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FRANCE

La France serait présente de manière clandestine et secrète en Libye pour combattre l’EI

D’après le journal Le Monde ce mercredi matin, la France mènerait actuellement « des actions militaires non officielles » et des « opérations clandestines » en Libye, par le biais de forces spéciales et du service Action de la DGSE.
Pierre Longeray
Paris, FR
Image d'illustration via R. Connan/DICoD

Cinq ans après l'intervention française en Libye (opération Harmattan) entre mars et novembre 2011, la France serait de retour sur le théâtre libyen d'après les informations du Monde publiées ce mardi matin. Mais cette fois-ci, la France agirait de manière discrète, sinon secrète, et contre une nouvelle menace — celle de l'expansion du groupe terroriste État islamique (EI) dans un pays en proie au chaos depuis la chute de l'ex-dictateur Mouammar Kadhafi.

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Dans un papier intitulé « La guerre secrète de la France en Libye », la journaliste Nathalie Guibert, spécialiste des questions de Défense pour le quotidien français, explique avoir eu des informations indiquant que l'engagement de la France en Libye repose sur « des actions militaires non officielles » menées par les forces spéciales de l'armée française et des « opérations clandestines » conduites par le service Action de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure), les services secrets français.

« Si une opération française est réellement en cours en Libye, alors il s'agit d'une opération clandestine, dans un pays où la France n'est théoriquement pas présente », nous explique Pierre Martinet, un ancien agent du service Action de la DGSE, aujourd'hui directeur associé de l'entreprise de sécurité Corpguard.

Lors d'un entretien téléphonique accordé à VICE News ce mercredi matin, cet ancien agent secret nous explique que ce type d'action est souvent utilisé « en préambule » d'un conflit de plus grande envergure, même si un déploiement conventionnel reste peu probable.

Le service Action, un corps d'élite

« Il y a d'une part les actions [des forces] spéciales, qui sont menées de manière officielle par des civils ou des militaires, qui dépendent notamment du Commandement des opérations spéciales en France », nous indique-t-il, « mais aussi les opérations clandestines, surtout opérées par des agents de la DGSE, qui peuvent utiliser de fausses identités et se maintenir dans une zone sans attirer l'attention de quiconque ».

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Pour Pierre Martinet, ce sont ces agents de la DGSE qui sont les plus susceptibles d'intervenir en Libye actuellement. Par exemple ceux du Centre parachutiste d'instruction spécialisée, basé à Perpignan, dans le sud de la France.

« Ils sont capables de s'infiltrer dans des zones urbaines, rurales, de pénétrer les rangs d'une guérilla, de libérer des otages dans un pays ami ou ennemi », nous détaille-t-il.

Le service Action de la DGSE recrute des militaires de « tout rang », « entraînés à localiser des cibles et les neutraliser de différentes manières » nous explique Pierre Martinet. « Il est possible que certains agents effectuent des missions de pointage laser, pour guider les missiles lors des frappes aériennes par exemple. »

Interrogé par VICE News ce mercredi matin sur les informations révélées par Le Monde, un porte-parole de la DGSE nous a indiqué qu'ils ne commentaient « jamais des opérations en cours, réelles ou supposées ». Contacté par nos soins, l'État-major des Armées nous a répondu qu'aucun commentaire n'allait être fait à ce sujet.

Des révélations orchestrées

Pour Patrick Haimzadeh, qui a été en poste diplomatique pour la France en Libye de 2001 à 2004, si Le Monde révèle aujourd'hui l'intervention de forces françaises en Libye, c'est que les autorités françaises le veulent bien. « Il s'agit probablement de chutes [dans la presse] qui ont été orchestrées, » nous dit Haimzadeh ce mercredi matin. « En gros, cela permet d'afficher que la France fait quelque chose en Libye contre l'EI, sans être présente officiellement là-bas. »

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La semaine passée, une autre puissance étrangère avait annoncé frapper le territoire libyen. Vendredi 19 février, les États-Unis ont ainsi déclaré avoir tué plus de 40 membres présumés de l'EI dans un raid aérien contre un bâtiment situé près de Tripoli (ouest du pays). Le Pentagone a précisé que cette frappe ciblait Noureddine Chouchane, un cadre tunisien de l'EI, qui serait derrière deux attentats meurtriers en Tunisie : celui du musée du Bardo en mars 2015 et celui de la plage de Sousse en juillet dernier.

Les États-Unis avaient déjà frappé la Libye (à Derna, est du pays) en novembre dernier pour éliminer l'Irakien Abu Nabil, qui faisait office de leader de l'EI en Libye, selon les services américains. D'après les informations du Monde révélées ce mercredi matin, l'élimination d'Abu Nabil a été rendue possible grâce à un renseignement français.

À la recherche d'un gouvernement d'union nationale

Cela fait quelque temps que la communauté internationale réfléchit à une intervention commune en Libye pour endiguer la progression de l'EI. Mais pour cela, elle attend qu'un gouvernement d'union nationale libyen en fasse la demande. Problème, la Libye est divisée depuis l'été 2014 entre deux autorités rivales : l'une est basée à Tobrouk, et est reconnue par la communauté internationale ; l'autre est installée à Tripoli. Elles sont chacune composées d'un Parlement et d'un gouvernement.

La semaine dernière, le Conseil présidentiel (une instance née d'un accord passé sous l'égide de l'ONU entre les représentants des deux Parlements rivaux) avait annoncé le début de discussions pour la formation d'un gouvernement d'union nationale. Mais ce mardi, le Parlement de Tobrouk a annoncé que le vote de confiance sur le gouvernement d'union nationale n'avait finalement pas pu se tenir. Il est reporté à la semaine prochaine.

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Haimzadeh estime que la communauté internationale avait deux options en voyant monter le chaos dans le pays. Le plan A était d'aboutir rapidement à un gouvernement d'union nationale et d'intervenir officiellement en Libye. Le plan B est ce qu'il est en train de se réaliser : puisque le processus pour aboutir à un gouvernement d'union nationale traîne, les forces étrangères interviennent de manière non-officielle dans le pays.

Ce mardi soir, la veille de la publication de l'article du Monde, le Huffington Post Arabi annonçait que des forces spéciales françaises étaient arrivées à Benghazi, pour soutenir l'armée nationale libyenne (LNA) du commandant Haftar (fidèle au gouvernement de Tobrouk) qui affronte actuellement des combattants djihadistes dans cette ville de l'est libyen. D'après les informations du HuffPo, ces forces françaises — dont on ne connaît pas le nombre — seraient stationnées à la base aérienne de Benina à l'est de Benghazi.

Pour Pierre Martinet, ces informations de présence française en Libye ne présagent en rien une prochaine intervention française en Libye. « Nous n'en sommes pas encore là, car une opération clandestine peut très bien ouvrir la voie à une série d'opérations spéciales qui resteront ciblées et de petite envergure », nous explique-t-il.

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Image d'illustration via R. Connan/DICoD