Et si le MMA se pratiquait en handisport ?

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Et si le MMA se pratiquait en handisport ?

Le projet est largement critiqué, mais Colin Wood ne voit pas pourquoi des combattants en fauteuil n'auraient pas le droit, eux aussi, de pratiquer le MMA.

C'est un lieu commun, mais il mérite d'être rappelé lorsqu'on évoque la discipline : le MMA est actuellement sans conteste l'un des sports les plus critiqués ou les plus sujets à polémique. Il ne se passe pas une semaine sans qu'un « sachant » ou un responsable politique ne s'exprime sur le sujet, rappelant les dangers de ce sport. Ainsi, si le MMA est interdit en France, il est largement contesté en Grande-Bretagne par des gens comme Peter McCabe, l'un des dirigeants de l'association Headway, qui lutte contre les lésions cérébrales. Peter McCabe a qualifié le MMA d'activité « barbare et dangereuse », à bannir au plus vite, après que Joao Carvalho, un combattant de 28 ans, a perdu la vie suite à une soirée de gala.

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Pourtant, la dynamique globale, si l'on regarde à l'échelle mondiale, tend vers une acceptation et une légalisation de la discipline dans de plus en plus de pays. En revanche, le MMA reste pour l'instant l'apanage des valides. Enfin presque, puisque depuis plus de dix ans, un homme tente de populariser le MMA handisport. Colin Wood, citoyen britannique et fondateur de Wheeled Warriors (les guerriers en fauteuil), défend les droits des handicapés à pouvoir s'adonner au MMA comme les valides. Il s'est d'abord concentré sur la boxe, avant d'annoncer en 2012 qu'il comptait organiser la première compétition de MMA en fauteuil. Une nouvelle discipline qu'il a baptisée MMMAWW - pour Modified Mixed Martial Arts Wheeled Warriors, soit Arts martiaux mélangés et modifiés pour les guerriers en fauteuil - et qui n'a pas manqué de susciter son lot de critiques et de débats interminables. Rien de surprenant au vu du potentiel polémique du MMA.

Coupons immédiatement court à tout suspense inutile, la compétition ne s'est jamais tenue à cause de « tractations politiques de coulisses », comme le décrit Colin en maugréant. S'il ressent encore une certaine amertume à l'évocation de cette tentative avortée, il n'a jamais baissé les bras depuis. Il a passé ses dernières années à élaborer un règlement et à imaginer des évolutions techniques pour rendre le MMA moins dangereux pour les combattants en fauteuil dans l'optique d'organiser, enfin, sa compet' cette année. C'est la raison pour laquelle je l'ai contacté, pour en savoir plus sur son projet, ses motivations et ses ambitions futures.

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Colin Wood, à gauche, en grande conversation avec le boxeur en fauteuil Phil Bousfiled.

VICE : Salut Colin. Première question, que beaucoup de lecteurs doivent se poser aussi : comment as-tu eu cette idée de MMA en fauteuil, et pourquoi t'es-tu autant investi pour défendre ce projet ?
Colin Wood: Je jouais au rugby en semi-professionnel quand j'ai appris il y a 10 ans que j'allais devenir aveugle peu à peu. Paradoxalement, ça m'a ouvert les yeux sur la violence des discriminations dont souffrent les personnes handicapées. Je me suis dit qu'il fallait lutter contre, et que le sport était un bon moyen de s'engager en ce sens. Tout est parti de là. J'ai d'abord réfléchi à un ballon de rugby adapté aux aveugles. L'idée a intéressé la fédé, j'avais élaboré un ballon qui faisait du bruit et recouvert de scratch que les joueurs pouvaient attraper avec un gant.

Mais alors comment en es-tu arrivé à te lancer dans le MMA ? Et comment la compet' va fonctionner ?
Quatre combattants participeront à cette première édition. Il y aura deux Américains, un Brésilien et un Anglais, tous paraplégiques et tous formés au ju-jitsu brésilien.

