Kevin Garnett : la plus grande gueule de la NBA
Foto de Adam Hunger, Reuters

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Kevin Garnett : la plus grande gueule de la NBA

Outre 15 apparitions au All-Star Game, une bague de champion et un titre de MVP, KG détient le titre du plus grand trasheur du basket nord-américain.

Aujourd'hui nous vous présentons un maestro de l'engrainage, une légende de la NBA, toujours en activité aujourd'hui et qui, en plus d'avoir récolté une bague de champion, a passé vingt ans à être le premier…à faire chier ses adversaires : on parle bien sûr de l'inégalable Kevin Garnett, une grande gueule olympique.

Le premier individu d'une nouvelle espèce

Avec tout le tapage qu'a fait la tournée d'adieu de Kobe Bryant, on l'avait presque oublié : Kevin Garnett annonce sa retraite le 23 septembre 2016. On parle ici d'un mec qui a passé plus de la moitié de sa vie avec un ballon entre les mains, les pieds sur le parquet et, le plus important, la langue bien pendue.

Le roi des trash talkers – les gros lourds qui insultent tout le monde sur le terrain – de la NBA est toujours en activité dans ce qui semble être une retraite de luxe avec les Timberwolves du Minnesota, l'équipe avec laquelle il a révolutionné le basket à la fin des années 90. Pour le moment on ne sait pas s'il s'agit de son ultime saison. Mais le cas échéant, ce serait bien d'être mis au courant afin de pouvoir lui rendre hommage.

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Kevin Garnett a toujours joué avec une intensité folle. Photo Eric Miller, Reuters

En 1995, plusieurs des hommes les plus influents du basket professionnel nord-américain se sont retrouvés dans un gymnase de Chicago pour observer un spécimen unique, un véritable pivot qui savait se déplacer comme le plus agile des meneurs.

« C'est le meilleur entraînement de préselection [pour la Draft] que j'ai vu de toute ma vie…Kevin McHale et moi-même avons su instantanément que nous ne courions aucun risque en le choisissant », commentait Flip Saunders, l'entraîneur et légende des Timberwolves du Minnesota, décédé le 25 octobre 2015.

Aussitôt dit, aussitôt fait : les Wolves, tirant profit de sa cinquième position à la Draft 1995, se sont attachés les services de ce jeune dégingandé de 19 ans. Garnett a été le premier joueur en plus de 20 ans à sauter la case "université" pour passer directement en NBA.

« Personne n'avait rien vu de tel jusqu'à ce moment, ce mélange de vitesse, de capacité athlétique et de polyvalence. Il a été le premier », se rappelle Paul Pierce, son ancien co-équipier de Boston, dans une magnifique rétrospective de Bleacher Report.

Aujourd'hui, on voit Anthony Davis traverser le terrain à toute vitesse avec la balle et on fait comme si de rien, comme si c'était du gâteau. Il y a très peu de temps, c'était quelque chose de fou, capable d'émerveiller les esprits les plus froids, calculateurs et experts du monde du basket : « Est- ce qu'il y a d'autres garçons capables de faire tout cela qui vont arriver dans la ligue », s'est interrogé Gregg Popovich en le voyant pour la première fois.

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Eh oui, Pops. La réponse est OUI. Il suffit de voir les Davis, Karl Anthony-Towns, Kevin Durant et presque tous les pivots dignes de la NBA du 21ème siècle.

Les capacités athlétiques et l'agilité de KG, aux origines de l'évolution des intérieurs de la NBA. Image vía WikiMedia Commons

Une grande gueule sans limites

Au-delà des clichés de toujours – concentré, engagé, loyal, passionné, travailleur, etc.. –, Garnett s'est démarqué de ses pairs en insultant, littéralement, la famille du reste de ses collègues de la profession. Au-delà de sa facette de leader, son caractère indécrottable l'a opposé à presque tous les adversaires qu'il a croisés sur le parquet.

L'arrivée de Kevin aux Minnesota Timberwolves a sonné la fin d'une grande période de disette en play-offs pour les Wolves. Son atterrissage a donné naissance à un duo stellaire composé de KG et d'un certain Stephon Marbury, un autre joueur dont la célébrité est empreinte de polémiques retentissantes.

Deux époques et deux ambiances bien différenes. Image vía Slam Magazine

Le trash talking était déjà un art courant lorsque KG a intégré la ligue : des légendes du calibre de Michael Jordan, Larry Bird et Reggie Miller – je ne mets pas ce dernier au même niveau de légende, mais il était toujours dans les premiers au moment d'insulter – avaient, au fil du temps, perfectionné l'usage de la violence verbale.

