Quand des artistes racontent leur Red Star FC

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Musique et foot

Quand des artistes racontent leur Red Star FC

Jarod, The Adelians, le 8°6 Crew, DJ Hamida, Nakk : tous partagent le même amour du Red Star et de son stade Bauer, l'un des symboles de la Seine-Saint-Denis.

VICE et le Red Star se sont associés pour suivre la saison des Vert et Blanc de Saint-Ouen sur et hors des terrains, auprès des joueurs, du staff, des supporters et de tous ceux qui gravitent autour de ce club historique du foot français. Aujourd'hui, on a donné la parole à des chanteurs et musiciens du 93, mais pas que, afin qu'ils nous parlent un peu de la relation qui les lie avec le club de Saint-Ouen.

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Ce n'est un secret pour personne : fondé en 1897 par Jules Rimet, le Red Star Football Club est l'un des plus vieux clubs de France. L'un des plus mythiques également, et, à coup sûr, l'un des plus authentiques et les plus respectés dans l'Hexagone. Même chez les artistes, le club de Saint-Ouen fait son petit effet. Et ça, on est allé le vérifier en posant des questions à des rappeurs (Jarod, Nakk), des héritiers de la Motown (The Adelians) et des punks (8*6 Crew), originaires du 93, ou non.

Charly de 8°6 Crew

Charly, au premier plan, vêtu d'un pull rouge. Photo fournie par 8°6 crew

« Comme pour beaucoup de skins, le foot fait partie de notre culture, au même titre que le reggae et les Doc Martens. Quand j'ai commencé à traîner sur Paris, j'ai rencontré des gars comme moi qui m'ont emmené au stade Bauer en 1993. Je connaissais le Red Star FC, mais c'est vraiment le stade et l'ambiance qui m'ont permis d'accrocher direct. Je retrouve encore cette sensation d'excitation quand je m'approche du stade, c'est une vraie histoire d'amour entre nous. Pour les Red Star Fans et 99,9 % du public, le stade et le club sont indissociables. Dans les deux cas, on retrouve ce qui caractérise le Red Star : la proximité, la simplicité et l'authenticité. On sent aussi le poids de l'histoire, footballistique et historique : les guerres, les mouvements sociaux etc… Le Red Star a forgé son identité à travers tout ça. Ça transpire la classe ouvrière.

Je sais que les skinheads ont longtemps eu mauvaise réputation, mais nous, ça se passait bien. Notre groupe, les Perry Boys, était principalement constitué de skinheads de banlieue, blacks, blancs, beurs et asiatiques. On faisait partie du paysage. Je pense aussi que le foot n'était pas autant ”à la mode” que maintenant, ça restait un truc de beauf dans beaucoup de mentalités. Pourtant, l'ambiance a toujours été bonne, chaude, bon enfant même. Surtout au stade Bauer, où tout le monde va dans le même bloc. Celui du noyau des Red Star Fans, en bas derrière la bâche où on balance les chants, et le reste suit. Là, on sait qu'on est tous présents pour la même chose : encourager le club. En plus, il y a toujours eu une belle proximité entre les joueurs et les supporters. Ce que l'on ne retrouve pas au PSG où, comme ailleurs, l'argent a pris tellement de place qu'il a fini par éloigner le foot de la classe ouvrière pour en faire un business aseptisé, au même titre que Disneyland.

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Bon, il y aura toujours une majorité de ”consommateurs” attirés par ce qui brille – et là, je parle des Qataris, pas des Virages et de leurs Ultras qui étaient vraiment fans –, mais j'ai l'impression qu'il y a un retour à l'authenticité ces derniers temps. Et ici, au Red Star, on emmerde le foot business. »

Jarod

« Mon grand-père était fan du Red Star quand le club était en première division à l'époque et la passion est venue comme ça, comme s'il s'agissait d'un héritage familial. Je suis d'ailleurs allé très tôt voir un match au stade. Ça devait être à 8 ou 9 ans, contre Bobigny si mes souvenirs sont bons… En grandissant, j'avais pas mal de potes qui y jouaient, j'ai moi-même fait quelques semaines là-bas lors d'un stage organisé par mon club, le FC Montmartre. C'était impressionnant. J'avais beau habiter dans le 18e arrondissement, le Red Star était l'équipe que l'on supportait. On enviait même les potes du collège ou du lycée qui y jouaient. À l'époque, ils étaient des stars à l'école. Non pas que l'on détestait le PSG, mais le Red Star, c'est le club du nord de Paris, c'est le club le plus ancien de la capitale et ça, l'argent ou les futurs titres du PSG ne l'enlèveront jamais. D'ailleurs, je suis persuadé que si demain un club parisien comme Melun cartonne, tout le monde aura de la sympathie pour cette équipe comme ils en ont pour le Red Star. »

