L’imagerie des clips de PNL est atypique, et fascine autant que leur musique. De manière générale, on peut distinguer deux types de thématiques : d’un côté, les clips visuellement léchés mais sans aucun scénario, tournés dans des destinations plus ou moins exotiques –Islande, Namibie, cité de la Scampia- ; de l’autre, les clips scénarisés, tournés au milieu des Tarterêts, et mettant en scène des proches du groupe dans des rôles assez simples –le dealer, le guetteur, le gamin qui n’a rien demandé à personne, le concurrent du terrain voisin.
Dernièrement, le duo a franchi un cap en se lançant carrément dans la scénarisation de sa propre histoire personnelle. La trilogie de clips « Naha-Onizuka-Bené » est carrément une série de court-métrages, qui s’étend en durée un peu plus à chaque épisode : 8 minutes, puis 12 minutes, puis 16 (on laissera l’analyse de ces chiffres à d’autres fins limiers). Malgré le succès indéniable de chacune de ces vidéos, qui atteignent toutes le million de vues en quelques heures, la réaction du grand public est moins élogieuse que d’habitude avec PNL. Le premier épisode a été bien reçu, même si certains ont raillé le jeu très amateur des acteurs. Sur ce point, on peut cependant rétorquer que le parti-pris très théâtral des clips de PNL existe depuis leurs premières vidéos, où tout est volontairement surjoué et mis en scène sur un mode quasiment expressionniste.
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L’intrigue donne de bonnes indications pour qui s’intéresse à l’histoire du groupe, puisqu’après avoir passé deux albums à ne rien dévoiler de leur passé et de leur vie privée, les deux frères ont livré pas mal de détails tout au long de Dans la légende, avant de passer à l’étape supérieure en scénarisant leur vécu à travers cette série de clips. On peut supposer qu’il s’agit finalement d’un mix entre éléments réels et autres romancés pour coller parfaitement au sujet, mais dans le fond, la véracité de tel ou tel fait n’a aucune importance, puisque tout est présenté comme une fiction.
Les plus grosses critiques sont arrivées avec les parties 2 et 3 de la série : d’une part, on regrette la manière dont la musique est exploitée –clairement reléguée au second plan, au point de se demander si elle a une réelle utilité- ; surtout, plus l’histoire va de l’avant, plus on se perd dans le script. De plus en plus de personnages, des relations entre eux parfois abstraites, une intrigue qui n’est pas aidée par le rythme des différents métrages : à la fin de « Bené », de nombreux spectateurs ont dit ne pas avoir bien compris ce qu’ils ont vu, et n’étaient pas certains d’avoir envie de voir la suite, préférant retrouver Ademo et N.O.S dans un clip plus classique, perchés au sommet de la Cordillère des Andes ou perdus au milieu d’une forêt gelée en Sibérie.
Pour le bien de tous, il convient donc de remettre les choses au clair, et de démêler les ficelles de cette intrigue qui n’a en fait rien de très compliqué.
Partie 1 : « Naha »
L’histoire commence en douceur, avec Naha. Un acteur jouant le rôle d’Ademo récupère quelques plaquettes au cours d’une transaction dans un appartement, et les fourre dans un sac de sport. Jusqu’ici, rien de bien extravagant. En chemin pour retourner sur son terrain, il croise deux adolescents sans casque sur un scooter. Ademo –enfin, l’acteur qui joue Ademo, attention c’est très technique- attrape l’un des deux et lui intime d’aller voir un peu plus loin. On comprendra un peu plus tard que ce gamin représente le personnage de Yanis, le petit frère d’Ademo et N.O.S. Il aura son importance par la suite, donc restez focus.
Ademo -enfin, l’acteur qui joue Ademo-
Dans la scène suivante, Ademo croise une future star : Macha Django, que tout le monde va très vite surnommer Coca-Cola, pour sa dégaine de renoi à cheveux rouges reconnaissable entre mille –on y reviendra également très vite. L’un et l’autre se toisent du regard, et on comprend immédiatement que Coca-Cola va être l’antagoniste principal de la série. Ademo dépose le sac dans son bâtiment, remet une petite tannée à Yanis, et salue deux dames qui semblent être sa mère et sa sœur –à moins que ce ne soient belle-mère et belle-sœur, ce qui est assez étonnant quand on sait que l’une des thématiques principales des trois premiers albums de PNL est l’absence de figure maternelle.
