Après la chute de Kaboul, tombée aux mains des Talibans le 15 août dernier, le photographe Adrien Vautier s’est rendu en Afghanistan dès début septembre. Après un long périple le menant jusqu’à la frontière ouzbèke, le photographe français a pu pénétrer dans le pays grâce à une autorisation délivrée par les nouveaux maitres des lieux.
« Rentrer dans le pays s’est fait plutôt facilement. Après avoir atterri à l’aéroport de Termez côté ouzbek, un taxi nous a déposé à la frontière, où il fallait traverser le fleuve qui sépare les deux pays, » rembobine Vautier. Arrivé au poste frontière désormais tenu par les Talibans, installés dans des bureaux, ils tamponnent son passeport et lui donnent une lettre attestant l’autorisation de travailler dans le pays.
Videos by VICE
Le premier stop de ce périple se fait à Mazar-e Charif, où Adrien Vautier et deux collègues journalistes séjournent dans un hôtel où se croisent des familles souhaitant quitter au plus vite le pays, et des Talibans qui y passaient pour organiser des réunions ou des repas. « Pendant les premiers jours, à Mazar, l’ambiance était paradoxalement assez calme, sans grande tension et on nous laissait travailler grâce à cette fameuse autorisation », remet Adrien Vautier. « Les Talibans étaient de partout dans la ville, qu’ils sillonnaient à bord de pick-ups et quadrillaient par d’innombrables check-points. »
En discutant avec les habitants de Mazar-e Charif, certains étaient totalement effrayés par ce qui était en train de se jouer sous leurs yeux. « Voir les Talibans reprendre le pouvoir signifiait pour eux, une perte de liberté, et une grande inquiétude pour l’avenir. » Mais une partie des Afghans avec lesquels Vautier a pu échanger étaient aussi comme soulagés de voir s’arrêter enfin les combats.
Après deux jours dans le nord du pays, Vautier prend la route direction Kaboul – un long voyage de 15 heures. En approchant de la capitale, le photographe voit des armes automatiques et des humvees américains aux mains des talibans qui semblaient en parfait état de marche.
Arrivé à Kaboul, Adrien se met à suivre les quelques manifestations qui émaillent la ville, dont une manifestation de femmes animées d’un courage époustouflant. « Là, ça a commencé à être plus compliqué de travailler. Les Talibans m’empêchaient de prendre des photos des manifestantes. Ils étaient très tendus, ils tiraient en l’air, bousculaient tout le monde », se rappelle le photographe.
En rentrant dans sa chambre d’hotel ce jour-là, Adrien Vautier s’aperçoit que la vitre de la chambre qu’il partage, a été touchée par des tirs. « Une manifestation était passée à côté de notre hotel et un journaliste filmait ça depuis sa chambre. Du coup, les Talibans avaient arrosé à côté de lui pour mettre un coup de pression », raconte Adrien. « Ce premier jour à Kaboul m’a fait dire que les Talibans étaient assez différent à Kaboul que dans les régions. Est-ce parce qu’à Kaboul, il s’agissait principalement de jeunes venus des montagnes ? »
Puis dans les jours qui suivent, une sorte d’apaisement recouvre rapidement une Kaboul mise sous cloche, explique le photographe qui suit alors l’étrange cohabitation entre civils et Talibans au coeur de la capitale (où il retrouve ces derniers au zoo ou encore au parc d’attraction). « En observant les Talibans dans Kaboul, ils ressemblaient à des soldats en permission, qui découvraient pour la première fois certains loisirs », image le photographe. Mais dans le même temps, le joug des Talibans se déploie progressivement sur les femmes, les artistes, les musiciens, dans les écoles, les universités et tout îlot de liberté.
Puis, à côté de ces Talibans en goguette, la crise humanitaire commence à se dessiner dans Kaboul. « On retrouvait de nombreux réfugiés dans la ville, qui vivaient dans des conditions vraiment préoccupantes, dans des parcs de Kaboul, » continue Vautier, avant d’évoquer les longues files d’attente devant les banques, où des Afghans patientent pour récupérer leurs économies – à raison de 200 dollars maximum par semaine. « Dans les six prochains mois, la situation risque de réellement virer au catastrophique ».
Après deux semaine passées à Kaboul, Adrien profite en cette fin septembre de la reprise des vols internes depuis Kaboul pour rejoindre le nord du pays et repasser du côté ouzbek.
Découvrez-ci dessous davantage de photos d’Adrien Vautier saisies dans un Afghanistan à un tournant de son histoire :
Adrien est sur Instagram.
VICE France est sur Twitter, Instagram, Facebook et sur Flipboard.
VICE Belgique est sur Instagram et Facebook.