Garnett a poussé la barre encore un peu plus loin, du "pas correct' à 'l'intolérable" d'après ce qu'ont révélé avec le temps plusieurs de ses adversaires sur le terrain. Parmi les Espagnols de la NBA, Pau Gasol et Manuel Calderon ont été aux premières loges de deux incidents notables qui ont marqué la collection de souvenirs de la grande gueule américaine.

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Le pivot espagnol des Spurs est arrivé en Amérique en 2001 et a dû se mesurer à plusieurs occasions à Big Ticket : après que le freluquet numéro 16 des Memphis Grizzlies a été la cible des moqueries de Garnett pendant quelques matches, et, heureusement pour lui, le Catalan a pu prendre sa revanche avec un smash qui a déchaîné ''l'inquisition espagnole'' d'après le commentateur américain et qui a fait se lever de sa chaise Andrés Montes lui-même.

« Il aime bien t'intimider verbalement et physiquement », s'est rappelé le pivot espagnol lors de la finale 2010, lui qui a pourtant toujours affirmé qu'il existait entre eux un grand respect mutuel.

L'anecdote avec Calderon, alors que KG portait déjà le maillot vert des Boston Celtics, est moins spectaculaire et plus crispée. « Tout a commencé lorsque j'ai essayé de bloquer un de ses tirs, il a marqué et ça l'a fait rire », assurait le meneur aux médias.

Garnett a commencé à applaudir au nez de Calderon, qui est resté pétrifié en voyant que les arbitres ne se donnaient même pas la peine de siffler faute. Encore une fois, la séquence vaut le détour et fait partie des plus belles perles du pivot.

Personne n'a échappé à la langue aiguisée de KG, qui s'est embrouillé avec la crème de la ligue : Tim Duncan lui-même a goûté à la gouaille de Garnett, qui lui a balancé le fameux « Ball don't lie ! » rendu célèbre par l'un des pionniers du trash talk, Rasheed Wallace. Carmelo Anthony, lui, a eu droit à d'autres politesses : le loup de Minnesota lui a sorti que sa femme avait le goût de céréales au miel. Enfin, il a fini par bizuter Joakim Noah lors de sa saison de rookie, alors que ce dernier lui avait confié qu'il lui vouait une grande admiration. La liste est encore longue, mais elle contient déjà quelques unes des meilleures punchlines de Kevin Garnett.

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La goutte qui a fait déborder le vase a probablement été le déplorable incident avec Charlie Villanueva dont Big Ticket a été à l'origine en 2010. D'après ce qu'a partagé l'ancien joueur des Detroit Pistons sur les réseaux sociaux, Garnett lui aurait dit lors d'une rencontre qu'il avait « une tête d'un cancéreux ».

« Ça m'ennuie parce qu'il y a beaucoup de gens qui en meurent, et lui il lâche ça comme si c'était une plaisanterie », a écrit Villanueva qui en réalité souffrait de calvitie. Ce jour-là, KG a franchi la limite entre l'incorrect et l'infâme, se mettant sur le dos une bonne poignée de détracteurs résolus.

« Tout est possible »

L'impact de KG sur la ligue a été immédiat, mais tout le monde connaît la triste réalité des Minnesota Timberwolves. La franchise a connu les meilleurs résultats de son histoire avec lui sur le terrain : entre 1996 et 2004 les Wolves ont enchaîné huit apparitions en play-offs… mais, depuis, ils n'ont jamais remis les pieds sur le parquet après la saison régulière.

En 2004, Garnett a atteint le sommet (individuel) de sa carrière et a été élu MVP de la ligue : sa moyenne sur la saison a été de 24,2 points, 13,9 rebonds, 5 passes décisives et 2,2 contre par match. « Je n'aurais jamais pensé obtenir tout cela, c'est un rêve », a déclaré The Kid, surnom par lequel on le connaissait aussi à l'époque.

Kevin Garnett durant son rituel d'avant-match avec les Boston Celtics. Photo de Tim Shaffer, Reuters

Les loups de Minneapolis ont obtenu le meilleur classement de leur histoire en saison régulière (58 victoires et 24 défaites) et on terminé premier de la conférence Ouest. En play-offs, ils ont gagné le premier tour face aux Denver Nuggets – un exploit étant donné qu'ils n'avaient jamais passé le premier tour – et ils se sont payé les Sacramento Kings lors des demi-finales de conférence.

