Sosie Elton John
Photos : Pierre Gautheron pour VICE FR

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Elton John

Le sosie d’Elton John est Français et il vit à Douai

Dans le quotidien de Bernard Gline, 65 ans, dont quinze passés à être le sosie d'Elton John. Et autant le dire, il n'est pas prêt de s'arrêter.

C’est une maison de plain-pied construite en briques rouges comme il y en a des milliers d’autres dans le nord de la France. Là, à vingt minutes à pied du centre-ville de Douai, « en marchant bien », Bernard Gline vit depuis plus de 25 ans aux côtés de sa femme. Une vie normale, a priori.

Au cœur du Douaisis – la région de la ville de Douai, Bernard tranche pourtant avec le reste de la population. Il n’est pas comme les autres, Bernard. D’abord, parce qu’il charrie dans son sillage plusieurs vies : celle d’un homme aux origines ouvrières, qui a grandi au sein d’une famille portée sur l’entraide et peu sensible à la musique. Ce qui l’a donc incité à s’investir dans le monde associatif, auprès, notamment, des femmes battues et des personnes victimes de handicap et à s’orienter vers le métier de responsable comptable et financier. Bien loin du domaine artistique donc.

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Sauf que Bernard, désormais à la retraite, s’est inventé une seconde vie depuis quinze ans. C’était en 2004. Lassé par cette barbe qui le vieillit et dénote avec l’époque, le Nordiste profite du week-end pour se raser et vaincre comme il peut sa « petite » crise de la cinquantaine. Le geste, anodin pour certains, marque un nouveau départ. Dès le lundi suivant, de retour au boulot, ses collègues sont unanimes : Bernard est le sosie d’Elton John. Et cette impression dépasse le simple cadre professionnel : cinq mois plus tard, sans qu’il soit au courant, il est convoqué par les producteurs de La soirée de sosies, l’émission animée par Jean-Pierre Foucault à laquelle sa fille l’a inscrit secrètement. « J’ai passé un premier casting, puis un deuxième et j’ai fini par me retrouver en direct sur TF1 », rembobine-t-il, tranquillement affalé sur son canapé en cuir rouge installé à l’entrée de sa maison.

« J’ai tout regroupé, revues, affiches et photos, dans une petite valise rangée je ne sais où dans la maison. »

Dans la foulée, les propositions s’enchaînent. Pas question pour autant de faire les choses n’importe comment. Certes, il ne chante pas, parle très mal anglais et n’a jamais songé à monter sur scène, mais qu’importe : « Mon métier, dit-il, m’a appris à faire les choses proprement et à fond. Alors, j’ai décidé de m’investir dans cette activité avec les mêmes principes. » Pragmatique, Bernard. Pendant trois ans, il suit ainsi des cours de chant et d’anglais, se documente sur Elton John, en discute longuement avec son coiffeur, fan de l’auteur de « Crocodile Rock », et apprends méticuleusement un répertoire de douze morceaux. Un exercice « très difficile » à l’entendre. D’autant que Bernard n’est pas à ce point possédé par Elton John pour réciter par cœur le moindre détail de chaque album, les dates, les lieux d’enregistrements et les anecdotes de chaque chanson.

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Chez lui, aucune trace du chanteur « un peu gay », ni poster, ni goodies. « J’ai tout regroupé, revues, affiches et photos, dans une petite valise rangée je ne sais où dans la maison », précise sa femme, visiblement très fière et toujours encline à raconter tout un tas d’anecdotes : cette fois où, au sortir d’un concert d’Elton John à Paris, ils se sont fait poursuivre par une partie de la foule et ont dû se réfugier in extremis dans un restaurant, tous ces moments où des passants demandent à son mari un selfie, ou encore ces plateaux télé que Bernard ne fait plus désormais. Car pas assez valorisants et « trop souvent moqueurs ».