Ludovic Bors de The Adelians

Ludovic Bors. Photo : odreyknight.com

« Tout est parti d'un malentendu. J'ai grandi à Montreuil, j'ai joué au Red Star de Montreuil [club issu de la fusion entre le Sporting club de Montreuil et l'Étoile sportive de La Boissière, ndlr] et j'ai longtemps été persuadé qu'il s'agissait de la section locale du Red Star de Saint-Ouen. Bon, j'ai fini par comprendre que ce n'était pas du tout le même club, mais je suis quand même resté fan du Red Star. Après, j'ai grandi dans le 93, j'y habite et y travaille toujours, d'ailleurs. Le Red Star, c'est donc mon club. En plus, je suis né en 1970 et j'ai grandi au sein d'une génération où le PSG était encore un club de skinheads, soit tous ces types qui nous empêchaient de circuler quand on débarquait de banlieue dans la capitale. Aujourd'hui, tout ça a bien changé : la grande majorité des gamins de banlieue sont fans du PSG, ils veulent des gros joueurs, des titres, etc. L'amour du maillot, on l'a oublié depuis bien longtemps. Mais ça reflète la société actuelle et cette étrange fascination du peuple pour le roi.

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En parallèle à The Adelians, je suis prof et quand je parle de foot avec les gamins, ils aiment soit Marseille, soit Paris. Quand je cite le Red Star, ils en rigolent tellement ça leur paraît ridicule. Pourtant, pourquoi je ne supporterais pas un club qui me représente ? Pourquoi je devrais me priver de les supporter sous prétexte qu'ils sont en National ? On va bien supporter nos potes quand ils jouent sur synthétique, pourquoi on ne pourrait pas faire de même pour un club de troisième division ? Bien sûr, j'aimerais que le club grandisse, mais si c'est pour sacrifier ses valeurs (l'aspect social, la formation, etc.), je ne suis pas pour. Le Red Star est le club représentatif du 93, c'est un club où les gens se mélangent, où tu vas développer tes valeurs. Il ne faut pas qu'il devienne un club comme les autres. »

DJ Hamida

Photo fournie par DJ Hamida

« À la base, je suis de Lyon, mais lorsque j'ai débarqué à Paris, dans le 93, j'ai tout de suite compris que le Red Star était un club à part, avec de la niaque, un lourd passé et tout un tas de joueurs brillants qui ont commencé là-bas. C'est l'âme du 93, honnêtement. L'équipe symbolise ça, l'ambiance dans le stade également, avec toutes ces personnes issues d'horizons différents qui se réunissent le temps de 90 minutes. Forcément, ça crée une affinité et une certaine relation au club. Ça et le fait que, qu'on le veuille ou non, le Red Star représente tout ce que le PSG n'est pas… »

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Nakk

« Je suis originaire de Bobigny, du 93. Mon frère, mes potes, tous mes proches ont joué là-bas. Même mon fils va y faire des détections d'ici peu… Pour moi, c'est un rapport presque familial que j'entretiens avec ce club. Honnêtement, j'ai 40 ans aujourd'hui et je n'arrive toujours pas à en parler sans chauvinisme, en rappelant systématiquement que c'est le club du nord de Paris qui a été le plus loin au haut niveau, etc. Et je ne suis pas le seul. Dans mon entourage, on est des gogoles quand on parle du Red Star.

La montée en L2 à l'issue de la saison 2014-2015 était choquante pour moi, bien plus que les tournois remportés par le passé ou les matches que j'ai eu l'occasion de voir au stade. Ça a été une consécration énorme, surtout quand on connaît notre manque de moyens. C'est fou, non ? Mais ce qui est fou également, c'est l'ambiance dans le stade. Tout le 93 y débarque régulièrement, il y a un melting-pot de dingue, avec toutes les communautés vivant dans le 93 qui s'y retrouvent. Forcément, ça crée une mentalité à part. Celle du 93, celle que je retrouve quand je parle avec un MC de Saint-Ouen et que je ne retrouve pas avec un rappeur du 92, par exemple. Nous, et quand je dis ”nous”, je parle des rappeurs du 93, des footballeurs du coin et de la population en général, on arrive à briller en n'ayant rien et en ayant une mauvaise image dans les médias. Bien sûr, ça part parfois en vrille, mais il ne faut pas s'en faire pour un mec du 93, il s'en sort toujours.

Et c'est pareil pour le Red Star. Le club a beau être en National aujourd'hui, il reste le club de Paris. Le PSG, finalement, n'est qu'un Red Star 2.0, avec les meilleurs joueurs du monde pour faire briller l'équipe. Je peux d'ailleurs te l'affirmer : si demain le Red Star remonte en Ligue 2, puis en Ligue 1, ça va être très compliqué de supporter le PSG. Le cœur va parler, et je sais que je ne suis pas le seul dans ce cas. »