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Dans le monde des strip-teaseuses de YouTube

Stripper YouTuber and stripfluencers Tiffany Bourne and Cristina Villegas

Si vous avez déjà eu un job de merde payé une misère, peut-être avez-vous déjà envisagé de jeter l’éponge pour devenir strip-teaseuse. Peut-être avez-vous même cherché sur Google « comment devenir strip-teaseuse » et passé quelques heures sur YouTube à regarder des jolies filles s’appliquer à compter des liasses de billets après un service au strip-club.

Bienvenue dans le monde des strip-teaseuses de YouTube, un créneau en pleine expansion dans lequel les femmes lèvent le voile sur ce qu’est la vie dans l’industrie du divertissement pour adultes, dans et hors des clubs. Avec la pandémie de coronavirus et l’insécurité de l’emploi, le genre ne fait que se développer.

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Les vidéos sur ce qu’il faut attendre d’une audition dans un club, sur la manière dont les strip-teaseuses gèrent leurs impôts et sur les conseils d’hygiène au travail donnent un aperçu d’une profession entourée de points d’interrogation, tant du point de vue des danseuses que des spectateurs curieux.

Les vidéos de comptage d’argent sont particulièrement populaires, avec facilement plus de 100 000 vues. « Ce n’est pas tous les soirs comme ça, j’ai eu beaucoup de chance », dit Tiffany Bourne, une danseuse new-yorkaise, alors qu’elle est assise sur une énorme pile de billets de banque. La vidéo a été visionnée près d’un million de fois.

« La plupart de mes téléspectateurs sont des femmes, qui regardent parce qu’elles s’identifient à moi » – Yamilah Nguyen

L’attrait vient en partie du fait que le strip-tease sur YouTube est dépourvu de drame, c’est un coin d’Internet où le mantra « il est important de se soutenir entre femmes » semble être appliqué. Contrairement à d’autres catégories de la plateforme comme la beauté, le mukbang et les chaînes vegan, le strip-tease sur YouTube reste un lieu assez harmonieux. « Il n’y a pas eu de drame depuis un certain temps, les choses ont été plutôt calmes, dit Tiffany, une danseuse récemment diplômée de l’université qui compte 161 000 abonnés. Je trouve que la communauté est très positive par rapport au monde de la beauté et du maquillage

Les strip-teaseuses influenceuses, qui se font parfois appeler « stripfluenceuses », sont heureuses de partager gratuitement les secrets de l’industrie. Qu’il s’agisse d’expliquer comment gérer ses règles en faisant de la pole dance ou comment ne pas se casser le cou en marchant avec des talons hauts, le contenu est rafraîchissant et éducatif.

Cristina Villegas
Cristina Villegas. Photo publiée avec son aimable autorisation.

Armée de ses bons conseils et de son string éblouissant, Cristina Villegas, une danseuse de Chicago qui compte 1,53 million d’abonnés, me dit que tout le monde peut y arriver. « Chaque homme a son type de femme, alors oui, je crois que n’importe quelle femme peut réussir dans ce secteur. Il faut juste être capable de créer un fantasme », dit-elle.

Mais qui regarde ces vidéos ? Yamilah Nguyen, 23 ans, me dit que les aspirantes strip-teaseuses ne représentent qu’environ un tiers de ses 136 000 abonnés. Selon elle, les gens ne sont pas à la recherche d’un manuel sur la façon de gagner de l’argent grâce à des hommes en rut. Ils veulent être divertis. « La plupart de mes téléspectateurs sont des femmes, qui regardent parce qu’elles s’identifient à moi. Je ne suis pas une personne coincée qui pense qu’elle est meilleure que les autres, dit-elle. J’ai une voiture normale et je vis dans un deux-pièces. Je partage mes défauts et mes problèmes du quotidien. Je parle aux internautes comme s’ils étaient mes amis. »

Yamilah Nguyen
Yamilah Nguyen. Photo publiée avec son aimable autorisation.

