ont emmenés près d'une falaise. Ils ont été attachés. On leur a tiré dessus, tous en même temps. Et puis ils sont tombés… »

Voici les propos d'un témoin oculaire qui rapporte les derniers moments de 17 rebelles qui s'étaient pourtant rendus, et qui auraient selon ses dires été exécutés par la police burundaise et les forces de défense nationale. Ils faisaient partie d'un groupe d'au moins 47 rebelles exécutés au mois de janvier dernier, d'après un rapport de Human Rights Watch publié ce jeudi.

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VICE News a obtenu des images prises par un témoin local. Des images qui montrent les corps de jeunes hommes, présentés comme des rebelles. Certains ont les mains apparemment attachées dans le dos. Sur l'une de ces images, un jeune homme est assis au sol, les mains liées, deux cadavres se trouvent à côté de lui. Sur une seconde photo, apparemment prise quelques moments après, il est mort.

Ces tueries qualifiées d'« extrajudiciaires », c'est-à-dire sortant de tout cadre légal, se seraient produites entre le 30 décembre 2014 et le 3 janvier 2015, après des affrontements entre les forces rebelles de la province de Cibitoke, une zone qui est proche de la frontière avec la région agitée de l'est de la République Démocratique du Congo (RDC).

Ce chiffre de 47 exécutions revoit à la hausse un premier bilan de 17 morts rapporté en Janvier par la BBC.

Des locaux identifient l'homme armé sur l'image comme un membre des Imbonerakure, le groupe de jeunesse du parti au pouvoir, des organisations de défense des droits de l'homme estiment qu'il est responsable de mauvais traitements, ce en toute impunité.

Les rebelles qui s'étaient rendus ont été battus à mort. On a tiré sur d'autres à bout portant. Certains ont été jetés du haut d'une falaise. Des faits rapportés par des témoins oculaires à des membres de Human Rights Watch (HRW). Il a été rapporté à plusieurs reprises que des officiels du gouvernement et des membres de Imbonerakure, la branche jeune du parti au pouvoir, étaient impliqués dans ces meurtres. Sur des images que VICE News a obtenues, un homme est identifié par des membres de la communauté locale comme un membre des Imbonerakure.

Le Burundi est une nation qui est encore en train de refondre une identité nationale à la suite d'un conflit sanglant de 12 ans, une guerre civile sur fond de conflit ethnique, entre la minorité Tutsi et une majorité Hutu.

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Depuis la fin du conflit en 2005, ce pays d'Afrique de l'Est souffre de ce que les Affaires étrangères aux États-Unis décrivent comme : « Une violence politique de niveau bas…Une extension de la guerre civile du Burundi. »

On ne connaît toujours pas l'identité du groupe impliqué dans les conflits de janvier. Toutefois, ils auraient eu pour objectif de créer une base dans la forêt de Kibira, juste à la frontière avec la RDC, et avec pour but de lancer une attaque sur le gouvernement dans la capitale de Bujumbura.

La région du Sud Kivu, en RDC, à la frontière avec le Burundi, est un foyer pour des milices, nombre de ces groupes sont constitués de forces burundaises qui ont été contraintes à l'exil après avoir perdu la guerre civile. Le peu de contrôle étatique dans la région en fait un endroit parfait pour les groupes rebelles.

La Force de défense nationale du Burundi a indiqué à la presse via son porte-parole, que cinq jours de combat ont fait 95 morts du côté des rebelles. Deux soldats et deux civils sont morts. Neuf rebelles ont été arrêtés. En revanche le porte-parole a nié toute exécution.

Le Colonel burundais Gaspard Baratuza avait dit en conférence de presse le 5 janvier : « Dire que (certaines personnes) ont été exécutées après avoir rendu les armes avec les mains en l'air, je le dis et je le répète : nos militaires sont des professionnels et ils savent ce qu'ils font. Ils ne peuvent pas faire ce genre de choses. J'en suis parfaitement convaincu. »

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L'homme sur l'image a apparemment les mains attachées derrière le dos.

Bon nombre des rebelles étaient de jeunes gens—certains n'avaient guère plus de 14 ans. Un témoin raconte : « Un [rebelle] était très jeune il a dit « Je suis encore à l'école. Appelez le directeur, je viens de finir mes examens ». La police a attaché les mains des rebelles dans le dos. Ils les ont fait s'allonger sur le sol, puis ils leur on tiré dans la tête un par un. Il y avait plein de gens du coin qui regardaient. On a été terrorisés par ce que l'on a vu. »

Deuxième photographie prise apparemment quelques moments plus tard. 