Quelles modifications as-tu dû faire sur les fauteuils pour les adapter au MMA ?
On a dû réfléchir à pas mal de choses, notamment à ce que le fauteuil puisse être dirigeable sans les mains. On a aussi dû concevoir des fauteuils de taille plus modeste, pour que les combattants aient l'allonge suffisante pour se toucher. Il y aura aussi quelques autres réglages techniques pour que les combattants puisse chuter sans dommages de leur fauteuil. On va recourir à une technologie nouvelle dont je ne peux pas trop parler pour le moment, car nous attendons de savoir si les quatre combattants qui seront présents pour la compétition l'acceptent.

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Tu as l'air de prendre votre pied à inventer des trucs. Est-ce que tu as déjà essayé de bricoler avant d'inventer ce nouveau ballon de rugby ?
Absolument pas non, c'était ma première invention. C'est juste une manière pour moi de donner voix au chapitre aux handicapés et de leur permettre de pratiquer des activités dont ils sont exclus.

Quelles sont les différences entre les règles du MMA traditionnel et celles du MMA en fauteuil ?
Nous avons élaboré toute une batterie de règles suivant les types de handicap selon les adaptations qu'ils nécessitent. Certains combattants peuvent déplacer leurs fauteuils sans souci, mais d'autres en sont incapables. Il faut faire se rencontrer des combattants souffrant de handicaps équitables. Par le passé, certaines personnes ont organisé des combats entre un quadruple amputé et un combattant valide. C'est typiquement le genre de trucs qui m'a fait me dire qu'il fallait agir.

Est-ce que le combat au sol fera partie des phases autorisées dans le MMA fauteuil ?
La technologie que nous développons le permettra, oui.

Comment est-ce que tu réagis aux critiques selon lesquelles le MMA en fauteuil serait de base une mauvaise idée et une discipline trop dangereuse ?
Pour vous dire la vérité, je ne me formalise pas de ces critiques. Il y a beaucoup d'être humains sur cette planète, il y aura donc fatalement toujours quelqu'un pour vous dire qu'il n'aime pas ce que vous faites. Certains me disent d'un air offusqué : « Comment pouvez-vous vouloir faire s'affronter des personnes handicapées dans un sport aussi violent ? ». Ils sont convaincus que les combattants vont forcément sortir de la cage avec ce graves blessures à la tête, or c'est faux. Il faut arrêter de surprotéger les gens et plutôt accepter que tout le monde puisse faire les mêmes sports, avec un certain degré d'adaptation bien sûr. Mais cela nécessite de prendre le temps d'y réfléchir, de faire preuve d'empathie et de solidarité, et c'est moins facile que de se braquer et de se dire, non, n'ouvrons pas telle ou telle discipline aux handicapés.

As-tu songé à des mesures de sécurité propres au MMA en fauteuil ?
Oui, aussi bien à l'entraînement que pendant le combat, il y a quelques petites choses que nous avons adapté pour nous assurer que la sécurité des combattants est garantie à 100%.

Comment ce projet a-t-il été accueilli dans le monde du MMA valide ?
Ça a été assez mitigé. D'un côté, nous avons eu des retours très enthousiastes de Ken Shamrock (intronisé au Hall of Fame de l'UFC, ndlr), de Dan "The Beast" Severn (un pionnier du MMA) et de Jamie "The Real Deal" Hearn (une autre pointure), mais de l'autre, pour être franc, je ne pense pas que beaucoup d'acteurs du monde du MMA nous apprécient. Nous soulevons trop de problématiques en terme de santé et de sécurité des combattants, et ça ne plaît pas à tout le monde.

Est-ce que tu penses que le MMA en fauteuil pourra un jour devenir un sport mainstream ?
Oui, j'en suis persuadé ! Bien sûr, ça va prendre du temps, mais le principe de base est le bon. Nous cherchons à inclure des gens qui sont exclus de facto de la discipline, tout en garantissant leur bien-être et leur sécurité. La démarche que nous engageons va au-delà du MMA, et soulève une question qui concerne tous les sports. Celle de la discrimination.