Au Nord de l’Inde, l’Etat de l’Himachal Pradesh est connu pour ses vallées luxuriantes et ses fermes fertiles. La nature y offre un diaporama fait de pommiers qui descendent les versants des montagnes, de choux-fleurs qui prennent le soleil sur des coteaux aménagés en terrasse et surtout, ce qui saute le plus aux yeux, des plants de chanvre à perte de vue.
Le magnifique décor montagneux de la région attire les touristes du monde entier et plus particulièrement les fumeurs de joints, ravis d’évoluer dans un coin de nature où le cannabis pousse comme du chiendent. La plupart des fermiers du coin sont envahis par des gros plants de beuh qui poussent de manière anarchique en bordure ou même à l’intérieur de leurs propriétés.
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« Je n’ai rien planté, m’assure Fareed*, un fermier du village de Nagini que j’ai rencontré à l’Himalayan Trout House, une auberge de jeunesse du coin. Ça pousse spontanément entre les arbres, pas besoin de planter quoi que ce soit. »
Fareed possède une ferme pas loin de Chandigarh depuis quinze ans. Il y cultive des fleurs, des margoses, des papayes, des mangues, du riz et plein d’autres choses. Chaque jour, à quatre heures du matin, Fareed se rend au marché de fruits et légumes du village pour y vendre sa récolte. Il a bien du chanvre qui pousse partout sur son terrain, mais vous n’en trouverez jamais sur son étal.
« C’est à partir du moment où tu cherches à tirer de l’argent de la marijuana que tu as des problèmes, c’est à ce moment-là que tu te fais baiser, balance Umair, un habitant de Delhi qui possède aussi une ferme dans le Punjab. Il y a un nombre incroyable de gens en prison pour ça, et plein d’étrangers aussi. »
En Inde, tant que c’est vous qui avez fait pousser la weed que vous fumez, les flics ont tendance à vous foutre la paix.
« C’est vraiment une zone d’ombre. Le pays est très grand et on a du mal à faire respecter les lois qui existent déjà. Là, ça ne gêne personne, ça ne met en danger personne, et en plus ça fait partie de nos traditions et de notre culture, alors on ne pourra rien faire contre ça, continue Umair. On voit souvent des babas https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A2dhu#Les_Naga_Baba qui passent leurs journées à fumer sans s’en cacher. C’est l’une de leurs activités favorites. »
Mais ici, les gens ne fument pas directement les têtes de beuh, ils consomment de la charas. Au lieu de faire sécher les plants de cannabis, les habitants de l’Himachal Pradesh préfèrent frotter la plante pour en extraire une résine collante. Il faut ensuite la mélanger avec du tabac ou la balancer dans un vaporisateur.
Pour Fareed, « c’est plus sain comme ça. L’herbe est souvent modifiée génétiquement pour la rendre plus forte, alors que la résine est naturelle. Il n’y a aucune modification faite pour augmenter artificiellement le taux de THC. »
En traversant la région et ses nombreux villages, on croise des femmes en habits colorés qui réussissent à rester élégantes malgré le travail harassant qu’elles abattent chaque jour. Des ados habillés à l’occidentale marchent au bord des rues à sens unique. Des vieillards assis devant des devantures de magasins se la coulent douce et discutent entre eux, indifférents aux plants de cannabis qui viennent frôler leur crâne.
« Les gens n’y font pas attention plus que ça. Personne ne va se dire, « Attention, de la weed ! » Ça semble tout à fait normal, relativise Umair. Dans les villages, ils ne la fument pas tellement. Ils s’en servent surtout pour préparer le bhang. Tu écrases la plante pour en faire une pâte et tu la mélanges avec du lait ou autre chose.Au lieu de fumer les feuilles, tu les digères. C’est beaucoup plus puissant et l’effet dure plus longtemps. C’est une défonce très planante. »
Si les habitants du coin préfèrent boire le fruit de leur terre, il reste toujours des gens pour la fumer.
« Les gens qui apprécient particulièrement fumer le chanvre ont en général une vallée préférée où ils vont se fournir exclusivement. Chaque terroir a son style et sa saveur », nous explique Umair.
L’Himachal Pradesh est peut-être bien la Mecque des fumeurs de cannabis, mais pas besoin d’aller y faire un voyage initiatique pour trouver de quoi se défoncer en Inde.
« [Le cannabis] pousse partout par ici. On pourrait même en faire pousser à Delhi, s’il fallait », me lance Umair, comme pour me faire comprendre qu’en Inde, la weed fait vraiment partie des murs.
* Tous les prénoms ont été modifiés.