Premier sport du pays, le football – aussi bien amateur que professionnel – fait vibrer chaque week-end de nombreux Français. Depuis quelques années, le nombre de licenciés de la Fédération française de football est reparti à la hausse et affichait plus de 2 millions au compteur sur la saison dernière. Pourtant, paradoxalement, au fil des ans, on pourrait croire que les virages de certains stades semblent peu à peu perdre de leur ferveur tandis que des mesures sécuritaires toujours plus drastiques apparaissent. Récemment adoptée, la loi Larrivé pourrait étouffer encore un peu plus certains supporters. Censée lutter contre le hooliganisme, elle permettra aux clubs de ficher leurs fans et de refuser la vente de places à certains d’entre eux, même s’ils ne sont pas officiellement interdits de stade.
Déjà visés par le très drastique plan Leproux en 2010, dont le principal objectif était de virer les ultras du Parc des Princes, cette nouvelle loi pourrait ainsi faire perdre au Paris Saint-Germain ses quelques derniers supporters « historiques » qui daignaient encore à aller au stade. Ces dernières années, un certain nombre d’entre eux ont en effet fui leur antre, qui semble avoir définitivement perdu son ambiance d’antan, pour rejoindre les tribunes de plus petites équipes d’île-de-France, et notamment le Paris Football Club.
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Comme son rival le Red Star, le Paris FC a toujours évolué dans l’ombre du Paris Saint-Germain. Pensionnaire du stade Charléty, dans le sud de la capitale, il avait réussi l’exploit de retrouver le professionnalisme et la Ligue 2, quittée 32 ans auparavant, à l’issue de la saison 2014-2015. Un an plus tard, après une année décevante où il a terminé dernier du classement, le troisième club parisien est finalement redescendu en National.
Ancien joueur amateur et supporter du PSG depuis son enfance, le photographe Hugo Aymar a suivi les supporters du Paris FC durant la fin de cette saison 2015-2016 en deuxième division. « Je dois avouer que je vis assez mal la nouvelle ambiance du Parc des Princes, explique-t-il. Quand un ami journaliste m’a proposé de faire un reportage sur les supporters des autres clubs de Paris, j’ai été aussitôt intéressé. On a contacté différents groupes de supporters de plusieurs clubs de la capitale et de sa banlieue – le Paris FC, l’US Créteil et le Red Star – et les seuls qui nous ont répondu positivement étaient les Ultras Lutetia (UL) du Paris FC. On les a rencontrés dans un bar et, après quelques pintes à essayer de leur prouver notre bonne foi, ils nous ont proposé de venir à Beauvais pour le derby contre le Red Star, lors de la 32ème journée du championnat, le 4 avril dernier. On a continué à les suivre jusqu’à la fin de la saison, avec notamment un déplacement à Lens, au stade Bollaert. » En plus des matchs, Hugo les a aussi retrouvés un samedi matin, en banlieue, pour préparer un énorme tifo pour la dernière confrontation de l’année à domicile.
« Pour eux, le plan Leproux a mis fin à la présence de vrais supporters dans le Parc des Princes. L’ambiance n’est plus là. Globalement, ils sont assez résignés, et même si les prix baissaient, ils n’y retourneraient pas, avance le photographe. Néanmoins, le groupe – qui compte une trentaine de membres permanents et une vingtaine de sympathisants – est très jeune et beaucoup n’ont donc pas connu le Parc de l’avant Leproux. Au niveau des profils, on y retrouve beaucoup d’étudiants. Il me semble que le plus jeune a 14 ans. Il est toujours là, avec son père, sur tous les déplacements. Le groupe comprend aussi une fille, également assez impliquée. L’activité d’ultra peut prendre beaucoup de temps à certains, entre l’organisation nécessaire pour suivre l’équipe sur les matchs en extérieur, la préparation des banderoles et tifos, etc… »
Malgré le rapide retour du club en National, tous ont le sentiment « d’avoir créé un vrai groupe de supporters qui survivra à la descente » et ils espèrent que personne ne partira, même s’ils sont conscients que « la montée en Ligue 2 l’an dernier les a bien aidés à ramener de nouveaux membres ».
Outre leurs activités au service du Paris FC, leur club de cœur, les supporters se rendent régulièrement à Saint-Germain-lès-Corbeil, dans l’Essonne. « Les Ultras Lutetia se sont liés d’amitié avec la Bomba St-Gers, un groupe de supporters du club du FC Saint-Germain Saintry Saint-Pierre qui évolue en première division de district, soit la onzième division nationale. Ainsi, tous les week-ends, une trentaine de membres des UL assistent aux matchs du FC Saint-Germain Saintry Saint-Pierre, et inversement. »
Parmi les évènements de son reportage qui l’ont le plus marqué, Hugo Aymar se souvient du derby contre le Red Star, le premier match qu’il a couvert. « J’ai grave galéré pour aller à Beauvais puis pour trouver le stade. Du coup, je suis arrivé en retard et le PFC menait déjà 1-0. Le club n’avait pas gagné un match depuis la 3ème journée et là, ils menaient pour l’un des matchs les plus importants. Après un petit round d’observation, je me suis retrouvé en plein dans le groupe hyper chaud dont j’avais jusqu’alors rencontré seulement deux membres. J’ai découvert les chants du PFC, ça buvait pas mal de bières, ça chambrait les supporters du Red Star (“Le Red Star, c’est Beauvais”), ça enlevait les t-shirts. En plus – ce qui n’est pas toujours le cas –, les Ultras Lutetia étaient ce soir-là réunis avec le Old Klan, le deuxième groupe d’ultras du PFC. Je me suis fait discret, je me suis mis dans un coin et j’ai commencé à photographier en esquivant de temps en temps les gens qui sautaient dans tous les sens. Au final, le PFC a gagné 4-2 » – ce qui n’a pas empêché la relégation quelques semaines plus tard. Au terme de la 7ème journée de National, le week-end dernier, le club parisien occupait la 11ème place du classement après avoir remporté sa troisième victoire de la saison.
Retrouvez Hugo Aymar sur son site .