N.O.S (aka Casper) qui charbonne dur pour rendre son mémoire de stage à temps
Quoi qu’il en soit, Ademo ayant visiblement su fournir un produit d’excellente qualité aux mecs de son terrain, les clients affluent, ce qui provoque la colère de Macha, tenancier du terrain voisin, qui ne vend plus rien. L’équipe Coca-Cola vient donc dérouiller l’équipe Ademo. Pour ne rien arranger, le meilleur ami de Macha –appelons-le Coca Light, pour plus de simplicité- se permet d’alpaguer la sœur de la scène précédente. Elle rentre en pleurs, Ademo descend et éclate Coca Light devant tous ses potes.
Jusqu’ici, rien de bien difficile à suivre : en gros, Ademo et Coca-Cola se rendent coup pour coup, pendant que N.O.S –joué par Casper, un mec qu’on a déjà croisé dans pas mal de clips de PNL, dont « Le Monde ou rien » – étudie super sérieusement et ne casse les couilles à personne. On ne va pas s’éterniser sur l’escalade scorsesienne des relations entre les deux tauliers, mais pour résumer Coca-Cola braque la planque d’Ademo, récupère toute sa marchandise, puis le regarde se faire embarquer en se marrant comme une baleine. Le pauvre N.O.S s’en mange une en rentrant des cours alors qu’il n’a rien demandé, et Yanis, super énervé, finit par avoir la seule réaction rationnelle à ce genre de situations : lancer un pavé dans le pare-brise d’une voiture de keufs. Fin de la partie 1.
Quand ton principal rival vient de se faire embarquer
À moins d’être jury des Victoire de la musique, vous êtes censé avoir tout compris jusqu’ici : seulement deux personnages principaux –un bon et un mauvais-, quelques personnages secondaires à l’implication suffisamment légère pour être lisible, et une intrigue finalement très basique.
Partie 2 : « Onizuka »
Le scénario se complexifie légèrement à partir de cette partie, mais là encore, tout reste relativement lisible. Coca-Cola a repris la main sur le business, qu’il mène d’une main de fer puisqu’il n’hésite pas à lâcher son clébard sur ses concurrents quand il le faut. Pendant ce temps, le petit Yanis est toujours très énervé, sa mère n’arrive plus à le tenir, et il finit même par trouver un flingue.
N.O.S –toujours joué par Casper- continue à poser ses fesses sur les bancs d’une Fac parisienne, mais profite de son passage dans la Capitale pour récupérer un sac à dos chargé auprès de son cousin RKM –du groupe DTF-. En l’absence d’Ademo, c’est visiblement à son tour de subvenir aux besoins de la famille, et donc de récupérer le business de son frère, ce qui correspond parfaitement à ce qui était raconté dans « PTQS » : « la première fois que j’suis béton, j’ai laissé le terrain à Nabil ».
Petite transaction sécurisée dans une station de métro pleine de caméras
Evidemment, il lâche petit à petit l’école, tandis que sa petite entreprise fonctionne à merveille, attirant évidemment l’œil de Macha. Dans le même temps, Yanis mène la dura vita comme n’importe quel ado boutonneux à problèmes : il trouve un flingue, s’en sert pour braquer une voiture au feu rouge, avant de la revendre pour une belle somme en liquide.
Dans le même temps, l’équipe Coca-Cola reprend le modus operandi du premier épisode, avec une stratégie diplomatique simple mais efficace : tabasser tous les potes de N.O.S. Ce dernier finit donc par casser dignement la bouche de Macha, le laissant en sang sur le sol. Macha étant un méchant digne du Joker de Jack Nicholson ou du De Niro des Nerfs à vif, il se relève alors que tout le monde le croyait terminé, et plante son couteau dans les côtes de Nabil, pour l’une des scènes les plus dramatiques de l’histoire du rap français –ex-aecquo avec celle où Diam’s et Vitaa écoutent les messages du répondeur de leurs mecs respectifs.