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Le couple ne cache d’ailleurs pas sa méfiance vis-à-vis de Paris, de tous ces « bobos » qui squattent la télévision et ne cherchent qu’à donner une mauvaise image des sosies. « On n’est pas des clowns », enchérit Bernard, avant d’évoquer à son tour tout un tas de souvenirs, « toutes choses que je n’aurais pu faire si j’étais resté anonyme ». Il évoque ainsi ses nombreux voyages au Maroc, au Canada, aux États-Unis ou en Angleterre, ces nombreuses performances données dans le cadre d’un anniversaire, cette fois où il a rencontré l’impresario d’Elton John, « choqué par ma ressemblance », ce concert donné devant presque trois mille personnes à Disneyland, cette fois où, à Cannes, il s’est senti mal, obligé de s’isoler dans « un coin pour aller rendre tellement il y avait de luxure » à une soirée organisée par Mohamed Al-Fayed où il avait été convié par hasard…

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De toutes ces expériences, Bernard s’attarde à présent sur celle-ci : « Un jour, on me contacte pour chanter à l’enterrement d’une admiratrice d’Elton John. J’ai longtemps hésité parce que c’est un exercice particulier, pas facile du tout. Mais j’ai fini par accepter de le faire, gratuitement bien sûr ».

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Car les performances de Bernard Gline ont un coût : 1 500 euros, 3 500 s’il est accompagné de son groupe et d’un des sosies de John Lennon avec qui il tourne régulièrement. « Si vous ajoutez à ça les charges, les frais de transport et d’hébergement, ça monte vite à cinq ou six mille euros. Quelle mairie peut se payer aujourd’hui un spectacle d’1 h 30 à ce prix-là ? ». Bernard n’est pas inquiet pour autant. Ces dernières semaines, on l’a appelé à plusieurs reprises depuis la Belgique pour assurer le show lors de l’ouverture de différents magasins. Il sait aussi que le biopic ( Rocketman) à venir va booster son activité : « Je le sais, les offres commencent déjà tomber ». Surtout, il sait qu’il a la chance d’être le sosie naturel (« Pas besoin de perruque, j’enfile un costume et hop, je suis Elton ! ») d’un artiste mythique. « Aujourd’hui, tout est beaucoup plus éphémère… Je ne suis pas sûr que l’on puisse vivre de cette activité sur le long terme en ressemblant à une star actuelle ».

« Les sosies sont là pour apporter du rêve. Donc ça me réjouit d’accomplir cette mission, de faire en sorte que les gens oublient en quelques minutes qu’ils ont affaire à un sosie. Sans moi, qui pourrait approcher Elton John de près ? ».

Bernard, lui, n’a jamais cherché à en vivre. Ces quinze dernières années, il a donné en moyenne trente représentations par an, essentiellement le week-end, mais il n’a jamais démarché qui que ce soit. Sa seule vitrine, finalement, c’est son site. Voire ses performances, pour lesquelles il se donne à fond, quitte à jouer avec les qualités et les défauts de la star anglaise. « Il est très caractériel, donc je le suis aussi sur scène. J’interprète un personnage, mais je redeviens Bernard Gline aussitôt le spectacle terminé. » Comprendre : Bernard redevient cet homme modeste, presque pudique parfois à l’idée de raconter ses différentes expériences, et qui, malgré les tournées, les projets (notamment un duo avec un transsexuel) et les rôles au cinéma (dans Podium ou 4 étoiles), continue de voyager en business class, a bien conscience que certaines mairies font appel à des sosies pour se moquer d’eux et pense sincèrement que la « célébrité n’est pas enviable ».

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Pourtant, Bernard ne s’imagine pas une seconde arrêter les shows, accompagné de ce piano factice avec lequel il fait mine de jouer sur scène. « Depuis qu’il est à la retraite, il n’est plus jamais là », plaisante sa femme. Et lui, de conclure, philosophe : « Les sosies sont là pour apporter du rêve. Donc ça me réjouit d’accomplir cette mission, de faire en sorte que les gens oublient en quelques minutes qu’ils ont affaire à un sosie. Sans moi, qui pourrait approcher Elton John de près ? ».

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