N'ayant pas beaucoup de prisonniers à présenter, les autorités burundaises ont concentré leur communication sur une saisie d'armes. Le 4 janvier, un général burundais a dit aux journalistes que ses forces avaient saisi « un mortier de 60 millimètres, 5 lance-roquettes, des mitrailleuses et plus d'une centaine de fusils d'assaut.

Un témoin oculaire a raconté à HRW qu'il a entendu un commandant burundais dire : « Je veux les armes, mais je ne veux pas les hommes », quelques moments avant l'exécution du groupe des 17 rebelles.

Ces mentions d'exécutions inquiètent particulièrement les États-Unis et le gouvernement néerlandais, parce que les deux offrent un soutien financier pour la formation de l'armée et de la police.

Les USA par exemple financent et entraînent les forces burundaises dans le cadre de l'African Union Mission in Somalia (AMISOM), qui concerne plus de 5 000 soldats burundais.

Une source proche de l'affaire, qui a demandé à rester anonyme, a dit à VICE News qu'elle était « certaine qu'au moins un bataillon impliqué dans les évènements de Cibitoke était rentré dernièrement de Mogadiscio, » la capitale de la Somalie.

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Ces événements pourraient avoir de lourdes conséquences à l'avenir en ce qui concerne les fonds américains alloués aux forces burundaises. Le traité américain de Foreign Assistance stipule : « Aucune aide ne saura être fournie […] à toute unité de forces de sécurité d'un pays étranger si le ministère des Affaires étrangères a des informations concluantes indiquant que ladite unité a bafoué les droits de l'homme par des actes brutaux. »

Ces exécutions extrajudiciaires arrivent à un moment crucial pour le Burundi, qui voir venir des élections parlementaires au mois de mai, suivies d'élections présidentielles en juin.

Des pays étrangers ont fait part de leurs préoccupations concernant la situation sécuritaire dans ce pays enclavé, en particulier concernant de possibles répressions contre l'opposition en amont des élections. Jeffery Feltman, sous secrétaire général aux affaires politiques de l'ONU, a averti en janvier : « Organiser des élections paisibles et crédibles, voilà le défi le plus important du Burundi cette année. »

Feltman: Organizing peaceful and credible elections is one of the most pressing challenges facing — UN Political Affairs (@UN_DPA)January 21, 2015

Des observateurs ont indiqué qu'il y avait des preuves solides qui indiquent que de telles exécutions peuvent avoir des motivations politiques, surtout si l'on relève les rapports qui font mention de l'implication possible des Imbonerakure.

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Le Imbonerakure est officiellement le groupe des jeunes du parti politique au pouvoir, le CNDD-FDD. C'est aussi une force connue pour des affaires d'intimidations et de meurtres. La milice compterait près de 100 000 hommes et garçons.

Le chef en poste du Burundi, Pierre Nkurunziza aurait, d'après le Guardian, fait parvenir à la milice des machettes, des armes et des uniformes, ce qui viendrait renforcer les soupçons de meutres politiques.

« Les Imbonerakure ont des liens forts avec les services de sécurité, a indiqué Tom Gibson d'Amnesty International, qui poursuit en disant qu'ils sont « responsables de violations des droits de l'homme, en toute impunité. »

Les témoins qui ont parlé à HRW ont dit qu'ils ont vu la police armer les Imbonerakure et les acheminer jusqu'à la commune de Murwi, où les exécutions ont eu lieu.

L'élection présidentielle fait déjà débat, le président Nkurunziza, en place depuis la fin de la guerre civile en 2005, se prépare à se lancer dans une candidature pour un troisième mandat, malgré une limite légale de deux mandats.

Nkurunziza, un Hutu, a avancé le fait que la Constitution était sujette à interprétations, une déclaration attendue par différents groupes d'opposition, nombreux avaient boycotté les dernières élections marquées par des dénonciations de fraudes et d'intimidations lors du scrutin de 2010. Nkurunziza, seul candidat, avait confortablement gagné.

Suivez Frederick Tiffin sur Twitter: @FrederickTiffin