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Les Los Angeles Lakers de Kobe Bryant et Shaquille O'Neal ont cependant douché leurs espoirs de titre en leur infligeant une défaite si dévastatrice que les Wolves ne s'en sont jamais remis. Après trois saisons, Garnett a décidé de quitter la franchise pour poursuivre un autre rêve : la bague de champion NBA.

À l'été 2007, Boston s'est attaché les services du pivot du futur et l'a transformé en une arme du présent. La presse est devenue folle avec l'arrivée de KG qui allait former un trio de rêve aux côtés de Paul Pierce et Ray Allen.

L'impact a été immédiat. Plus de deux décennies plus tard, la franchise la plus récompensée de l'histoire a remporté la précieuse bague, la dix-septième pour les Celtics et la première de la carrière d'un Garnett très ému. « Tout est possible ! », criera-t-il aux micros de ESPN dans un moment historique.

En plus de récupérer le titre de la NBA, les Celtics de KG et compagnie ont ravivé la flamme d'une rivalité historique entre Kobe Bryant et Pau Gasol. La seule bague du nouveau Big Three du Massachusetts – le premier fut Bird, McHale et Parish – a été gagnée contre les Lakers de L.A., l'ennemi historique. Plus tard, les Californiens se vengeront lors de la finale 2010.

Comme le disait Kevin après avoir remporté la bague, tout est possible dans la vie, quelle que soit la complexité des choses.

De "The Kid" À "Big Ticket"

Garnett a grandi au sein d'une famille à problèmes : sa mère avait eu auparavant une fille d'une relation antérieure et son père l'a abandonnée au moment de la naissance du garçon. On était en 1976 et à Greenville, en Caroline du Sud, les comportements racistes prévalaient encore et le jeune Kevin a dû grandir dans un environnement compliqué.

Le géniteur de KG a été un joueur talentueux au lycée et, bien qu'il se soit fait la malle, a inculqué à son fils la passion pour le basket. Garnett a trouvé dans le basket de rue un sens à la vie. Cependant, ce n'est qu'à l'âge de quatorze ans qu'il a pris contact avec le basket organisé : ses premiers pas expliquent en grande partie son de jeu et son intensité sur le terrain.

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En un clin d'oeil, ce jeune basketteur dégingandé est devenu le joueur le plus prometteur du lycée jusqu'à ce qu'une bagarre sur fond de racisme ne manque de l'envoyer en centre d'éducation surveillé. « Moi je ne faisais que fouiner, je passais par là », assure le joueur dans une biographie. Shirley Garnett a ensuite décidé de déménager à Chicago avec son fils, pour repartir de zéro.

« Je savais que mon second fils était très spécial, l'accouchement avait duré 26 heures », a plaisanté sa mère. En effet, madame Garnett ne s'est pas trompée pas puisque après sa dernière année de lycée à l'Admiral Farragut Academy le garçon a intégré directement la NBA…et le reste fait partie de l'histoire.

Lorsqu'il a débarqué dans la ligue, les commentateurs l'ont surnommé The Kid pour des raisons évidentes : cela faisait vingt ans que personne n'était passé directement du lycée à la NBA sans passer par la formation universitaire, l'adolescent de 19 ans était donc comme un enfant parmi les adultes.

Ce qui est sûr, c'est qu'ils se sont rapidement rendus compte que l'appeler "l'enfant" était sans doute une erreur d'appréciation. Un des journalistes de Minnesota a commencé à nommer Garnett le Big Ticket – ce qui signifie littéralement quelque chose de très cher et de grande valeur – étant donné que, dans le fond, il était le seul bon élément de la franchise pendant ses premières années.

Le Minnesota, un état réputé pour sa neige ainsi que pour être la source d'inspiration des frères Coen, a gagné en popularité grâce à ce spectaculaire dadet. Comme le stade des Wolves a commencé à se remplir tous les jours, les chroniqueurs ont fini par comparer la valeur de Garnett avec celle du compte en banque des propriétaires de la franchise. Ka-ching !

Ne nous voilons pas la face, KG n'a rien accompli de dingue lors de son retour chez les Wolves en 2015. Rien d'étonnant au vu de son âge et de sa condition physique. Aujourd'hui, nous n'avons plus la chance de voir Kevin Garnett sur les terrains. La NBA et tous ses fans regrettent cette terreur des raquettes aux shoots à mi-distance si soyeux.