Selon Tiffany, ses téléspectateurs sont composés à 86 % de femmes. Les téléspectateurs masculins sont soit hétéros (« les pervers », plaisante-t-elle), soit gays et regardent pour le plaisir. Un commentaire récent sur sa chaîne dit : « Personne ici ne compte auditionner dans un club de strip-tease. Ne mentez pas. On est tous dans notre lit en train de grignoter et de regarder des trucs au hasard. » Le commentaire compte 16 000 likes. Un autre dit : « Je n’ai pas l’intention de devenir strip-teaseuse, mais je ne peux pas m’empêcher de regarder avidement. »

Pour celles qui ont de nombreux abonnés sur YouTube, Instagram et OnlyFans, être strip-teaseuse est plus rentable que le strip-tease lui-même. « Les réseaux sociaux sont désormais ma principale source de revenus, me dit Cristina. Lorsque j’ai commencé dans l’industrie, je gagnais entre 2 000 et 10 000 dollars par semaine, selon le club et le nombre de jours de travail. Les revenus des réseaux sociaux sont arrivés plus tard dans ma carrière, au fur et à mesure que ma plateforme s’est développée. »

« J’ai senti un changement dans mes relations avec mes parents et mes amis. C’est difficile, mais la raison pour laquelle j’ai commencé à faire des vidéos était de changer le point de vue des gens sur ce secteur » – Cristina Villegas

Le fait d’avoir beaucoup de followers dans une catégorie de niche ne garantit pas que les gens s’intéresseront encore à vous si vous quittez le secteur. Et c’est là le problème des stripfluenceuses : elles attirent un large public grâce à des vidéos sur le métier de strip-teaseuse, mais elles ne peuvent toujours pas quitter leur emploi au club. « Je continue de travailler au club pour le bien de ma chaîne YouTube, dit Tiffany. Aujourd’hui, même si les gens me disent “J’aime ce que tu fais, j’aime ton énergie”, ils viennent sur ma chaîne pour voir une strip-teaseuse, donc j’ai besoin de créer un lien avec mes téléspectateurs avant de passer à autre chose. »

Tiffany Bourne
Tiffany Bourne. Photo publiée avec son aimable autorisation.

Pour Yamilah, qui a commencé à travailler comme strip-teaseuse à 18 ans, la pandémie a servi de catalyseur pour trouver d’autres sources de revenus – notamment l’argent de la publicité sur YouTube et la vente de perruques sur Depop – afin de moins dépendre du strip-tease.

Elle prévoit de continuer à partager des conseils et des astuces de strip-tease en ligne, même si elle ne travaille pas dans un club actuellement. « Je sais que mon public sera toujours intéressé parce qu’il découvrira qui je suis vraiment et tombera amoureux de moi en tant que personne, et pas seulement en tant que strip-teaseuse », dit-elle.

Bien que des célébrités comme Cardi B et Blac Chyna soient passées du strip-tease au succès, le travail du sexe est toujours stigmatisé. Cristina raconte que sa chaîne YouTube a eu des répercussions dans sa vie. « J’ai senti un changement dans mes relations avec mes parents et mes amis, dit-elle. C’est difficile, mais la raison pour laquelle j’ai commencé à faire des vidéos était de changer le point de vue des gens sur ce secteur. »

Comme quiconque fait du contenu en ligne, les strip-teaseuses/youtubeuses ont aussi leurs critiques dans la section des commentaires. Certains disent que les plus célèbres ne montrent que les bons côtés – l’argent, la lingerie et les vidéos glamours – sans évoquer les pièges de la profession.

Ces inquiétudes sont partagées par Nina Galy, une ancienne strip-teaseuse qui a quitté l’industrie en raison de son impact sur sa santé mentale. « Certaines youtubeuses ne sont pas tout à fait transparentes sur les autres formes de travail du sexe qu’elles pratiquent. Et elles ne disent pas que les résultats peuvent varier. J’ai vu des filles qui ont regardé les vidéos, acheté toutes les choses nécessaires, mais elles n’étaient pas vraiment faites pour cette industrie. »

Nina a quitté la profession en 2018 après avoir développé une dysmorphie corporelle due au favoritisme de certains types de corps dans les clubs. « Dans mon cas, c’était soit danser, soit perdre mon appartement. Bien sûr, la danse n’est pas la pire chose au monde, c’est certainement mieux que de vivre dans la rue ou de gagner à peine sa vie. Mais j’encourage vivement toutes celles qui envisagent de rejoindre l’industrie du divertissement pour adultes à réfléchir à leurs projets à long terme avant de passer une audition dans un club. »

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