Le public de PNL a d’ailleurs tellement pris les choses au sérieux que des petits Einstein sont allés jusqu’à menacer virtuellement Macha après la diffusion du clip d’« Onizuka », dans lequel il vient gentiment shlasser Ademo par derrière (filon exploité plus tard par le duo pour leur promo). Sa réaction fut parfaite :
Partie 3 : « Bené »
C’est ici que les moins courageux ont lâché le fil, pas forcément aidés par le rythme de cette troisième partie, qui aligne quinze minutes de semi-silence pour trois minutes de musique. Cet épisode se concentre principalement sur le petit Yanis, qui est donc surnommé « Bené » (sans é) : toujours plus motivé à foutre le bordel, il démarre en allant braquer l’un des subalternes de Macha, qui finit avec une belle cicatrice sur la joue. Après s’être entrainé à tirer sur des canettes –de Coca-Cola, forcément- en plein milieu du bois de Quat’ Sous, il finit par se faire engueuler par sa mère, qui a découvert son T-shirt plein de sang mal dissimulé. Un conseil dans ce genre de cas : ne cachez pas le T-shirt dans votre chambre, jetez-le directement, et enfilez-en un autre. Logique. Maman ne se rendra pas compte de sa disparition, et si jamais ça arrive, l’explication « on me l’a piqué au sport » peut fonctionner, à condition d’y croire suffisamment vous-même.
Une tache de sang tellement bien placée qu’elle améliore le design du tish
Entre temps, Coca-Cola se fout de la gueule de son subalterne balafré –car il est vraiment méchant- et se rappelle, le temps d’un flash-back en 1998, de la terrible époque où, enfant et innocent, un méchant rebeu en survet’ Lacoste a crevé son ballon de foot. Les origines de la haine, probablement, car tout bon méchant tire forcément sa rage intérieure d’un traumatisme d’enfance. Yanis-Bené, qui a lui aussi une bonne dose de rage intérieure, se dit qu’il pourrait se servir de son flingue pour fumer Coca-Cola –le vrai, cette fois-ci, pas la canette-, mais arrive trop tard et complète son parcours de délinquant juvénile en allumant une clope.
Une équipe de bleus bien décidée à se faire l’équipe Coca-Cola vient faire une razzia et embarque notamment le balafré, qui finira par balancer son boss, probablement pour se venger du moment où il s’est foutu de sa gueule. Pas le moment de prendre un thé, Macha réussit à fuir au volant de son cabriolet et part se réfugier en Espagne avec un sac à dos et le seum de s’être fait poukave.
Quand à Bené, il se décide à aller voler un sac de sport chargé appartenant à l’équipe Coca, devenue l’équipe Coca Light depuis le départ de Macha. À noter une balayette techniquement exceptionnelle de la part du fidèle compagnon de Yanis, à montrer dans toutes les écoles. Les deux compères revendent rapidement le sac, se retrouvent avec une jolie liasse à exhiber, et finissent logiquement par se faire courser par la Coca Light Team.
La partie 3 se termine donc avec Ademo enfermé, N.O.S à l’hôpital, et Yanis en cavale. Tout est sombre, très sombre. Pas très étonnant que PNL finisse par chanter « cette lumière va partir, l’obscurité m’attire » ou « longtemps qu’j’suis détruit, faut pas que j’repense au passé ». A priori tout le monde attend « Jusqu’au dernier gramme » pour la partie 4, et à titre personnel je suis tout à fait d’accord puisqu’il s’agit clairement de mon titre préféré de DLL. J’aime aussi me laisser aller à croire ces illuminés qui prophétisent un titre inédit d’un hypothétique nouvel album, tandis que je continuerai de pleurer l’absence de clip pour la paire « Mexico-Porte de Mesrine ». Probablement la faute à Macha.
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