L’artiste d’origine américaine établi en Afrique du Sud a fait de grandes avancées au cours des dernières années. Il a obtenu sa propre aile au Zeitz Museum of Contemporary African Art de Cape Town après que la Roger Ballen Foundation a fait le don financier le plus élevé dont ait bénéficié le tout nouvel établissement. Outre la photographie, Ballen est passé de la réalisation de clips pour Die Antwoord à la production de ses propres courts-métrages. Avec la parution, aujourd’hui, de Ballenesque, sa nouvelle monographie rétrospective publiée chez Thames & Hudson, Ballen assume pleinement son statut de figure emblématique.
« J’ai créé le style ballenesque. Il y a deux ou trois ans, je n’aurais pas été capable de dire ça, déclare-t-il. J’ai créé une réalité liée à ma manière d’exprimer la vie à travers la photographie. C’est sans doute la meilleure description que je pourrais donner du livre. Les gens qui s’intéressent à l’art et à la photo vont être amenés dans un espace mental provocant. »
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Visionnez ci-dessous un extrait exclusif du court-métrage accompagnant le livre, intitulé Ballenesque également.
Le reste du livre propose une visite guidée à travers l’œuvre de Ballen, à laquelle s’ajoutent 50 pages d’anecdotes, d’autobiographie, de réflexions sur la technique et de philosophie de l’artiste. Le tout débute par des portraits de famille flous pris par Ballen avec un appareil photo Mamiya, qu’il s’était procuré à l’âge de 13 ans. Il y partage la première photo qu’il a vraiment aimée, celle d’un chat mort en bordure de route.
Au fil des années, il s’est mis à documenter la contre-culture des années 1960 et 1970, des protestants grimaçant contre la guerre du Vietnam aux nudistes insouciants de Woodstock. Plusieurs photos de cette période de sa carrière sont présentées pour la première fois dans les pages de Ballenesque. En 1979, Ballen a commencé à voyager et à saisir des portraits de jeunes partout à travers le monde, de New York à l’Indonésie, qui ont ensuite été réunis en une série intitulée Boyhood.
Après avoir emménagé en Afrique du Sud, Ballen est devenu hanté par le bilan des victimes de l’apartheid. Parcourant la campagne sud-africaine en tant que géologue, il a continué de photographier les gens et les endroits qu’il voyait. Ces images ont été réunies en deux séries qui l’ont rendu célèbre : Platteland et Outland.
La monographie présente aussi en exclusivité les peintures de Ballen des années 1970, qui ont inspiré les photos abstraites d’Asylum of the Birds et The Theater of Apparitions. « J’étais heureux de pouvoir intégrer ces peintures dans le livre », déclare-t-il. Beaucoup de ces peintures ont été perdues lorsque son père a vidé la maison de son enfance, mais celles qui ont survécu ont été archivées pour Ballenesque. « Je n’ai pas retouché à un pinceau pendant 30 ans, mais d’une certaine manière, ces œuvres ont posé les bases de mon travail qui a suivi. »
En approchant la fin du texte, l’œuvre de Ballen semble exister, comme ses peintures, dans son propre esprit. « À partir de 2002, on voit rarement des visages humains dans les photos », déclare-t-il. Son projet en cours, qu’il annonce dans les dernières pages, est intitulé Ah Rats. La vermine qui infestait autrefois les contours de ses œuvres se trouve désormais au centre. En janvier, Ballen a réalisé le clip de la chanson « Tommy Can’t Sleep » de Die Antwoord, qui est rempli des rats qui occupent son esprit.
Si la demeure de Johannesburg où résident Icarus, Stoffel et Ballen est géographiquement loin de la scène politique américaine, Ballen est néanmoins en mesure d’offrir des conseils pour les jeunes artistes qui tentent de se démarquer en cette ère de la photographie qu’il qualifie « d’amorphe » en comparaison à la période où il faisait ses premières armes.
« Une grande partie de votre capacité à dire quelque chose de significatif est définie par votre expérience physique du monde, explique-t-il. Impliquez-vous dans des choses qui vous touchent. Les gens font juste clic, clic, clic – ça ne coûte rien. Ils n’ont pas besoin d’aller au front. Si les gens veulent dire quelque chose de pertinent, ils doivent aller au front. »
Ballen s’empresse de préciser qu’il ne veut pas dire que les photographes devraient mettre leur santé physique en danger en « sautant la clôture de la Maison-Blanche » pour saisir un cliché unique. « Il faut des années et des années, des heures et des heures pour développer une approche. Mes photos sont saisissantes parce qu’elles accèdent au subconscient. Aller au front peut avoir un sens psychologique autant que physique. » Si Ballen lui-même est allé au front, c’est en passant des années à porter attention à des lieux et des gens que d’autres auraient préféré ignorer. C’est ainsi que ses portraits de marginaux nous aident à mieux regarder à l’intérieur de nous.
Ballenesque paraît aujourd’hui aux éditions Thames & Hudson. Procurez-vous-le ici.